Prévu à l’origine pour une mission de trois mois, le rover Opportunity, dont les équipes qui l’encadrent viennent de fêter, le 25 janvier, le dixième anniversaire d’exploration de la région de Meridiani Planum, va très bien. Depuis environ quatre ans, il enquête sur des sites témoignant d’un lointain passé doux et humide, très différents de ceux qui furent visités précédemment, au début de la mission. À l’heure des bilans d’une décennie de recherches, le rover promet d’autres découvertes permettant de reconstituer le puzzle du passé de Mars et de son habitabilité.

au sommaire


    Dans l'esprit d'accompagner les célébrations des dixièmes anniversaires de l'arrivée sur la Planète rouge des deux missions Mars Exploration Rover (MER), la revue Science a consacré dans son édition du 24 janvier 2014 une large part à l'habitabilité de Mars.

    Parmi les nombreux articles, l'un d'eux, consigné par le professeur Ray Arvidson (université de Washington) et toute son équipe responsable du vaillant Opportunity, expose les dernières avancées réalisées par leur petit protégé. Débarqué avec succès dans la région équatoriale de Meridiani Planum, le 25 janvier 2004, le rover équipé de caméras, microscopesmicroscopes, spectromètres, outils de prélèvements, antennes de communication et divers instruments de navigation autonomes (le tout alimenté par deux panneaux solaires) avait une longévité initiale estimée à trois mois.

    Dix ans plus tard -- soit un peu plus de 3.500 sols ou jours martiens -- et exactement 38,73 kilomètres parcourus (un record pour un astromobile), les opportunités d'approfondir nos connaissances sur le passé de la Planète rouge, notre « voisine de quartier », sont nombreuses grâce au petit véhicule. Très enthousiaste, le directeur du projet MER à la Nasa, John Callas, rappelle que « la longévité et les distances parcourues sont remarquables, mais plus importantes encore sont les découvertes qui ont été faites et la nouvelle génération qu'il a inspirée. » Mieux comprendre la planète va également aider à préparer les premières missions habitées envisagées à l'horizon 2030.

    Image mosaïque capturée depuis l'espace par la sonde spatiale <em>Mars Reconnaissance Orbiter</em> (MRO). Le tracé jaune montre le parcours d'Opportunity depuis son arrivée le 25 janvier 2004 dans le cratère Endurance jusqu'à sa position actuelle sur les remparts du cratère Endeavour, de 22 kilomètres de diamètre. En dix ans, le rover a parcouru la distance de 38,73 km, un record pour un astromobile. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS, NMMNHS

    Image mosaïque capturée depuis l'espace par la sonde spatiale Mars Reconnaissance Orbiter (MRO). Le tracé jaune montre le parcours d'Opportunity depuis son arrivée le 25 janvier 2004 dans le cratère Endurance jusqu'à sa position actuelle sur les remparts du cratère Endeavour, de 22 kilomètres de diamètre. En dix ans, le rover a parcouru la distance de 38,73 km, un record pour un astromobile. © Nasa, JPL-Caltech, MSSS, NMMNHS

    Roches plus anciennes et minéraux hydratés riches en smectite

    Au cours des premières années, OpportunityOpportunity fut assisté depuis l'espace par l'orbiteur Mars Odyssey, lequel, d'ailleurs, a permis aux scientifiques de sélectionner son point de chute (arrivée dans le petit cratère Endurance). À partir de 2006, MROMRO a en quelque sorte pris le relais pour le guider sur des sites intéressants sur le plan minéralogique. Aussi, depuis début 2010 et la détection en orbite de la signature spectrale de minérauxminéraux argileux riches en ferfer, comme la smectite ferrique avec du Fe(III), le rover a-t-il mené l'enquête sur les bords du cratère EndeavourEndeavour (22 km de diamètre) durant 200 sols. Plus précisément sur les pentes ouest baptisées Matijevic Hill, à l'est du site de Cape York.

    L'impact qui s'est produit voilà environ quatre milliards d'années, c'est-à-dire au NoachienNoachien, a ainsi excavé des roches formées plus tôt au cours de cette première période de l'histoire de Mars. Pour les chercheurs, ces témoignages géologiques révèlent un environnement plus humide et doux que celui étudié jusque-là lors de ses premières années d'investigation, plus jeune, acideacide et oxydant.

    Sur la bordure ouest du cratère Endeavour, le site de Cape York, une région de Matijevic Hill, photographié par MRO (détail d'une image collectée avec la caméra HiRise). Les études réalisées avec le spectromètre Crism de l'orbiteur ont révélé la présence de minéraux argileux comme la smectite, qu'Opportunity est venu ensuite examiner durant plus de 20 mois. © Nasa, JPL-Caltech, université d’État de l’Arizona

    Sur la bordure ouest du cratère Endeavour, le site de Cape York, une région de Matijevic Hill, photographié par MRO (détail d'une image collectée avec la caméra HiRise). Les études réalisées avec le spectromètre Crism de l'orbiteur ont révélé la présence de minéraux argileux comme la smectite, qu'Opportunity est venu ensuite examiner durant plus de 20 mois. © Nasa, JPL-Caltech, université d’État de l’Arizona

    Prochaine étape pour Opportunity : Cape Tribulation

    Il va sans dire, à l'instar de Michael Meyer, responsable scientifique à la Nasa du programme d'exploration de Mars, que « plus nous explorons Mars, plus cela devient intéressant ». Relevant que « cela coïncide avec le dixième anniversaire d'Opportunity sur Mars », il ajoute que « nous découvrons davantage d'endroits où Mars se révèle avoir été une planète plus chaude et humide par le passé. » Évidemment, cela « nous incite plus encore à poursuivre les recherches de preuves d'une vie passée sur Mars ».

    Les rochers abrasés Espérance6 et Lihir se situent dans la région de Matijevic Hill qu’Opportunity continue d'étudier. Cette image en fausses couleurs a été capturée avec sa caméra panoramique lors du 3.230<sup>e</sup> sol, ou jour martien. © Nasa, JPL-Caltech, université Cornell, université d’État de l’Arizona

    Les rochers abrasés Espérance6 et Lihir se situent dans la région de Matijevic Hill qu’Opportunity continue d'étudier. Cette image en fausses couleurs a été capturée avec sa caméra panoramique lors du 3.230e sol, ou jour martien. © Nasa, JPL-Caltech, université Cornell, université d’État de l’Arizona

    Même si l'heure est au bilan à travers les célébrations d'une décennie d'exploration, « il y a encore plus de bonnes choses à venir », se réjouit le chef de la mission Steve Squyres (université Cornell). Son nom ne vous est peut-être pas inconnu, car pas plus tard que le 16 janvier dernier au cours de son allocution au JPLJPL sur les grandes étapes qui ont jalonné le long périple d'Opportunity, il annonçait la découverte de Pinnacle Island, un caillou gros comme le poing présent près du rover alors qu'il n'y était pas 12 jours auparavant ! « Nous examinons une roche juste en face du rover qui est différente de tout ce que nous avons vu auparavant. Mars ne cesse de nous surprendre, comme à la première semaine de la mission. » Il nous faut encore patienter pour en savoir plus à son sujet.

    En pleine forme, Opportunity continue de travailler sur le lieu-dit Solander Point. Par la suite, si tout va bien, il devrait se diriger vers Cape Tribulation, en direction du sud.