Si la propulsion chimique est bien adaptée pour des vols habités en orbite basse ou à destination de la Lune, elle n’est pas le meilleur moyen pour s’aventurer plus loin dans le Système solaire. Par contre, la propulsion nucléaire a de nombreux avantages comme celui de réduire la durée des voyages et l’exposition des astronautes aux conditions extrêmes de l’environnement spatial. L’ESA vient de confier au CEA la réalisation d’études de faisabilité sur la propulsion nucléaire dans l’espace. Les explications de David Fraboulet, conseiller principal à la Direction de la recherche technologique du CEA.


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    Parmi les belles annonces du 54Salon du Bourget, citons celle du CEA qui va mener deux études de faisabilité sur la propulsion nucléaire dans l'espace pour le compte de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA). Ce mode de propulsion, qui pour l'instant fonctionne seulement sur Terre (sous-marinssous-marins, porteporte-avions, brise-glace), pourrait accélérer l'exploration humaine du Système solaire et envoyer des missions humaines vers Mars et au-delà avec des temps de trajets très courts. Pour l'instant, il n'est pas question de développer un moteur, il s'agit d'études papiers prévues pour durer un an. À l'issue de cette phase, l'ESA décidera de l'intérêt ou non de financer un démonstrateurdémonstrateur (terrestre ou spatial) à l'horizon 2035, avec en point de mire les futures missions habitées d'exploration vers 2050.

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    Connaissant le peu d'empressement de l'ESA à devenir autonome en matière de vol habité, elle a jusqu'à présent toujours souhaité et préféré la coopération internationale et se faire dicter « ses choix » par la Nasa, cette initiative est à regarder sous cet angle de la coopération internationale. Et donc vue comme une volonté d'investir dans le développement d'une brique technologique de rupture afin de la proposer plus tard à la Nasa en échange d'une énième participation à un programme de vols habitésvols habités. Pour les industriels européens et le CEA, il s'agit de ne pas décrocher dans le domaine de la propulsion nucléaire par rapport aux États-Unis et à la Chine, qui ont tous les deux amorcé des études et des programmes exploratoires depuis plusieurs années. La Russie semble hors course pour les raisons que l'on sait.

    Vue d'artiste du projet <em>Draco</em> de démonstrateur de moteur nucléaire NTP de la Nasa et la Darpa. © Darpa
    Vue d'artiste du projet Draco de démonstrateur de moteur nucléaire NTP de la Nasa et la Darpa. © Darpa

    Deux concepts à l’étude

    Comme nous le détaille David Fraboulet, conseiller principal à la Direction de la recherche technologique du CEA, ces deux études sont « deux alternatives possibles et crédibles pour faire de la propulsion nucléaire dans le voyage interplanétaire, typiquement entre la Terre et Mars ».

    Le premier projet, baptisé Alumni, est piloté par le CEA avec l'appui d'ArianeGroup et de Framatome. Il porte sur un moteur de propulsion nucléo-thermique. Son principe de fonctionnement consiste à « chauffer de l'hydrogène liquide en le faisant passer dans le cœur d'un réacteur nucléaire pour le transformer en gaz et le porter à haute température, avant de l'éjecter pour générer une poussée avec une efficacité deux à trois fois plus grande qu'un moteur chimique classique ».

    Le deuxième projet, RocketRoll, vise à étudier la faisabilité d'un système de propulsion nucléaire électrique où « l'électricité produite par un réacteur électronucléaire alimente des propulseurspropulseurs électriques ioniques, dont le principe consiste à ioniser un gaz et à accélérer les ionsions produits, qui sont ensuite éjectés pour générer la poussée, comme dans les sous-marins et les porte-avions nucléaires ». Cette étude sera réalisée au sein d'un consortium dont fait partie le CEA.

    Un voyage plus court et meilleur pour la santé des astronautes

    Par rapport à de la propulsion chimique qui a des limites thermodynamiquesthermodynamiques, la propulsion nucléaire fait beaucoup mieux. Son impulsion spécifiqueimpulsion spécifique est plus élevée, sa poussée est plus forte et cela va beaucoup plus vite. Son intérêt est multiple et le principal est la vitessevitesse qu'atteindront les vaisseaux spatiaux, « ce qui permettra de réduire la duréedurée du trajet vers Mars, et donc rendra le voyage plus supportable pour les astronautesastronautes et moins difficile sur le plan psychologique et physiologique ». Ils seront également « moins exposés au rayonnement spatialrayonnement spatial et à l'environnement extrême du milieu interplanétaire ». Cette réduction du temps de trajet a aussi comme avantage de réduire la « massemasse du véhicule en emportant bien moins de consommables et d'adapter le dimensionnement au système de support vie ».

    Dans le cas d'un voyage aller-retour à destination de Mars, une mission à propulsion chimique nécessiterait de trois à quatre ans, selon la durée du séjour sur Mars. Avec la propulsion nucléaire on « divise cette durée par 3 ». Concrètement, « seules quelques semaines de voyage seront nécessaires pour rejoindre Mars ». Mieux encore, pour le voyage du retour il ne sera plus nécessaire « d'attendre un alignement favorable des deux planètes ». Le véhicule et l'équipage pourront quitter Mars et retourner sur Terre quand bon leur semble, « même si Mars n'est pas au plus près de la Terre ! »

    Enfin, de tels moteurs augmenteraient de facto les « capacités d'emport des véhicules spatiaux et faciliteraient également l'envoi des gros équipements d'infrastructure nécessaires à l'installation d'une base ou d'un avant-poste à destination ».