Alors que la mission Dart est parvenue très récemment à dévier un astéroïde, c'est l'occasion de revenir sur un film qui a beaucoup fait parler de lui il y a presque 25 ans : Armageddon. Dans ce nouvel épisode de Science, ça tourne, on se propose de revoir un peu la technique employée dans ce blockbuster pour détruire un astéroïde tueur.


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    La crainte de voir la Terre percutée par un astéroïde ne date pas d'aujourd'hui. Et surtout, elle a déjà été concrétisée à plusieurs reprises ! La plus connue étant celle où un astéroïde d'au moins 10 km de diamètre a causé l'éradication des dinosauresdinosaures, il y a 66 millions d'années. On peut aussi citer l'événement de la Toungouska, provoqué par la désagrégation d'une météorite à une altitude entre 5 et 10 kilomètres. L'onde de choc générée a dégagé une puissance équivalente à mille fois celle de la bombe nucléaire d'Hiroshima. L'astéroïde d'origine n'avait pourtant qu'un diamètre de 200 mètres.

    Et dans la fiction ? Cette idée a été vue très récemment dans le film Don't look up : Déni cosmiqueallégorie de l'inaction climatique, dans lequel une comète se dirige droit vers la Terre. Mais aussi, dans Armageddon, dans lequel Bruce Willis, comme souvent, sauve l'humanité d'une destruction certaine. Dans ce blockbuster sorti en 1998, une pluie de météorites s'écrase sur New York, et indique une menace encore plus grande : un astéroïde de la taille du Texas (un peu plus gros que la France) impactera la Terre dans 18 jours. La Nasa envoie alors une équipe experte en forages pour aller creuser un puits dans l'astéroïde et y placer une charge nucléaire pour le disloquer. Les membres, n'ayant aucune connaissance en astronautique, doivent être formés en (très grande) vitessevitesse.

    La bande-annonce du film Armageddon.

    Non, creuser un puits à 500 mètres ne suffirait pas à détruire l'astéroïde d'Armageddon

    Très mal accueilli par la critique, un peu mieux par le public, le film possède de nombreuses petites erreurs, le rendant scientifiquement peu plausible. Des explosions bruyantes dans l'espace alors qu'aucun son ne s'y propage, une gravitégravité équivalente à celle de la Terre sur l'astéroïde alors qu'elle devrait être bien moindre, seulement une heure pour rejoindre la Station spatialeStation spatiale au lieu de 24 heures... et au niveau du scénario lui-même, est-il réaliste ? Sur certains aspects, oui. Ou plutôt, un peu. En effet, il existe bien des astéroïdes susceptibles de croiser la trajectoire de la Terre, ou en tout cas de fortement s'en approcher. On les appelle « astéroïdes géocroiseurs », et on en compte environ 30 000. Parmi eux, seuls 1 425 sont considérés par l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) comme ayant un risque d'impact non nul. Quant à ceux dans cette catégorie qui dépassent le kilomètre de diamètre, ils ne menacent pas la Terre avant au moins un siècle.

    Cette animation montre la distance entre l'astéroïde Apophis et la Terre au moment de l'approche la plus proche de l'astéroïde en 2029. Sa distance avec la Terre sera équivalente à 10 % de la distance Terre-Lune. Les points bleus sont les nombreux satellites artificiels qui orbitent autour de notre Planète, et le rose représente la Station spatiale internationale. © Nasa, JPL-Caltech
    Cette animation montre la distance entre l'astéroïde Apophis et la Terre au moment de l'approche la plus proche de l'astéroïde en 2029. Sa distance avec la Terre sera équivalente à 10 % de la distance Terre-Lune. Les points bleus sont les nombreux satellites artificiels qui orbitent autour de notre Planète, et le rose représente la Station spatiale internationale. © Nasa, JPL-Caltech

    Et si un impact avait quand même lieu ? Faudrait-il creuser un gigantesque trou et y placer une charge explosive comme dans Armageddon ? Petit problème, pour pouvoir réellement déchirer un objet d'un kilomètre de diamètre, il faudrait creuser jusqu'à atteindre son cœur, donc dans le cas d'Armageddon, sur près de 500 kilomètres. Or, dans le film, c'est seulement à 500 mètres que l'équipe creuse, soit à seulement 1 % du rayon de l'astéroïde tueur. Dans la réalité, cela ne permettrait pas de morceler l'astreastre, mais seulement d'entamer sa surface. Une analyse réalisée en 2012 par l'université de Leicester s'est concentrée sur la charge explosive nécessaire pour seulement dévier l'astéroïde d'Armageddon, et a confirmé ce résultat : « vous auriez besoin d'une bombe nucléaire environ un milliard de fois plus puissante que la plus grosse bombe jamais déclenchée sur Terre, et vous auriez besoin de la faire exploser alors que l'astéroïde se trouve à une distance où nous serions tout juste capables de le détecter (à environ 12 milliards de kilomètres) ». Pas de chance, à nouveau, c'est impossible ! Mais l'analyse suggère en conclusion qu'il serait possible de changer la trajectoire d'un corps dangereux.

    Dévier un astéroïde : la Nasa l'a fait !

    Plutôt que de fragmenter un astéroïde, le dévier serait la seule solution possible. Et c'est en effet celle qui a été envisagée par la Nasa, puis testée tout récemment ! Cette solution s'inscrit dans le cadre de la défense planétaire, qui comprend tous les moyens possibles pour gérer l'impact d'un astéroïde géocroiseur avec la Terre. Un concept qui a émergé dans les années 1990, alors que la comète Shoemaker-Levy 9 frappait violemment la planète JupiterJupiter en 1994. Les dégâts, observés par de nombreux satellites depuis la Terre, étaient spectaculaires. Si la collision s'était produite sur notre Planète, elle aurait pu mener à l'anéantissement de l'humanité.

    Quelques instants après la collision de Dart contre Dimorphos, un important nuage de débris et de poussière s'est formé au-dessus de l'astéroïde. Une scène que les caméras à bord du petit satellite Liciacune ont pu photographier. © ASI
    Quelques instants après la collision de Dart contre Dimorphos, un important nuage de débris et de poussière s'est formé au-dessus de l'astéroïde. Une scène que les caméras à bord du petit satellite Liciacune ont pu photographier. © ASI

    Depuis, plusieurs techniques ont été envisagées, dont la fameuse dislocation de l'astéroïde, qui a cependant vite été éliminée. Il restait la déviation d'un astéroïde, testée pour la toute première fois avec la mission Dart. Lancée en novembre 2021, la sonde a percuté fin septembre 2022 la lunelune d'un astéroïde, appelée Dimorphos, de 160 mètres de diamètre. Des analyses ont ensuite montré que la trajectoire de Dimorphos avait bien changé : au lieu de faire le tour de son astéroïde parent Didymos en 11 heures et 55 minutes, il le fait dorénavant en 11 heures et 23 minutes ! Ce type de manœuvre est appelée « déviation par impact cinétique », qui consiste à lancer un engin spatial sur l'objet menaçant, puis grâce à la poussée provoquée par l'impact, en changer sa trajectoire.

    D'autres méthodes, sont tout autant prises au sérieux, bien que pas encore testées. Le tracteur gravitationnel par exemple consiste à placer très tôt, des années avant l'impact, un engin spatial en orbiteorbite autour de l'astéroïde. En exerçant ensuite une influence gravitationnelle sur le corps rocheux, le vaisseau pourrait petit à petit dévier sa trajectoire. Quant à la technique d'Armageddonsi on la transpose au concept de déviation d'un astéroïde, elle pourrait bien faire ses preuves. Car faire exploser en surface ou en profondeur créerait aussi une forte poussée sur l'astéroïde, et pourrait le dévier tout autant qu'un impact cinétique. Selon la charge portée par la bombe nucléaire, l'astéroïde pourrait de plus être fragmenté, au moins en partie, contribuant d'autant plus à sa déviation.