Une équipe de chercheurs de l'INRA a développé un modèle dynamique du marché mondial de la banane de façon à apprécier, en fonction du niveau du droit imposé aux « fruits dollar » d'Amérique latine, les conséquences de ce nouveau régime douanier.

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    Ils ont plus particulièrement étudié les impacts pour les pays de la zone dollar versus les pays ACP, en distinguant dans ce deuxième groupe les pays exportateurs de bananesbananes de la zone Caraïbe et ceux de l'Afrique de l'Ouest (Cameroun et Côte d'Ivoire).

    Aujourd'hui, les importations européennes sont régies par un système complexe de quotas tarifaires et de droits de douane différenciés selon les origines. Demain, elles ne seront régies que par un droit de douane appliqué aux bananes autres que celles des territoires communautaires et des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). En théorie, le niveau de ce droit de douane doit être fixé de façon à maintenir la situation actuelle, en termes de prix à la consommation dans l'UE et de structure par origine des approvisionnements (territoires communautaires, pays ACP et Amérique latine).

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    © INRA/C. Maître

    Les impacts du nouveau régime

    Pour maintenir à court terme le prix moyen des bananes dans l'UE à son niveau actuel, il serait nécessaire de fixer le droit de douane aux alentours de 227 euros par tonne. Un droit de douane plus faible conduirait à un prix communautaire plus bas, une augmentation de la consommation dans l'UE, une croissance des exportations des pays de la zone dollar et une décroissance des exportations du groupe des pays ACP. Un droit de douane plus élevé aurait les effets contraires.

    Il serait nécessaire de fixer le droit de douane à un niveau plus élevé (aux alentours de 250 euros par tonne) de façon à maintenir la situation actuelle inchangée à un horizon de 5 années.

    A l'horizon 2008, le droit de douane équivalent statique de 227 euros par tonne aurait pour effet de diminuer le prix moyen des bananes sur le marché communautaire (de 603 euros/t à 582 euros/t) et d'accroître la consommation européenne de 10,1% (de 4,62 millions de tonnes aujourd'hui à 5,08 millions de tonnes en 2008). Cette augmentation de la consommation européenne bénéficierait à la fois aux pays de la zone dollar et de l'Afrique de l'Ouest qui verraient leurs exportations augmenter de 327 000 tonnes et 96 000 tonnes, respectivement. En pourcentages, la croissance serait plus forte pour les pays d'Afrique de l'Ouest que pour ceux d'Amérique du Sud (+24,1% contre +9,9%). A l'inverse, les importations des pays de la Caraïbe diminueraient d'environ 5700 tonnes, soit -3,3%.

    Un droit de douane relativement bas (100 euros/t) affecterait très gravement l'industrie caribéenne de la banane (Iles sous le ventvent et Jamaïque). Leurs exportations vers l'UE déclineraient de 157 200 tonnes dans la période de base à moins de 100 000 tonnes en 2008, soit une baisse de 37%.

    Un droit de douane relativement élevé (300 euros/t) permettrait au groupe des pays ACP d'augmenter leurs exportations vers l'UE de 276 300 tonnes, de 642 400 tonnes dans la période de base à 918 700 tonnes en 2008. Cette croissance bénéficierait essentiellement au Cameroun et à la Côte d'Ivoire, puisque les exportations des Caraïbes n'augmenteraient que de 18 800 tonnes.

    Quel avenir pour la banane caribéenne ?

    La nature et la géographie font qu'il est très difficile pour les pays des Caraïbes producteurs de bananes de rivaliser en termes égaux avec les pays d'Amérique latine. Ce fait est bien connu et explique, dans une large mesure, la « guerre de la banane » de la dernière décennie, depuis la mise en place de la première organisation commune du marché (OCM) de la banane dans l'UE en 1993. Les conditions naturelles font aussi qu'il est très difficile pour les Caraïbes de rivaliser avec les pays de l'Afrique de l'Ouest, bien que les deux types de pays soient inclus dans un même groupe dans les négociations actuelles sur la fixation du droit de douane imposé aux bananes de la zone dollar. Si ce droit de douane était relativement élevé (>300 euros/t), les principaux bénéficiaires seraient le Cameroun et la Côte d'Ivoire, pas les pays des Caraïbes.

    Dans ce contexte, la question posée est celle du futur de l'industrie de la banane dans les Caraïbes, en particulier si l'UE ne pouvait pas résister aux pressionspressions des pays producteurs d'Amérique latine et mettait en place un droit de douane relativement bas ( On notera en outre que cette pression pour un droit de douane faible est relayée par plusieurs Etats membres de l'UE qui s'approvisionnent essentiellement en fruits de la zone dollar.

    Différentes options peuvent être envisagées pour aider l'industrie de la banane caribéenne : des aides directes de soutien des revenus des producteurs, des aides visant à améliorer la compétitivité, favoriser la restructuration et/ou encourager la diversification des activités, etc. Parmi ces possibilités, un régime incluant des droits de douane différenciés pour les bananes dollar, les bananes ouest africaines et les bananes des Caraïbes mérite attention.

    Le cas particulier de la politique communautaire de la banane renvoie à la question plus générale de la fin des préférences spécifiques accordées par l'UE aux pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). L'exemple de la banane montre le besoin à considérer chaque pays individuellement et non l'ensemble des pays ACP comme un seul groupe. Le système européen des préférences peut être critiqué sur plusieurs points. Il reste que toute réforme de ce schéma doit tenir compte du fait que les pays bénéficiaires ne sont pas homogènes et que la réforme doit être graduelle. Le problème est rendu plus difficile par le fait que les coûts de production sont très variables à l'intérieur d'un pays ACP donné, notamment entre les producteurs positionnés sur le marché domestique et les entreprises tournées vers les marchés d'exportation.

    Les résultats de ces travaux, réalisés dans le cadre d'une demande de la FAO, ont été communiqués, à leur demande, aux ministères français en charge de l'agricultureagriculture et de l'économie.