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Le VIH, ici en vert à l'image, s'en prend principalement aux lymphocytes CD4, des cellules fondamentales du système immunitaire. Jusqu'alors, on dénombre quelques rares cas de guérison fonctionnelle chez des personnes séropositives. En revanche, seul un seul cas de rémission complète a été observé. Il concerne l'Américain Timothy Brown, qui, alors qu'il souffrait d'une leucémie, a bénéficié d'une greffe de moelle osseuse à partir d'un donneur présentant une mutation rare qui empêche le virus de pénétrer dans les cellules. Malheureusement, si elle s'avérait indispensable pour traiter le cancer du sang, cette thérapie est bien trop risquée pour être pratiquée chez tous les patients. © Goldsmith et al., CDC, DP
L'annonce fait ressurgir beaucoup d'espoir et la lutte contre le Sida pourrait prendre un nouveau tournant. Deborah Persaud, virologiste au Johns Hopkins Children’s Center, vient d'expliquer, lors d'une conférence annuelleannuelle sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi), qu'un enfant vivait déjà avant sa naissance avec le virus du Sida (VIH), mais qu'aujourd'hui, âgé de deux ans et demi, il n'a plus besoin de traitement contre la maladie.
Au sens strict du terme, ce n'est pas une guérison, car certains tests très sensibles parviennent à mettre en évidence des traces du VIH. Cependant, les taux sont si faibles que le virus ne peut se répliquer et surtout, le système immunitaire de l'enfant est en mesure, seul, de gérer l'infection.
Il semble que le pathogènepathogène n'ait pas eu le temps de constituer des réservoirs dans les cellules immunitaires qu'il affectionne, critère qui explique pourquoi les trithérapiestrithérapies actuelles ne réussissent pas à éradiquer la menace. En effet, à l'état dormantdormant chez les personnes séropositives sous antirétroviraux, le virus sort de sa latencelatence en cas d'arrêt des traitements et l'infection reprend. D'où la nécessité pour les patients infectés de prendre des médicaments à vie. Ce qui ne sera pas le cas de cet enfant, donc...
Mise sous antirétroviraux dans les heures suivant la naissance
Reprenons l'histoire dans l'ordre. Une femme américaine arrive à l'hôpital de Jackson (Mississippi, États-Unis) parce qu'elle sent qu'elle va accoucher. Elle n'a bénéficié d'aucun suivi gynécologique durant sa grossessegrossesse. Pendant la phase de travail lors de l'accouchement, une prise de sang révèle sa séropositivité. Or, les risques de transmission du VIH de la mère à l'enfant sont élevés en cas d'absence de traitement. La situation était donc loin d'être idéale.
Le VIH appartient à la famille des rétrovirus. On le traite donc avec des médicaments antirétroviraux. © Dreamstock, StockFreeImages.com
Le bébé est prématuré. Si l'identité et le sexe du nouveau-né sont censés ne pas être divulgués, différents journaux, comme le Los Angeles Times ou Le Monde, laissent entendre qu'il s'agit d'une petite fille. Peu importe. Avant même d'avoir les résultats de séropositivitéséropositivité au VIH, Hannah Gay, une pédiatrepédiatre de l'hôpital, a injecté trois antirétroviraux au nourrisson dans les 30 premières heures qui ont suivi la naissance.
Les premiers tests ont finalement révélé la présence du virus du Sida dans le sang du bébé. Les médecins pensent que la contaminationcontamination s'est produite en fin de grossesse dans l'utérusutérus, un peu avant l'accouchementaccouchement.
Le VIH indétectable même après dix mois sans traitement
Après 29 jours de traitement, la charge viralecharge virale devenait indétectable alors qu'elle l'avait été après les cinq analyses réalisées jusque-là. C'est un phénomène classique lorsqu'un patient est mis sous médicaments antirétroviraux, mais la moindre suspension de la thérapiethérapie s'ensuit d'une reprise de l'infection sous quelques semaines.
Après des visites régulières à la clinique durant les 18 premiers mois de la vie du nourrisson, la mère n'a plus amené son bébé jusqu'à ses 23 mois, le laissant sans traitement. À leur retour, Hannah Gay s'attendait malheureusement à voir des taux de VIH importants. Mais les tests pratiqués ne laissaient rien entrevoir. Très bonne surprise !
Circonspecte, elle a demandé l'aide de Deborah Persaud, car au Johns Hopkins Children's Center, les chercheurs disposent de méthodes de détection plus sensibles. Seules quelques traces du VIH ont pu être mises en évidence. Mais à ces taux, aucun risque de réplicationréplication. L'enfant semble ne pas nécessiter de traitement contre l'infection : on serait face à un cas de guérison fonctionnelle, les défenses immunitaires étant apparemment capables de contrôler le virus. Aujourd'hui âgé de deux ans et demi, l'enfant serait resté sans traitement depuis 10 mois et présenterait les mêmes résultats sanguins.
Dans le monde, l'Onu a estimé à 330.000 le nombre d'enfants infectés par le VIH à la naissance durant l'année 2011. Il existe pourtant des traitements limitant fortement le risque de contamination de la mère à l'enfant, mais les régions du monde les plus touchées par le Sida, comme l'Afrique subsaharienne, n'y ont presque pas accès. © Soumik Kar, Fotopédia, cc by sa 2.0
Pas de réservoir de VIH ?
Ce cas serait assez exceptionnel, mais peut-être pas inédit. D'autres études ont déjà évoqué des situations de guérison fonctionnelle chez des nouveau-nés, dont une datée de 1995 dans le New England Journal of Medicine. Mais des doutes persistent encore, car les méthodes de détection de l'époque étaient loin d'être aussi précises que celles utilisées aujourd'hui. D'autre part, d'autres recherches, bien plus modernes, évoquent ces cas de figure. En juillet dernier, on annonçait par exemple que 12 patients français pris en charge très rapidement après l'infection par le VIH vivaient depuis plusieurs années sans aucun médicament.
Si ces résultats sont vraiment encourageants, les scientifiques admettent ignorer les mécanismes biologiques impliqués. Leur principale hypothèse suggère que la mise précoce sous antirétroviraux n'a pas laissé le temps au virus de se constituer des réservoirs dans les cellules immunitaires, principal écueil dans la lutte contre le Sida.
Une solution pour limiter les cas de Sida dans le monde ?
Cette nouvelle pourrait radicalement changer la prise en charge des nouveau-nés à haut risque. En effet, l'OMSOMS considère qu'en cas d'absence de traitement, la probabilité de transmission du VIH d’une mère à son enfant est comprise entre 15 et 45 %. Dans ces situations, des soins prodigués aux bébés dès leur naissance permettraient peut-être d'aboutir à de nouveaux cas de guérison fonctionnelle. Cela demande une vérification auprès d'un panel d'enfants bien plus large.
Dans les pays les plus modestes, et principalement en Afrique subsaharienne, les mères infectées accouchent souvent sans prise en charge. En effet, les trithérapies ont du mal à parvenir jusqu'à ces territoires, par manque de moyens. En concentrant les efforts sur les premiers mois de la vie des individus, on limiterait les coûts, car les traitements ne dureraient que les premières années de la vie plutôt que toute l'existence. Malgré tout, la meilleure solution, alors qu'on ne sait pas guérir la maladie, reste la prévention.
Désormais, les chercheurs ignorent si le système immunitairesystème immunitaire de l'enfant contrôlera véritablement l'infection pour le reste de sa vie, mais l'optimisme règne. Ils pensent également que les risques qu'il contamine une autre personne sont proches de zéro. Même si on ne peut pas parler de guérison absolue, cet enfant devrait pouvoir mener une vie normale. Une très belle victoire.