La mémoire, loin d’être statique, est en effervescence permanente. Les vieux souvenirs disparaissent et laissent peu à peu la place aux nouveaux. Une équipe états-unienne vient de découvrir la protéine responsable de ce phénomène. Leurs résultats pourraient aider certains patients à oublier leurs expériences traumatisantes.

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    La mémoire est une fonction cérébrale essentielle qui permet d'emmagasiner les souvenirs des expériences vécues. Cependant, au fur et à mesure des années, les traces du passé s'effacent et de nouveaux souvenirs prennent place dans le cerveau. Il est ainsi très difficile de se remémorer son enfance avec précision. Ce phénomène complexe, appelé extinction de la mémoire, est encore mal compris par la communauté scientifique.

    Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) viennent d'éclaircir une part du mystère. En étudiant la mémoire chez des souris, ils ont mis en évidence le rôle de la protéine Tet1 dans la disparition des souvenirs. Ces résultats sont publiés dans la revue Neuron.

    Au vu de l'abondance des protéines Tet dans le cerveau, les chercheurs suspectaient depuis plusieurs années qu'elles y jouaient un rôle important. Au cours de cette étude, ils ont décidé de tester l'une d'entre elles, appelée Tet1. Pour ce faire, ils ont construit des souris génétiquement modifiées ne possédant plus cette protéine et leur ont fait passer plusieurs tests pour évaluer leur mémoire.

    La mémoire passe par une structure enfouie profondément dans le cerveau, appelée hippocampe. On remarque bien la ressemblance entre cette région cérébrale et l’animal du même nom. © Pr. Laszlo Seress, Wikipédia, cc by sa 3.0

    La mémoire passe par une structure enfouie profondément dans le cerveau, appelée hippocampe. On remarque bien la ressemblance entre cette région cérébrale et l’animal du même nom. © Pr. Laszlo Seress, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Des souris mutantes incapables d’adapter leur mémoire

    L'un des exercices consistait à évaluer la capacité de souris à substituer un mauvais souvenir par un autre. Dans un premier temps, les auteurs ont créé un souvenir désagréable chez les rongeursrongeurs. Pour cela, ils les ont placés dans une cage et leur ont envoyé des chocs électriques à plusieurs reprises. Ni une ni deux, les animaux ont associé le lieu à une sensation de douleur. Les scientifiques ont alors arrêté de faire souffrir les souris. Au bout d'un moment, elles n'ont plus eu peur de la cage.

    Il n'en a pas été de même pour les souris mutantes. En effet, même longtemps après l'arrêt des maltraitances, elles ont continué de redouter la cage. Ces animaux avaient donc perdu leur capacité à remplacer les mauvais souvenirs. « Chez les souris saines, les nouveaux souvenirs prennent la place des anciens, en revanche, les souris ne possédant pas Tet1 ne sont pas capables de réapprendre et sont bloquées dans leurs vieux souvenirs », explique Andrii Rudenko, le principal auteur de ces travaux.

    La mémoire, une histoire de méthylation de l’ADN

    Les chercheurs ont voulu savoir comment Tet1 contrôlait la mémoire des souris. Ils ont ainsi montré que cette protéine diminuait le niveau de méthylation de l’ADN et pouvait alors augmenter le taux de lecture de certains gènes. Chez les souris mutantes, le nombre de groupes méthyles sur l'ADNADN augmente et donc, de nombreux gènes ne sont pas exprimés. Les scientifiques ont souligné que le taux de méthylationméthylation était particulièrement important au niveau des cellules de l'hippocampe et du cortexcortex, deux régions cérébrales essentielles à la mémoire et à l'apprentissage.

    Ces découvertes permettent de mieux comprendre le développement de la mémoire. Elles pourraient être le point de départ vers la mise en place de traitements après un grave traumatisme. De nombreuses études sont cependant nécessaires pour élucider tous les secrets de la mémoire.