La présence d’une protéine, la progastrine, annoncerait la survenue d’adénomes, pouvant conduire à un cancer colorectal. Cette découverte réalisée à l’Inserm permettrait de repérer des polypes dangereux jusque-là considérés comme bénins grâce à un test de routine.

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    Dans cette coupe histologique d'un polype n'apparaît aucune trace de progastrine : il est à peu près sûr que ce patient ne développera pas de tumeur dans le côlon. © C. Seva / Inserm

    Dans cette coupe histologique d'un polype n'apparaît aucune trace de progastrine : il est à peu près sûr que ce patient ne développera pas de tumeur dans le côlon. © C. Seva / Inserm

    Deux chercheuses de l'Inserm, Catherine Seva et Audrey Ferrand, issues d'une équipe mixte Inserm/université Toulouse III-Paul Sabatier (centre de recherches en CancérologieCancérologie de Toulouse), viennent de mettre au point un test basé sur la présence d'une protéine, la progastrine, capable de prédire la survenue de tumeurs chez des patients précédemment opérés de polypes considérés actuellement comme bénins. En pratique, ces tests pourraient être réalisés en routine sur ces polypes prélevés chez les patients afin d'identifier les personnes présentant un risque élevé de développer une lésion précancéreuse et pour lesquels aucun suivi n'est recommandé à ce jour. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Cancer Prevention Research.

    C'est le bon mois pour annoncer découverte de ce genre : mars 2012 a en effet été baptisé mars bleu, mois de mobilisation contre le cancer colorectal. Cette maladie est, en France, le deuxième cancer par la fréquence et la quatrième cause de mortalité par cancer. Les polypes hyperplasiques sont les lésions colorectales les plus fréquentes et près d'un quart de la population européenne entre 20 et 54 ans en développe. Ces lésions ont longtemps été considérées comme bénignes et, à l'heure actuelle, aucun suivi n'est recommandé pour ces patients après l'ablationablation chirurgicale des polypes. Cependant, certains d'entre eux pourraient être des précurseurs de cancers colorectaux. Jusqu'à présent, rien ne permettait d'identifier le sous-groupe de polypes qui pouvait avoir un potentiel malin.

    Sur cette coupe histologique d’un polype bénin hyperplasique, la technique de marquage révèle, en marron, la progastrine, une protéine qui permet de prédire que ce patient risque l'apparition d'une tumeur. Voir la comparaison avec l'image obtenue (ci-dessous) au sein d'un polype ne présentant pas d'accumulations de progastrine. © C. Seva / Inserm

    Sur cette coupe histologique d’un polype bénin hyperplasique, la technique de marquage révèle, en marron, la progastrine, une protéine qui permet de prédire que ce patient risque l'apparition d'une tumeur. Voir la comparaison avec l'image obtenue (ci-dessous) au sein d'un polype ne présentant pas d'accumulations de progastrine. © C. Seva / Inserm

    La progastrine signale les polypes malins

    Dans l'optique de trouver un marqueur prédictif du risque de cancer colorectal chez les patients présentant des polypes hyperplasiques, qui sont les polypes les plus bénins, Catherine Seva et ses collaborateurs ont réalisé une étude cliniqueétude clinique rétrospective sur dix ans en analysant, sur des polypes hyperplasiques de 74 patients, la présence de progastrine, une protéine déjà connue pour être impliquée dans la cancérogenèsecancérogenèse colique. Produite par les cellules tumorales colorectales, la progastrine n'est d'ailleurs pas présente dans les cellules saines du côloncôlon. Pour les chercheurs, il s'agissait de déterminer si son expression pouvait prédire l'apparition de lésions cancéreuses dans les années suivant la résectionrésection chirurgicale des polypes. « Lorsque nous avons émis cette hypothèse, nous pensions qu'une telle avancée serait très utile pour un suivi adéquat et une détection très précoce du cancer colorectal » explique Catherine Seva, directrice de recherche à l'Inserm.

    Grâce à leurs analyses, les chercheurs ont montré une association significative entre des taux élevés de progastrine et la survenue ultérieure de lésions précancéreuses. Alors que ces polypes étaient considérés comme bénins et sans risque, 100 % des patients qui présentaient des taux élevés de progastrine ont développé dans les deux à dix ans des adénomesadénomes, reconnus comme des lésions précoces du cancer colorectal. À l'inverse, chez les patients n'exprimant pas ou très peu cette moléculemolécule, aucune lésion ne s'est développée dans les dix ans qui ont suivi le retrait des polypes.


    Catherine Seva, l'une des deux chercheuses de l'université de Toulouse III impliquée dans l'étude, revient en vidéo sur les grandes lignes de cette découverte. © Inserm

    Avec ces résultats, les chercheurs ont établi un test prédictif basé sur l'âge du patient et le marquage par immunohistochimie de la progastrine. Ce test permet de prédire, avec une très bonne sensibilité et spécificité, la survenue de tumeurs chez les patients ayant développé un polype hyperplasique.

    « Alors qu'aucun suivi n'est recommandé à l'heure actuelle chez ces patients, mesurer l'expression de la progastrine dans les polypes hyperplasiques sert à connaître la population de patients présentant un risque élevé de développer une lésion précancéreuse », conclut Audrey Ferrand, chercheuse à l'Inserm et signataire de ce travail.

    À la suite de cette étude, il pourrait être envisagé d'inclure un plus grand nombre de patients pour valider ce test en routine.