La charcuterie, aliment riche en graisses animales, est depuis longtemps désapprouvée par les nutritionnistes pour ses méfaits sur la silhouette, mais aussi sur la santé cardiovasculaire. L’Inra vient de montrer que la charcuterie favoriserait aussi les cancers du côlon...

au sommaire


    La charcuterie ne doit pas être consommée en excès, non seulement pour ses graisses, mais aussi pour son rôle dans le développement du cancer colorectal. © Scott Brenner / Licence Creative Commons

    La charcuterie ne doit pas être consommée en excès, non seulement pour ses graisses, mais aussi pour son rôle dans le développement du cancer colorectal. © Scott Brenner / Licence Creative Commons

    Le jambon fumé, les saucisses de Strasbourg, le pâté en croûtecroûte... Si les charcuteries sont synonymes de bonne tablées, depuis quelques années elles sont tout de même soupçonnées de favoriser l'apparition de cancers colorectaux, à l'image de la viande rouge. Des données épidémiologiques permettaient de le supposer mais cela n'avait encore jamais été réellement prouvé. Ces cancers sont la première cause de mortalité par cancer chez les non-fumeurs (45 décès par jour !) et constituent donc un réel problème de santé publique.

    L'Inra, l'institut national pour la recherche agronomique, associée à l'IFIP-Institut du Porc, a mobilisé des chercheurs sur le sujet. Basée à Toulouse, l'équipe de chercheurs menée par Fabrice Pierre, a modélisé la fabrication industrielle de la charcuterie en tenant compte de quatre critères : la couleurcouleur (représentative de la teneur de la viande en ferfer), l'ajout de nitrites, la cuisson et l'oxydationoxydation du produit. Ces quatre facteurs miment l'ensemble du processus de fabrication d'un jambon qui serait cuit puis exposé à l'airair.

    Les chercheurs ont voulu tester chaque facteur indépendamment et en association avec les autres facteurs, donnant un total de 16 combinaisons de préparation de la viande, qui ont toutes été expérimentées sur des rats. Les rongeursrongeurs utilisés pour l'étude avaient préalablement été traités au 1,2-diméthylhydrazine, un agent cancérigène fréquemment employé pour provoquer l'apparition des cancers colorectaux chez les animaux d'expérimentation, avant d'être nourris pendant 100 jours à la viande mimant la charcuterie industrielle.

    Pour diminuer les risques de cancers colorectaux associés à la consommation de charcuterie, c'est le processus même de fabrication qui doit être repensé. © Rklawton / Licence <em>Creative Commons</em>

    Pour diminuer les risques de cancers colorectaux associés à la consommation de charcuterie, c'est le processus même de fabrication qui doit être repensé. © Rklawton / Licence Creative Commons

    Vers un changement du processus de fabrication ?

    Les chercheurs ont ensuite mesuré le nombre de lésions prénéoplasiques (étymologiquement, avant la nouvelle croissance) présentes au niveau des muqueuses colorectales des rats, considérées comme des marqueurs du développement des tumeurs. L'augmentation significative du nombre de ces lésions a été constatée chez les rats ayant consommé la viande exposée aux quatre facteurs. La charcuterie serait donc effectivement responsable du développement du cancer colorectal, en tout cas chez le rongeur.

    L'effet cancérigène de la charcuterie semble provenir de la transformation de l'hèmehème. Cette moléculemolécule naturellement présente dans les muscles est liée aux atomesatomes de fer, et donne la couleur rouge à la viande. Les réactions produites lors de la fabrication de la charcuterie peuvent modifier la molécule d'hème vers une forme appelée nitrosylée. Cette nouvelle molécule peut à son tour permettre la formation d'agents cancérigènes, comme les peroxydes. Il est donc logique que plus la viande est riche en hème, en nitrites et plus elle est oxydée, plus les agents cancérigènes peuvent apparaître et agir sur la muqueuse colorectale.

    Ces résultats démontrent que le processus de fabrication de la charcuterie est directement impliqué dans la génération des cancers colorectaux. S'ils sont pris en compte, ces résultats peuvent donc mener les industriels à modifier ce processus, notamment en évitant au maximum l'oxydation ou l'ajout de nitrites. Un confinement sous atmosphèreatmosphère dépourvu d'oxygène ou l'ajout d'antioxydantsantioxydants naturels dans la viande seraient des solutions.