En comparant les génomes de personnes obèses et de poids normal, des chercheurs français ont mis en évidence le rôle de l’amylase salivaire dans le développement de l’obésité. Cette enzyme, impliquée dans la digestion des sucres complexes, est codée par un gène dont le nombre de copies varie. Plus il est élevé et plus le risque d’obésité est faible. Pourquoi ? Les scientifiques mènent l’enquête…

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    L'épidémie d’obésité prend de l'ampleur et touche désormais toutes les régions du monde. Selon l'étude ObEpi-Roche réalisée en 2012, 32,3 % des adultes français seraient en surpoids et 15 % seraient obèses. Les causes de l'obésité sont multiples : elles incluent des antécédents génétiques, des troubles alimentaires, une détresse psychologique, un manque de sommeil et une trop grande sédentarité. Si au niveau d'une population entière c'est l'environnement délétère qui favorise cette maladie, au niveau individuel, les facteurs génétiques expliquent 70 % du risque.

    Environ 5 % des personnes très obèses portent une mutation dans un des gènes contrôlant l'appétit. Les études génomiques récentes ont également permis l'identification de 70 gènes impliqués dans l'obésité. Cependant, leur impact est faible et ne permet d'expliquer qu'une petite partie du risque génétique associé à cette pathologiepathologie (environ 4 %). Ces résultats suggèrent donc que d'autres gènes, encore inconnus, sont impliqués dans le développement de cette pathologie invalidante.

    L’amylase salivaire est requise pour le catabolisme des glucides à longue chaîne comme l’amidon. Elle est codée par un gène présent en plusieurs exemplaires sur le chromosome 1. © Protein Data Bank, Wikimedia Commons, DP

    L’amylase salivaire est requise pour le catabolisme des glucides à longue chaîne comme l’amidon. Elle est codée par un gène présent en plusieurs exemplaires sur le chromosome 1. © Protein Data Bank, Wikimedia Commons, DP

    Pour mettre le doigt dessus, une équipe du CNRS a étudié le génomegénome de fratries suédoises discordantes pour l'obésité. Les chercheurs se sont particulièrement penchés sur les gènes différemment exprimés entre les personnes obèses et les sujets de poids normal. Ils ont mis en évidence une région du chromosomechromosome 1, contenant le gène codant pour l'amylaseamylase salivaire (Amy1), une enzymeenzyme de la salive servant à digérer les sucres complexessucres complexes comme l'amidon. Ce gène est présent de manière répétée chez l'espèceespèce humaine et peut varier de 1 à 20 copies en fonction des individus. Depuis 10.000 ans, date du début de l'agricultureagriculture, le nombre de copies d'Amy1 a augmenté dans l'espèce humaine, témoignant de la sélection naturellesélection naturelle et de l'évolution humaine : les hauts sécréteurs d'amylase salivaire sont dotés d'un avantage nutritionnel sélectif.

    Un rôle de la flore intestinale ?

    Les scientifiques se sont rendu compte que les participants ayant le plus petit nombre de copies d'Amy1, qui possèdent donc moins d'amylase salivaire dans leur sang, avaient un risque dix fois plus élevé de devenir obèses. Selon les auteurs, chaque copie d'Amy1 en moins augmenterait de 20 % le risque d'obésité. Ainsi, à elle seule, cette région du génome expliquerait près de 10 % du risque génétique associé à l'obésité. Ces travaux, publiés dans la revue Nature Genetics, démontrent pour la première fois le lien génétique entre la digestiondigestion des glucidesglucides complexes et l'obésité.

    Comment l'amylase salivaire influence-t-elle l'obésité ? De nombreuses recherches sont nécessaires pour répondre à cette question, mais deux hypothèses principales sont envisagées par les chercheurs. D'une part, il est possible que la mastication des aliments et leur digestion partielle dans la bouche aient un effet hormonal entraînant la satiété : les personnes possédant moins de copies d'Amy1 seraient moins vite rassasiées et auraient tendance à manger davantage que les autres. D'autre part, la mauvaise digestion de l'amidonamidon pourrait modifier la flore intestinale et contribuer au développement de l'obésité, voire du diabètediabète. Des études ont en effet montré que les personnes possédant moins d'amylase salivaire avaient une glycémieglycémie anormalement élevée quand on leur faisait manger de l'amidon.

    Ces résultats ouvrent une piste tout à fait nouvelle sur la prédispositionprédisposition génétique à l'obésité. En prenant en compte la digestion des aliments et leur devenir intestinal, les chercheurs espèrent mettre au point des traitements plus efficaces contre l'obésité et le diabète.