S’endormir peu de temps après avoir vécu un traumatisme renforcerait les émotions négatives liées à cet événement. C’est du moins la conclusion d’une étude américaine qui contredit de précédents travaux sur le sujet. Elle montre aussi qu'en contrepartie, rester éveillé permet d’affronter plus sereinement les mauvais souvenirs.

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    Après avoir assisté à une scène choquante, le traumatisme peut nous poursuivre longtemps, même toute une vie. Au-delà des troubles psychiques, la santé physique peut aussi en pâtir car une personne en deuil connaît 21 fois plus de risques de subir un infarctus ou un accident vasculaire cérébral dans les 24 heures suivant le drame. © Chris, rudecactus.com, cc by nc sa 2.0

    Après avoir assisté à une scène choquante, le traumatisme peut nous poursuivre longtemps, même toute une vie. Au-delà des troubles psychiques, la santé physique peut aussi en pâtir car une personne en deuil connaît 21 fois plus de risques de subir un infarctus ou un accident vasculaire cérébral dans les 24 heures suivant le drame. © Chris, rudecactus.com, cc by nc sa 2.0

    Accident, tremblement de terretremblement de terre, abus sexuel... Malheureusement, le traumatisme psychologique n'est pas si rare. Témoins ou victimes peuvent garder des séquelles psychologiques qui les hantent et les poursuivent parfois des années durant, voire jusqu'à la fin de leurs jours.

    Une étude menée par des chercheurs de l'université du Massachusetts Amherst vient d'établir qu'une bonne solution pour limiter l'impact émotionnel de ces souvenirs consiste à veiller tard dans la nuit plutôt que de plonger rapidement dans un sommeil profond.

    Voilà qui remet en question des précédents travaux conseillant une bonne nuit de repos pour mieux s'en remettre, concluant notamment qu'un déficit de sommeil nuisait au contrôle des émotions négatives et favorisait donc l'apparition de troubles de stress post-traumatiques. 

    Émotions fortes : plutôt en début qu’en fin de journée

    Ces recherches récentes, publiées le 18 janvier dans le Journal of Neuroscience, viennent donc un peu bousculer les dogmes établis. L'étude a porté sur un petit effectif de 106 patients, parmi lesquels 68 hommes et 38 femmes âgés entre 18 et 30 ans, en parfaite santé.

    Les cobayes étaient séparés en deux groupes et l'expérience se menait en deux temps. Il s'agissait de visionner des images qu'ils devaient noter sur une échelle allant de 1 à 9 en fonction de la joie ou de la tristesse qu'elles représentaient. Les plus petits scores concernaient les images les plus tristes, les performances moyennes faisaient référence à des éléments neutres, tandis que les notes les plus élevées caractérisaient une image plutôt joyeuse. En parallèle, les sujets devaient noter l'état émotionnel que provoquaient chez eux ces photos.

    La polysomnographie permet de visualiser plusieurs paramètres physiologiques durant le sommeil, comme le rythme cardiaque, la fréquence respiratoire, l'activité cérébrale, la motricité... Grâce à cet outil, les chercheurs ont pu montrer que la durée de la période <em>REM</em> (<em>Rapid eye movement</em>) durant le sommeil paradoxal renforçait les émotions négatives liées à un événement traumatique. © <em>University of Massachusetts Amherst</em>

    La polysomnographie permet de visualiser plusieurs paramètres physiologiques durant le sommeil, comme le rythme cardiaque, la fréquence respiratoire, l'activité cérébrale, la motricité... Grâce à cet outil, les chercheurs ont pu montrer que la durée de la période REM (Rapid eye movement) durant le sommeil paradoxal renforçait les émotions négatives liées à un événement traumatique. © University of Massachusetts Amherst

    Le traumatisme revient en dormant

    Douze heures plus tard, un second test était réalisé, combinant des nouvelles images avec d'autres vues lors de la première phase. Il y avait donc une tâche supplémentaire : celle de reconnaître les images déjà visionnées. La différence entre les deux groupes résidait dans le moment de la journée où les expériences étaient réalisées. Le premier lot de sujets commençait ses expérimentations dans la matinée et effectuait le second test dans la soirée de la même journée. Pour l'autre groupe, une nuit de sommeil venait s'intercaler entre les différentes expérimentations.

    Les chercheurs ont mesuré, pour 25 sujets du groupe de dormeurs, l'activité cérébrale durant la nuit à l'aide de la polysomnographiepolysomnographie, un examen médical couramment pratiqué et conçu pour étudier différents paramètres pendant le sommeil.

    Les résultats sont donc en partie contradictoires avec les données acquises lors des études précédentes. Comme attendu, une nuit de sommeil renforce la mémoire puisque les sujets qui ont dormi se sont mieux souvenus des images déjà visionnées. En revanche, les émotions négatives liées à la confrontation aux photographiesphotographies est également plus forte dans ce groupe, tandis que les sujets éveillés ont noté moins sévèrement la seconde session de tests.

    Encore un peu tôt pour en tirer des conclusions générales

    Grâce aux données obtenues durant le sommeil des quelques patients branchés sur le polysomnographe, les auteurs en ont même déduit que les personnes les plus sujettes à la réminiscence douloureuse étaient celles qui restaient le plus longtemps en phase REM (Rapid Eye Movement), un phénomène retrouvé durant le sommeil paradoxal, la période où l'on rêve.

    Dernière auteure de l'étude, Rebecca Spencer note « qu'il est fréquent de mal dormir après avoir été témoin d'une scène traumatisante, un peu comme si le cerveau ne voulait pas dormir ». 

    Cette étude s'est focalisée sur des éléments uniquement visuels sur photographies. Or lorsqu'un drame se produit sous nos yeux, on l'associe également à du mouvementmouvement, des sons, parfois des odeurs ou encore d'autres paramètres. Il faut tout de même prendre ces données avec prudence car il est encore bien prématuré de conclure qu'il vaut mieux une promenade nocturnenocturne qu'un sommeil profond pour mieux surmonter un événement traumatique.