Les scientifiques ont pour la première fois recensé les naissances intervenues en plein vol depuis un siècle. La plupart du temps, un médecin se trouve opportunément parmi les passagers, mais les auteurs soulignent le manque de matériel adéquat. Restent heureusement les ciseaux à maquillage et le whisky en guise de désinfectant.


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    Christoph est né avec quelques jours d’avance le 22 juin 2017, sa mère étant enceinte de 36 semaines. Ce beau bébé de 48 cm pour 3,1 kgkg n'est pas venu au monde dans une clinique ou au domicile de ses parents, mais quelque part entre Fort Lauderdale (Floride) et Dallas (Texas) au milieu de deux rangées de sièges d'avion. Christoph fait partie des 74 bébés nés en plein vol entre 1929 et 2018, et recensés par une étude parue récemment dans la revue Journal of Travel Medicine. Une rétrospective inédite mettant en lumièrelumière les conditions d'accouchement de ces bébés volants.

    Les accouchements en vol augmentent de façon exponentielle

    Premier ouf de soulagement : tous les bébés ont survécu à l'accouchement, mis à part deux d'entre eux décédés peu de temps après avoir été abandonnés dans les toilettes par des migrantes mineures qui espéraient retourner dans leur pays pour accoucher. Les chercheurs ont dénombré parmi les nouveau-nés, 30 garçons et 30 filles ; le sexe des 14 bébés restants n'ayant pas été précisé dans les bases de donnéesbases de données consultées. Ce qui est certain en revanche, c'est que le phénomène s'amplifie : 83 % des accouchements en vol ont eu lieu lors des deux dernières décennies, entre 2000 et 2018. Sans doute, en raison de l'augmentation du trafic passagers et particulièrement des vols long-courriers, où interviennent 77 % des naissances.

    Les mamans bénéficient de l’aide d’un médecin présent parmi les passagers dans presque la moitié des cas. © ihorga, Fotolia
    Les mamans bénéficient de l’aide d’un médecin présent parmi les passagers dans presque la moitié des cas. © ihorga, Fotolia

    Une paille à jus de fruits pour pratiquer une trachéotomie

    Les auteurs du rapport mettent en évidence le peu de préparation de certaines compagnies aériennes, notamment des kits d'urgence non adaptés ou manquants. Par conséquent, il a parfois fallu recourir à du whisky ou de la vodka pour stériliser des ciseaux ou d'autres outils nécessaires à l'accouchement. Des lacets de chaussures ont servi à nouer le cordon ombilical du nouveau-né, des pailles de jus de fruit ont été utilisées pour improviser une trachéotomie d'urgence et pour évacuer des fluides de la bouche et des poumons du nourrisson. Parfois, « les seuls ciseaux disponibles provenaient de trousses à maquillage de passagers », déplorent les auteurs. Certes, les avions opérant sous les autorités aériennes américaines et européennes sont tenues de disposer d'un kit assez complet (seringues, médicaments, alcoolalcool, cathéters...) mais, en dehors de ces juridictions, c'est un peu au petit bonheur la chance.

    Le saviez-vous ?

    Un bébé né dans un avion bénéficie-t-il de billets d'avion gratuits à vie ? Hélas, pas toujours : cela dépend du bon vouloir de la compagnie. Le petit Christoph, qui voyageait sur la compagnie low cost américaine Spirit Airlines, aura bien droit à un billet d’avion offert chaque année pour son anniversaire. Dans d’autres cas, les compagnies se contentent d’un petit cadeau, comme une bouteille d'un bon cru ou une peluche.

    Un médecin à bord dans 85 % des vols

    Mais c'est surtout au niveau de la formation du personnel que ça cloche. « Les compagnies misent sur le fait qu'un médecin est présent à bord dans 85 % des vols », indiquent les chercheurs. Bien pratique pour se reposer sur eux : 45 % des mamans ont ainsi bénéficié de l'assistance d'un médecin, 9 % de l'aide d'une infirmière ou d'une sage femme et 5 % de celle d'un étudiant en médecine. À défaut, 16 % d'entre elles se sont faites secourir par un membre de l'équipage. Ce dernier, pour quatre naissances, a bénéficié d'instructions par radio par un professionnel au sol. « Autrefois, les compagnies privilégiaient l'embauche de personnes ayant une formation médicale. Maintenant, on oriente surtout les recrutements vers le service en cabine, notent les auteurs. La formation se limite aux gestes d’urgence comme les massages cardiaques et l'usage du défibrillateur quand il est disponible à bord ».

    Voyager enceinte : quelles sont les règles ?

    Pour éviter des situations embarrassantes, les compagnies édictent des règles plus ou moins officielles. AirAir France indique sur son site ne pas avoir de restriction particulière à ce sujet, mais British Airways réclame un certificatcertificat médical après 28 semaines de grossessegrossesse et interdit l'accès à bord après la 36e semaine. Du côté d'Easyjet, pas moyen de voyager après la 35e semaine pour une grossesse simple, ni après la 32e semaine pour une grossesse multiple. Mais il est évident que les accouchements en vol vont mathématiquement augmenter du fait du trafic aérien en hausse et que les compagnies doivent le prendre en compte en revoyant la formation du personnel ainsi que leurs équipements médicaux, avertissent les chercheurs.