Des chercheurs français viennent d'isoler in vitro des vésicules extracellulaires qui, jouant le rôle d'un leurre biologique, inhiberaient le Sars-CoV-2. Ainsi, elles pourraient piéger le virus et l'empêcher de se fixer. Ce pouvoir anti-infectieux constituerait alors une piste sérieuse pour un traitement local de la Covid-19. Des études vont continuer d'explorer le potentiel thérapeutique de ces vésicules extracellulaires.


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    Le virus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie Covid-19, infecte les cellules du corps humain. La surface de ce virus est recouverte d'une protéine « S » (pour Spike, pointe en anglais) qui lui donne l'aspect caractéristique de ce type de virus en forme de « couronne ». Pour pénétrer dans les cellules, cette protéineprotéine S se lie un récepteur présent à la surface des cellules humaines, en particulier celles du poumon, le récepteur ACE2 (Angiotensin-Converting EnzymeEnzyme 2). Après cette fixation, un autre récepteur membranaire présent à la surface des cellules hôtes, le récepteur TMPRSS2 (transmembrane protease serine 2) transforme la protéine S, permettant au virus d'entrer dans la cellule.

    Au sein de l'unité « ImmunitéImmunité et CancerCancer » de l'Institut Curie, l'équipe « Vésicules extracellulaires, réponses immunes et cancer » dirigée par Clotilde Théry, directrice de recherche Inserm, est parvenue à isoler, à partir de cellules en culture, des vésicules extracellulaires portant à leur surface le récepteur ACE2, avec ou sans le récepteur TMPRSS2 -- ces vésicules sont des sortes de « bulles » de petite taille qui sont naturellement produites dans notre corps et dont la surface ressemble à celle des cellules humaines.

    Ces travaux, dont les résultats viennent d'être publiés dans The Journal of Extracellular Vesicles, ont été menés en collaboration avec l'équipe « Immunité innéeImmunité innée » de Nicolas Manel (Institut Curie, CNRS, Inserm) et avec des chercheurs de l'unité « Virus et immunité » (Institut Pasteur, CNRS).

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    Cette molécule pourrait empêcher le SARS-CoV-2 de nous infecter

    Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Philippe Roingeard et Sébastien Eymieux, unité Inserm U1259, Morphogenèse et antigénicité du VIH et des virus des hépatites, Université de Tours, France
    Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2. © Philippe Roingeard et Sébastien Eymieux, unité Inserm U1259, Morphogenèse et antigénicité du VIH et des virus des hépatites, Université de Tours, France

    Des leurres biologiques sous forme de vésicules : une piste thérapeutique « inédite et unique »

    Les résultats ont montré que ces vésicules sont reconnues par la protéine S du SARS-CoV-2. Ces vésicules servent donc de « leurre biologique » qui piège le virus en l'empêchant de se fixer aux cellules et en diminuant son pouvoir d'infection. L'efficacité anti-infectieuse de ces vésicules est directement corrélée à la quantité de récepteurs ACE2 qu'elles portent. Par ailleurs, cette efficacité est meilleure quand TMPRSS2 est aussi présente à la surface des vésicules. De plus, elle est bien supérieure à celle d'une protéine ACE2 non intégrée dans les vésicules.

    Les vésicules que nous avons isolées servent de leurre au virus SARS-CoV-2 et le neutralisent

    « Les vésicules que nous avons isolées servent de leurre au virus SARS-CoV-2 et le neutralisent. Elles pourraient donc être facilement utilisées en traitement local contre la Covid-19. Nous devons compléter nos résultats avec des études supplémentaires mais nous comptons poursuivre et approfondir cette piste thérapeutique inédite et unique », a déclaré Clotilde Théry.

    Une forme médicamenteuse de ces vésicules ACE2/TMPRSS2 pourrait donc constituer une nouvelle forme de traitement local pour diminuer les risques d'infection ou réduire son ampleur, lors d'une exposition au virus. Cependant, des études plus précises de faisabilité, d'efficacité dans les conditions de l'infection humaine, et d'effets secondaires potentiels devront être menées avant de développer un tel médicament.

    Le saviez-vous ?

    Une équipe dédiée à l’étude des vésicules extracellulaires et à leurs potentiels thérapeutiques

    Les cellules humaines sécrètent dans leur environnement des vésicules membranaires qui agissent comme des messagers intercellulaires. Depuis de nombreuses années, l’équipe Inserm, menée par Clotilde Théry à l’Institut Curie, est spécialisée dans l’étude de ces vésicules extracellulaires et de leur implication dans les processus physiopathologiques et, en particulier, dans les cancers. Elle cherche notamment à comprendre le rôle de ces vésicules lorsqu’elles sont sécrétées par les cellules immunitaires ou les cellules tumorales. Les chercheurs décryptent leur rôle dans la progression des tumeurs ; plus encore, ils étudient le potentiel thérapeutique de ce type de vésicules dans le cancer.