Les études sur le remdesivir, un antiviral envisagé comme traitement de la Covid-19, se multiplient. La dernière en date montre un gain de quelques jours sur le temps de guérison des patients.


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    Le remdesivir, un antiviral initialement développé pour lutter contre le virus Ebola, fait partie des traitements envisagés contre le coronavirus. Un premier essai clinique n'avait pas démontré d'effet probant chez les patients atteints d'une forme grave de la Covid-19.

    Aujourd'hui, une nouvelle étude financée par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases vient de paraître dans The New England journal of Medicine. Cette dernière, conduite en double aveugle et randomisée, s'est intéressée au temps de guérisonguérison des patients hospitalisés. L'administration de remdesivir en intraveineuse permet de gagner quelques jours dans le long processus de guérison.

    Vue d'ensemble de la proportion des patients guéris de la Covid-19 avec le remdesivir ou un placebo. © J.H. Beigel et <em>al.</em> NJEM
    Vue d'ensemble de la proportion des patients guéris de la Covid-19 avec le remdesivir ou un placebo. © J.H. Beigel et al. NJEM

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    L'étude inclut 1.063 patients, essentiellement aux États-Unis mais aussi dans plusieurs pays européens, placés aléatoirement en deux groupes : le premier groupe s'est vu injecter une première dose de remdesivir de 200 mg par intraveineuse puis une dose quotidienne de 100 mg jusqu'à leur sortie de l'hôpital (ou leur décès), le second groupe a reçu un placeboplacebo selon le même protocoleprotocole.

    À la fin de l'essai, le 28 avril 2020, les analyses statistiques ont montré que le groupe de patients traités au remdesivir guérit après une duréedurée médiane de 11 jours suivant le début de l'essai, contre 15 jours pour le groupe placebo. Les personnes ont été enrôlées dans l'essai clinique environ 9 jours après l'apparition des premiers symptômessymptômes.

    Au jour 14 de l'étude, les scientifiques ont dénombré 21 morts dans le groupe remdesivir contre 28 dans le groupe placebo. Si numériquement, il y a moins de morts parmi les patients soignés au Remdesivir, les auteurs de l'étude précisent que cette différence n'est pas significative statistiquement. L'analyse de la mortalité au 28e jour est toujours en cours.

    Ces résultats, encore incomplets, supportent l'usage du remdesivir pour soigner la Covid-19, mais, seul il n'est pas efficace pour diminuer le taux de mortalité.


    Remdesivir : pas d'efficacité spectaculaire

    Article publié le 3 avril 2020 par Julien Hernandez

    Le remdesivir, ce traitement potentiel du Covid-19 se révèle inefficace dans un premier essai clinique chez les patients sévères mais un autre essai annoncé par le National Health Institute pourrait venir contredire ce dernier. Pour autant, il faudrait faire le deuil des effets spectaculaires.

    Le remdesivir aurait des effets bénéfiques significatifs chez les patients Covid-19. C'est l'annonce faite par Anthony Fauci, le directeur de l'Institut national américain des allergiesallergies et des maladies infectieuses (NIAD). Pour autant, il faudra attendre que les données soient publiées pour juger de la crédibilité de cette annonce. Néanmoins, l'essai en question est rigoureux et a une méthodologie conforme aux standards des essais cliniques. Cependant, une autre étude publiée dans le même temps dans le journal The Lancet par une équipe chinoise vient légèrement tempérer cette annonce : le remdesivir n'aurait pas d'efficacité significative chez les patients sévères.

    Le remdesivir est un anti-viral récent, conçu initialement pour lutter contre le virus Ebola mais qui n'a jamais été autorisé, faute d'essais cliniques convaincants. Il est commercialisé par le laboratoire Gilead qui a également annoncé des essais concluants mais dont la méthodologie laisse à désirer. Depuis le départ, ce médicament est considéré comme une piste prometteuse dans la lutte du Covid-19. En effet, comme pour l'hydroxychloroquine, des études montrent qu'il inhibe la réplicationréplication du SARS-CoV-2SARS-CoV-2 in vitroin vitro. Mais les preuves in vitro sont loin d'être suffisantes. Pour juger de sa balance bénéfices / risques dans la lutte contre le Covid-19, il faut disposer des résultats d'essais contrôlés et randomisés. 

    Les annonces de Gilead et du NIH

    Le laboratoire Gilead publiait hier, sur son site, la publication prochaine d'un essai démontrant que le remdesivir était efficace en l'administrant seulement pendant cinq jours au lieu de dix. Cet essai ne comporte ni groupe contrôle ni procédure d'aveuglant. Autrement dit, son niveau de preuve sera très faible, qu'importe le sens des résultats. Ce ne sera pas l'étude qui tranchera le débat scientifique des traitements. Pour cela, Discovery fera sans doute bien mieux.

    Dans le même temps, le National Instituite of Health (NIH, États-Unis) annonçait que les résultats d'un essai clinique multicentrique (dans plus de 100 sites), randomisé, contrôlé et en double aveugle montraient des résultats positifs sur le temps de guérison (-31 %, résultat significatif) et sur la mortalité (11 % versus 8 %, résultat non significatif) sur plus de 800 patients. Les données ne sont pas consultables à ce jour même si l'annonce officielle en direct de la Maison Blanche ne peut qu'enthousiasmer. Il faut donc être prudent et attendre leur publication surtout que l'on peut constater que des critères primaires comme le décès ont été passés en critères secondaires en cours de route.

    L'essai du NIH devrait nous en apprendre plus sur l'efficacité pour l'instant présumée du remdesivir. © HalfPoint, Adobe Stock
    L'essai du NIH devrait nous en apprendre plus sur l'efficacité pour l'instant présumée du remdesivir. © HalfPoint, Adobe Stock

    L'étude du Lancet

    Néanmoins, on peut un peu tempérer cette nouvelle. En effet, hier, une étude chinoise publiée dans le journal The Lancet conclut à l'inefficacité du traitement pour les patients sévères. C'est une étude randomiséeétude randomisée, contrôlée, en double aveugle, comptant 237 patients sévères qui ont reçu 200 milligrammes (mg) de remdesivir le 1er jour et 100 mg les jours suivants, pendant 10 jours. On trouve un peu plus de patients hypertendus et de diabétiquesdiabétiques dans le groupe remdesivir et un peu plus de patients cardiaques dans le groupe placebo, même si l'ensemble des comorbidités reste équivalent dans les deux groupes. 

    Avant cela, les patients ont reçu des médicaments divers et variés comme des antibiotiquesantibiotiques ou encore des corticoïdescorticoïdes dans des proportions similaires dans les deux groupes. Sur les six critères primaires qui devaient être mesurés, à savoir la sortie de l'hôpital, l'hospitalisation sans oxygène ou avec oxygène, avec une thérapiethérapie respiratoire invasive ou non invasive et enfin le décès, le remdesivir ne montre pas d'amélioration notable. Sur des critères secondaires comme le temps de rémissionrémission clinique et la baisse de la charge viralecharge virale des patients, non plus. 

    Néanmoins, les patients ont été enrôlés dans l'expérience entre 10 à 12 jours après le début de la maladie, ce qui peut jouer un rôle dans l'efficacité du traitement. Les chercheurs reconnaissent eux-mêmes les limites de leurs études : une puissance statistique insuffisante pour détecter les différences présumées dans les résultats cliniques, l'initiation du traitement assez tardive dans la maladie. Initialement, les chercheurs voulaient recruter quasiment 500 patients mais cela n'a apparement pas été possible.

    Comme nous le disions, l'effet du remdesivir, s'il est réel, n'est sans doute pas spectaculaire tout comme sa balance bénéfices / risques. Le danger est de s'emballer avec ces études peu claires et de créer un « nouveau tamiflutamiflu » dont les données cliniques sont très controversées.

    Mais, dans la lutte contre le Covid-19, même les petits bénéfices sont bons à prendre. Lorsque l'étude du NIAD sera publiée, cela nous apportera de plus amples informations sur l'efficacité présumée du remdesivir. En attendant, prudence est mère de sûreté. Actuellement, 19 autres études sont en cours concernant le remdesivir, dont quatre Françaises.