Une équipe de l'université de Stanford a développé une interface cerveau-ordinateur (BCI) qui permet de rétablir la communication avec les personnes qui ne peuvent plus bouger ni parler, en utilisant les circuits cérébraux dédiés à l'écriture manuscrite. 


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    Adieu les crampes aux mains, bonjour la liberté. Vous pouvez maintenant déverser le fil de vos pensées directement sur un écran grâce à une interface cerveau-ordinateurordinateur (BCI pour Brain Computer Interface en anglais). Conçue pour les personnes paralysées suite à une lésion de la moelle épinière ou à cause de troubles neurologiques tels que la maladie de Charcot, cette technologie permet d'écrire rapidement des lettres sans avoir besoin d'utiliser ses mains.

    Le concept de BCI remonte aux années 1970. Il désigne un système de liaisons directes entre le cerveau et un ordinateur. Grâce à elles, il est possible d'effectuer des tâches sans solliciter ses bras, mains ou jambes, en contrôlant par la pensée un ordinateur, une prothèse, ou tout autre système automatisé. Cinquante ans plus tard, une étude publiée dans la revue Nature s'est intéressée à l'écriture manuscrite. Une approche qui s'avère beaucoup plus efficace que d'autres.

    Deux réseaux d'électrodes implantés enregistrent l'activité cérébrale produite en pensant à l'écriture de lettres. Ces informations sont ensuite collectées et traitées en temps réel par un ordinateur, qui convertit ces données en mots sur un écran. © <em>Courtesy of Shenoy lab & Erika Woodrum</em> 
    Deux réseaux d'électrodes implantés enregistrent l'activité cérébrale produite en pensant à l'écriture de lettres. Ces informations sont ensuite collectées et traitées en temps réel par un ordinateur, qui convertit ces données en mots sur un écran. © Courtesy of Shenoy lab & Erika Woodrum 

    Apprendre à écrire sans les mains 

    Lorsqu'une blessure ou une maladie prive une personne de mouvementsmouvements, l'activité neuronale du cerveau pour marcher, prendre une tasse de café ou prononcer une phrase demeure toujours en mémoire. Cela signifie que le simple fait de s'imaginer mentalement faire un geste produit des signaux cérébraux similaires au geste prévu. Les chercheurs se sont concentrés sur la partie du cerveau responsable des mouvements fins et ont enregistré les signaux générés lorsque le participant de l'étude s'imaginait écrire des lettres individuelles à la main.

    Tout d'abord, le participant de l'étude - un homme de 65 ans paralysé du cou vers le bas - a été invité à copier 26 lettres en caractère minuscules ainsi que les signes de ponctuation suivants : « > » pour l'espace et « ~ » pour le point. Pendant ce temps, deux toutes petites électrodesélectrodes, placées dans la partie de son cerveau associée au mouvement de sa main droite, ont enregistré l'activité cérébrale d'environ 200 neurones individuels qui ont réagi différemment pendant qu'il écrivait mentalement chaque caractère individuel.

    Dans le cadre de l'essai clinique BrainGate, les chercheurs utilisent de minuscules réseaux d'électrodes pour enregistrer les signaux du cortex moteur du cerveau. Ces signaux peuvent ensuite être utilisés pour contrôler des prothèses robotiques, des ordinateurs ou d'autres dispositifs. © BrainGate.org
    Dans le cadre de l'essai clinique BrainGate, les chercheurs utilisent de minuscules réseaux d'électrodes pour enregistrer les signaux du cortex moteur du cerveau. Ces signaux peuvent ensuite être utilisés pour contrôler des prothèses robotiques, des ordinateurs ou d'autres dispositifs. © BrainGate.org

    Après la réalisation de plus de 40.000 caractères, un algorithme de « machine learning » était chargé du traitement et de la classification de ces données. Autrement dit, une machine a appris à reconnaître automatiquement les modèles neuronaux que produisait le cerveau du participant pour chaque lettre. Après quelques jours de test, le taux d'erreur atteignait en moyenne 3,4 %, ce qui est comparable aux systèmes de reconnaissance vocalereconnaissance vocale de pointe. 

    Alors que le participant imaginait écrire une lettre ou un symbole, des capteurs implantés dans son cerveau ont détecté des schémas d'activité électrique qu'un algorithme interprétait pour tracer le chemin de son stylo imaginaire. © F. Willett et al., Nature 2021, Howard Hughes Medical Institute

    Une amélioration par rapport aux interfaces cerveau-ordinateur existants

    « Cette méthode est une nette amélioration par rapport aux BCI de communication existants qui reposent sur l'utilisation du cerveau pour déplacer un curseur pour inscrire des mots sur un écran », a déclaré Frank Willett, chercheur à l'université de Stanford et auteur principal de l'étude. Grâce à ce système « brain-to-text », le participant a pu composer des phrases à une vitessevitesse d'environ 90 caractères par minute. Sachant qu'une personne du même âge tape sur un smartphone en moyenne 110 caractères, le résultat est très satisfaisant. 

    En effet, les interfaces « point-and-click » qui consistent à déplacer un curseur pour inscrire des mots sur un écran, n'atteignent que 40 caractères par minute. Par ailleurs, d'autres études ont tenté d'élaborer des BCI qui exploitent les circuits cérébraux associés à la parole. Mais bien que prometteuses, elles sont actuellement limitées : « À l'heure actuelle, d'autres chercheurs peuvent obtenir un dictionnaire d'environ 50 mots » fait remarquer le Docteur Shenoy, qui a supervisé l'étude. De plus, ce type d'approche inclut l'analyse de milliers de neurones. Une quantité non négligeable.  

    « En utilisant l'écriture manuscrite pour enregistrer à partir de centaines de neurones individuels, nous pouvons écrire n'importe quelle lettre, et donc n'importe quel mot qui fournit un véritable vocabulaire ouvert qui peut être utilisé dans presque toutes les situations de la vie », ajoute-t-elle. À l'avenir, l'équipe de Shenoy a l'intention de tester le système sur un patient qui a perdu la capacité de parler. De plus, ils cherchent à compléter le système en augmentant le nombre de caractères disponibles, tels que les majuscules et les chiffres. Ils veulent également que les patients puissent éditer ou supprimer du texte.