Pourquoi les insectes volent-ils tellement mieux que nos avions ? Pendant longtemps, cette question est restée mystérieuse. Des caméras ultra-rapides et des modèles informatiques viennent de donner ue partie de l'explication. Avec leur souplesse, les ailes du criquet pèlerin assurent une portance une fois et demie supérieure à celle d'une aile rigide.

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    Les filets d'air autour d'un criquet pèlerin en vol visualisent les subtils mouvements de ses ailes souples. © Science

    Les filets d'air autour d'un criquet pèlerin en vol visualisent les subtils mouvements de ses ailes souples. © Science

    « Ce que nous appelions le paradoxe du bourdon - selon lequel les insectes défient les lois de l'aérodynamisme - est mort. L'aérodynamique moderne peut modéliser précisément le vol des insectes. » L'homme qui s'exprime ainsi sait de quoi il parle. Adrian Thomas est biomécanicien à l'université d'Oxford et vient, avec ses collègues et une équipe australienne de la University of New South Wales (UNSW), de publier dans Science les résultats d'une soigneuse analyse du vol du criquet pèlerin (Schistocerca gregaria).

    Quatre caméras à prises de vues très rapides ont filmé un criquet en vol sur les ailes duquel une centaine de petits points avaient été dessinés. Les images ont servi à créer une vidéo montrant les détails du mouvementmouvement en trois dimensions. Dans un deuxième temps, les chercheurs ont construit un modèle informatique pour reproduire le mouvement complexe de ces ailes souples et pour déterminer les flux d'airair à leur surface. On sait en effet que, comme, par exemple, le martinet noir, les insectes savent déformer leurs ailes pour améliorer leurs performances aérodynamiques.

    Ce modèle a d'abord été validé en comparant les performances de vol qu'il prédisait avec celles de l'insecte. Il a ensuite été modifié pour estimer l'importance de certaines subtilités de pilotage du criquet. Dans l'une des versions a été supprimée la possibilité de faire varier la courbure de l'aile, ce que sait faire l'insecte. Par rapport à l'aile du criquet, la portanceportance (la force aérodynamique qui tire vers le haut) a été réduite de 10%. Dans une seconde version du modèle, l'aile ne pouvait plus se tordre, comme le fait celle de l'insecte au fil des battements. Cette fois, la perte de portance atteint 50%.

    Les images du criquet en train de voler, avec des marques sur le corps, ont permis de réaliser un modèle 3D du vol battu montant les déformations continuelles des quatre ailes. On voit ici quelques phases, issues d'une <a href="http://www.ox.ac.uk/media/news_stories/2009/090918_2.html" target="_blank">vidéo créée par l'équipe scientifique</a>. ©  Adrian Thomas <em>et al.</em>

    Les images du criquet en train de voler, avec des marques sur le corps, ont permis de réaliser un modèle 3D du vol battu montant les déformations continuelles des quatre ailes. On voit ici quelques phases, issues d'une vidéo créée par l'équipe scientifique. ©  Adrian Thomas et al.

    Mécanique de vol sophistiquée

    Le secret du criquet, et des autres insectes volants, semble ainsi en grande partie percé. En modifiant en permanence la forme de ses ailes souples, l'animal évite que le flux d'air n'ait tendance à se décoller de la surface. Plus précisément, à tout instant, l'angle entre les filets d'air et la surface de l'aile reste constant, ce qui n'a rien d'évident avec un vol battu.

    La portance est donc au moins une fois et demie supérieure à celle d'une aile rigide et la traînée - cette résistancerésistance aérodynamique inévitable que les constructeurs d'avions cherchent à minimiser - est réduite au minimum, ce qui explique enfin les étonnantes performances des insectes volants en général et des criquets pélerins en particulier, capables de parcourir trois cents kilomètres sans faire le plein.

    Verra-t-on un jour des Airbus à ailes battantes et déformables ? Rien n'est moins sûr. Mais, en revanche, les nombreux prototypes de petits drones, comme les Delfly, qui explorent déjà le domaine du vol battu, pourront sans doute tirer profit de ses découvertes.