Déplacés sur des milliers de kilomètres, des jeunes oiseaux migrateurs ne savent pas retrouver leur chemin : ils continuent à suivre le même cap. Mais les adultes qui ont déjà fait le voyage, eux, modifient leur route et filent vers leur destination habituelle. Comme s’ils disposaient d’une carte ou d’un GPS…

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    Pour mieux comprendre comment les oiseaux migrateurs s'y prennent pour suivre leur route, des chercheurs américains, britanniques et danois ont joué un mauvais tour à un groupe de passereaux : les déplacer de près de 4.000 kilomètres avant leur migration hivernale puis suivre les animaux en avion pour voir comment ils allaient s'en sortir...

    Les bruants à couronne blanche (Zonotrichia leucophrys gambelii) passent l'été au nord-ouest de l'Amérique du nord. Lorsque l'hiver arrive, ils descendent vers le sud, le long de la côte de l'océan Pacifique et s'installent au chaud, entre la Californie et le Mexique.

    Portrait d’un bruant à couronne blanche. © Christian Ziegler

    Portrait d’un bruant à couronne blanche. © Christian Ziegler

    Capturés dans l'Etat de Washington, au nord-ouest des Etats-Unis, une trentaine de bruants (15 adultes et 15 jeunes) ont été transférés à 3.700 kilomètres de là, sur la côte atlantique. Là, les oiseaux ont été équipés de petits émetteurs radio et relâchés. Déjà utilisé, ce procédé permet habituellement de suivre les animaux jusqu'à quelques dizaines de kilomètres tout au plus.

    Mais ici, les chercheurs ont lâché les oiseaux sur un aérodrome et sont immédiatement montés à bord de deux avions de tourisme (Cessna 152 et 170 selon les indications des auteurs). Equipés de récepteurs radio, ils ont pu enregistrer les parcours sur 122 kilomètres. Ces passereaux migrent à peu près au même moment mais pas en vol groupé, chacun ne se préoccupant pas du tout de ce que font ses congénères. Il était donc important de les suivre individuellement. De plus, cette indépendance permet d'analyser statistiquement les itinéraires de tous les oiseaux.

    Les bruants à couronne blanche passent l’été au nord-ouest du continent américain (zone verte). L’été, ils migrent vers le sud, jusqu’au Mexique (zone bleue). Dans l’expérience, les oiseaux ont été capturés au nord-ouest des Etats-Unis (Sunnyside, WA) et transférés sur la côte atlantique (Princeton, NJ). Les jeunes suivent une route au sud (ligne à tirets rouge numérotée 1), selon un cap identique à celui de leur migration habituelle. Les adultes, eux, corrigent leur direction et partent vers l’ouest (2), c'est-à-dire vers leur destination prévue. Aucun ne revient vers son lieu de départ (3).

    Les bruants à couronne blanche passent l’été au nord-ouest du continent américain (zone verte). L’été, ils migrent vers le sud, jusqu’au Mexique (zone bleue). Dans l’expérience, les oiseaux ont été capturés au nord-ouest des Etats-Unis (Sunnyside, WA) et transférés sur la côte atlantique (Princeton, NJ). Les jeunes suivent une route au sud (ligne à tirets rouge numérotée 1), selon un cap identique à celui de leur migration habituelle. Les adultes, eux, corrigent leur direction et partent vers l’ouest (2), c'est-à-dire vers leur destination prévue. Aucun ne revient vers son lieu de départ (3).

    Les résultats sont considérés comme nets dans l'article publié par les Pnas (comptes rendus de l'Académie nationale des sciences des Etats-Unis). Les juvéniles qui n'ont encore jamais migré se fient à leur boussole (dont on ignore la nature). Plus exactement, tous, sans exception, prennent la route vers le sud, comme ils doivent le faire en partant de leur habituel lieu de départ. Ces jeunes oiseaux trouveront donc la Floride plutôt que la Californie ou le Yucatan plutôt que la côte ouest du Mexique. Le cap est bon mais inapproprié en la circonstance...

    Les oiseaux expérimentés, eux, ne s'en laissent pas compter aussi facilement. Fonçant d'abord plein sud, ils réalisent vite que quelque chose cloche. Ils virent alors à leur droite pour prendre un cap orienté entre l'ouest et le sud-ouest les conduisant vers leurs habituelles résidences hivernales. Un seul adulte a pris la même direction que les juvéniles mais c'est aussi le seul à avoir subi un vent de travers de 42 km/h (tous les pilotes pardonneront à celui-là son erreur de navigation).

    Les auteurs ne concluent pas sur la nature de ce système de positionnementsystème de positionnement global dont semblent disposer ces passereaux. On connaît de bons indices de l'utilisation du champ magnétique terrestre chez des oiseaux migrateurs, notamment la fauvette et le pigeon. Mais ici, les signaux magnétiques semblent trop ténus pour permettre une distinction en longitudelongitude entre les côtes est et ouest de l'Amérique du nord. De même, les informations olfactives ou tirées du ciel nocturnenocturne étoilé sont exclues par les auteurs, sur la base de travaux antérieurs.

    Mais une chose est certaine : lors de leur première migration, les bruants enregistrent des informations concernant l'emplacement géographique de leur destination d'hiver. Pour avancer encore dans la compréhension des outils de ces navigateursnavigateurs hors pairs, il faudra suivre d'autres oiseaux plus longtemps et plus souvent...