À chaque nouveau séisme, il ressuscite : Richter et sa fameuse échelle. L’expression est en effet souvent utilisée à tort par de nombreux médias, qui la confondent malheureusement avec la magnitude de moment utilisée actuellement par les scientifiques pour caractériser la force d’un séisme. Il s’agit pourtant de deux échelles différentes.


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    Avec le séisme au Maroc ressurgissent les vieux démonsdémons de la magnitudemagnitude. Et les scientifiques grincent des dents en lisant certains articles publiés dans les médias. Il est en effet fréquent que la valeur de magnitude de moment donnée par les instituts de surveillance sismologique se retrouve affublée du terme ô combien populaire de « sur l'échelle de Richter ». C'est presque devenu une expression. Alors mettons les choses au clair, non, on ne peut pas prendre simplement le chiffre et l'affubler d'une autre échelle. Car magnitude de moment et échelle de Richter sont deux choses différentes. Explications.

    L’échelle de Richter au sens propre n’est plus utilisée aujourd’hui !

    L'échelle de Richter a été mise au point par le sismologuesismologue américain Charles Francis Richter en 1935, alors que la sismologie en est encore à ses balbutiements. Et il faut bien dire qu'il s'agit alors d'une véritable révolution dans le domaine. Jusqu'alors, la puissance d'un séisme n'était estimée qu'en fonction des dégâts observés. Cette observation est certes utile et est d'ailleurs aujourd'hui utilisée pour quantifier l'intensité d'un séisme. Mais cela n'a souvent rien à voir avec la force du séisme. Car les destructions vont dépendre premièrement de la présence d'infrastructures (un séisme peut très bien avoir lieu dans une zone inhabitée), deuxièmement de la qualité de ces infrastructures et de leur capacité de résistancerésistance face aux secousses. La nécessité d'avoir une autre méthode d'évaluation se fait donc rapidement sentir.

    Dégâts lors du séisme de 2016 dans le centre de l'Italie. © terremocentroitalia, Wikimedia Commons, CC by 2.0
    Dégâts lors du séisme de 2016 dans le centre de l'Italie. © terremocentroitalia, Wikimedia Commons, CC by 2.0

    C'est en étudiant les données enregistrées par les sismographes que Richter développe ainsi une toute première échelle de magnitude. Il se rend en effet compte que la force d'un séisme dépend de l'amplitude du signal sur le sismogramme mais aussi de la distance entre l'épicentre et le sismographe. La valeur de magnitude de l'échelle de Richter correspond donc à « la mesure de l'amplitude en micromètresmicromètres mesurée sur un enregistrement d’un sismographe de type Wood-Anderson, se situant à 100 kilomètres du tremblement de terretremblement de terre ». Et l'on devrait ajouter à cette définition « pour des séismes se produisant dans le sud de la Californie ». On se rend vite compte que malgré l'évolution que cela représente à l'époque, l'échelle de Richter présente de multiples limitations : elle est calibrée suivant un lieu géographique précis, qui possède des propriétés de propagation des ondes particulières, et en utilisant un instrument bien spécifique (les sismographes de type Wood-Anderson). Autant dire que pour être utilisée ailleurs et avec d'autres appareils, l'échelle de Richter a dû rapidement subir d'importantes modifications. L'évolution des équipements et des connaissances fait que l'échelle de Richter comme elle a été définie à l'origine n'est plus utilisée aujourd'hui par les scientifiques !

    Exemple de sismographe Wood-Anderson. © Bureau of Reclamation, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.0
    Exemple de sismographe Wood-Anderson. © Bureau of Reclamation, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.0

    Place à la magnitude de moment

    Elle a cependant mené à l'établissement de ce qu'on appelle la magnitude locale (Ml) de Richter. Cette échelle de magnitude est utilisée uniquement pour des séismes proches (locaux), dont la distance épicentre-sismomètre est inférieure à 1 000 kilomètres. Elle repose principalement sur la mesure des amplitudes des ondes S et est ajustée en fonction de la distance épicentrale.

    Les scientifiques préfèrent cependant utiliser une autre échelle, dite magnitude de moment (Mw). Celle-ci est particulièrement adaptée pour les séismes modérés et forts. La magnitude de moment présente en effet l'avantage d'être bien plus précise, notamment en permettant une mesure de l'énergieénergie libérée par le séisme sur le plan de faille et la caractérisation de la rupture sismique. En effet, l'échelle de Richter ne prend en compte que l'énergie libérée sous forme d'ondes sismiques, c'est-à-dire 20 à 30 % seulement de l'énergie totale libérée par un séisme. La majeure partie est en effet dissipée sous forme de chaleurchaleur. Le calcul de la magnitude de moment est bien sûr beaucoup plus complexe que celle de la magnitude de Richter. Elle repose sur un modèle physiquemodèle physique de source sismique et fait intervenir le moment sismique, qui prend en compte la rigiditérigidité du milieu, le déplacement sur la faille et la surface de la faille. Ces paramètres sont obtenus par traitement du signal sismique enregistré. De très nombreuses corrections sont également appliquées.

    La magnitude de moment permet d'obtenir une meilleure estimation de la quantité totale d'énergie libérée lors d'un séisme. © Suzi, Adobe Stock
    La magnitude de moment permet d'obtenir une meilleure estimation de la quantité totale d'énergie libérée lors d'un séisme. © Suzi, Adobe Stock

    Alors certes, il n'y a pas forcément une grande différence entre une valeur de magnitude sur l'échelle de Richter et celle de la magnitude de moment pour un séisme moyen. Il n'empêche : restons justes et précis... et laissons Richter tranquille !