Une récente étude réalisée par l’Académie des technologies et OpinionWay révèle que, pour la moitié des Français, le progrès technologique est l’une des causes du changement climatique. Pierre Toulhoat, président du pôle Environnement et impact du changement climatique à l’Académie des technologies et directeur scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), en décrypte, pour Futura, les tenants et les aboutissants.


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    Alors que les représentants de tous les pays du monde sont réunis à Madrid pour la COP 25, la moitié des Français avoue - dans un sondage OpinionWay - voir dans le progrès technologique, l'une des causes de la crise climatique que nous vivons actuellement. Tentons, avec l'aide de Pierre Toulhoat, président du pôle Environnement et impact du changement climatique à l'Académie des technologies, de démêler le vrai du faux de cette opinion.

    Futura : Que vous inspire le fait que la moitié des Français – et un peu plus encore de jeunes – voient dans le progrès technologique, l’une des causes du changement climatique ?

    Pierre Toulhoat : Il y a une part de vrai dans cette affirmation. À lui seul, le streamingstreaming vidéo - l'usage de YouTubeYouTube ou de NetflixNetflix, par exemple - représente, dans le monde, 1 % des émissions de CO2. Cela équivaut tout de même aux émissionsémissions d'un pays comme l'Espagne. Parce que les fichiers dont il est question sont lourds - de plus en plus lourds, même - et que leur échange consomme donc une grande quantité d'énergieénergie. Ainsi, partout où le progrès technologique réclame une forte consommation énergétiqueconsommation énergétique, il contribue effectivement au réchauffement climatique.

    Futura : Un autre tiers des Français pense tout de même que le progrès technologique permet de lutter contre le réchauffement climatique...

    Pierre Toulhoat : Ceux-là sont aussi dans le vrai. Beaucoup de recherches sont menées partout dans le monde dans ce sens. Pour développer des sources d’énergie moins émettrices de CO2, évidemment.

     

    Plus de 50 % de la population mondiale estime que le nucléaire produit du CO<sub>2</sub> (chiffre observatoire international climat et opinions publiques/EDF/Ipsos). <em>« C’est vrai si l’on considère l’ensemble du cycle de production d’électricité nucléaire, comme ce serait vrai aussi concernant le solaire ou l’éolien. Mais c’est sans commune mesure avec les émissions dues à la production d’électricité par des centrales à charbon ou au gaz, par exemple »</em>, précise Pierre Toulhoat. © IndustryAndTravel, Adobe Stock
    Plus de 50 % de la population mondiale estime que le nucléaire produit du CO2 (chiffre observatoire international climat et opinions publiques/EDF/Ipsos). « C’est vrai si l’on considère l’ensemble du cycle de production d’électricité nucléaire, comme ce serait vrai aussi concernant le solaire ou l’éolien. Mais c’est sans commune mesure avec les émissions dues à la production d’électricité par des centrales à charbon ou au gaz, par exemple », précise Pierre Toulhoat. © IndustryAndTravel, Adobe Stock

    Futura : Y a-t-il d’autres pistes ?

    Pierre Toulhoat : Absolument, même si elles sont peut-être moins médiatisées. L'idée, c'est de réduire l'impact environnemental des nouvelles technologies mises sur le marché tout au long de leur cycle de vie. En augmentant leur duréedurée de vie, en améliorant leur recyclabilité, etc. Aujourd'hui, on ne peut plus se permettre de faire l'impasse sur le sujet. Les technologies doivent être conçues de manière durable.

    Nous devrons nous adapter au changement climatique

    Et puis, il y a aussi tous les travaux qui sont menés afin de nous aider à nous adapter au changement climatique en cours. Car, quel que soit le scénario, nous ne pourrons pas l'inverser du jour au lendemain. Par le passé, d'autres populations ont déjà souffert de crises climatiques - naturelles, celles-là - et certaines, comme NéandertalNéandertal, n'y ont pas survécu. Difficile de prédire ce qu'il adviendra d'Homo SapiensHomo Sapiens dans les siècles à venir. Pour survivre, il devra vraisemblablement trouver des solutions pour s'adapter aux conséquences du réchauffement climatique. À la hausse du niveau des mers, par exemple, parce que de nombreuses grandes métropoles ont été construites sur les côtes. Certains ont déjà trouvé des solutions, ils vivent dans des habitats qui savent s'accommoder de niveaux de la mer changeants.

    Futura : Votre conclusion ?

    Pierre Toulhoat : Je crois que, d'une manière ou d'une autre, nous allons devoir retrouver un mode de vie plus sobre et plus économe. La technologie peut nous y aider. Si elle est employée de manière durable et éclairée. En tant que scientifiques, nous avons notre rôle à jouer. Dans le développement de nouvelles technologies plus vertueuses. Mais aussi dans l'éducation et la sensibilisation du public à travers les médias et plus spécifiquement même, du jeune public, par le biais de l'école.