Environ 40 % de la totalité des plants de sarrasin de Tiehm ont été arrachés sur un site minier de lithium. Les écologistes dénoncent une opération préméditée de grande ampleur, tandis que les autorités de l’État et la compagnie exploitante montrent du doigt les herbivores et la sécheresse.


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    « Une destruction de massemasse. » C'est ainsi que le Centre pour la diversité biologique du Nevada (CDBCDB) qualifie le drame qui s'est déroulé sur un site minier à 350 kilomètres au sud-est de Reno dans le Nevada. Des milliers de plantes sauvages rares ont été arrachées, jonchant le sol. Plus de 17.000 plants de sarrasin de Tiehm (Eriogonum tiehmii) auraient ainsi été décimés, soit 40 % de la population totale de cette plante rare endémiqueendémique des montagnes de Silver Peak Range. Le site sur lequel s'est déroulé le drame est exploité par la compagnie minière australienne Ioneer. C'est un des plus grands gisements de lithium encore inexploités au monde.

    Une petite fleur au centre d’un conflit

    Ce désastre écologique survient alors que le sarrasin de Tiehm est au cœur d'un conflit entre les écologistes et la compagnie minière, les premiers réclamant un statut de protection pour stopper le projet de mine de lithiumlithium et de borax (un minéral notamment utilisé dans les composants électriques). Pour Ioneer, laisser les fleurs intactes signifie l'anéantissement complet du projet, étant entendu qu'il faut dégager le terrain pour exploiter le métalmétal et construire des routes. Pour les écologistes, il ne fait donc aucun doute que cette destruction est un pur acte de vandalisme, visant à faire place rase pour la mine. Selon les constatations de Patrick Donnelly, le directeur du CDB, les plantes ont été arrachées du sol, les racines déterrées selon un trou circulaire « presque parfait », et des traces de pas ont été découvertes sur les sentiers. « Cela semble être une opération préméditée à grande échelle visant à anéantir l'une des plantes les plus rares sur Terre, qui était déjà en cours de protection », soutient Patrick Donnelly.

    Le sarrasin de Thiem est endémique des montages du Nevada. © Janel Johnson, iNaturalist
    Le sarrasin de Thiem est endémique des montages du Nevada. © Janel Johnson, iNaturalist

    Des rongeurs qui ont eu faim et soif

    La version de Ioneer, qui mène l'enquête conjointement avec le service de conservation et des ressources naturelles du Nevada, le Bureau américain de la gestion des terres et le Service de la pêche et de la vie sauvage, est bien évidemment totalement différente : la destruction du sarrasin de Tiehm a « très probablement » été causée par des petits mammifères affamés. « L'enquête est toujours en cours et la cause n'a pas encore été déterminée, mais les preuves qui nous sont rapportées sont cohérentes avec l'activité des herbivores », explique la porteporte-parole du service de conservation, Samantha Thompson, dans un courriel à The Associated Press. Aucune marque d'outil de coupe n'a de plus été constatée, ajoute-t-elle.

    Le saviez-vous ?

    Le sarrasin de Tiehm est une fleur de la famille des Polygonacées endémique des Silver Peak Range, une petite chaîne de montagnes à la frontière de la Californie et du Nevada. Elle est classée en danger critique d’extinction. Il n’en restait que 44.000 pieds en 2019, répartis sur huit parcelles séparées de moins d’un kilomètre.

    « Ce sont certains rongeursrongeurs qui ont eu faim et soif », appuie le président exécutif de Ioneer, James Calaway, qui soupçonne également la sécheressesécheresse. « Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est un événement tragique. Nous nous efforçons de comprendre ce qui s'est passé et de prendre des mesures pour que cela ne se reproduise plus », a-t-il ajouté, furieux contre les affirmations « calomnieuses » de CDB. « Cela montre que le CDB et Patrick Donnelly sont prêts à dire n'importe quoi pour arrêter le développement de ce projet. »

    Un garde pour surveiller les plantes restantes

    Mais le CDB n'est pas le seul sceptique sur la version des rongeurs. Pour Dan Barton, président du département de la faunefaune sauvage de la Humboldt State University de Californie, les dommages ne ressemblent pas à ceux que peuvent provoquer des animaux. D'autres biologistes sont eux aussi très circonspects sur la responsabilité des rongeurs pour des dégâts d'une telle ampleur.

    Le CDB réclame à présent l'arrêt immédiat des opérations sur le site afin de protéger les plantes restantes, ainsi que des mesures de protection additionnelles comme l'embauche d'un garde, la pose d'un grillage et la restauration des parcelles détruites. Ioneer met, elle, en avant le million de dollars qu'elle a déjà consacré à la préservation de la nature sur le site et un accord de recherche pluriannuel avec les scientifiques de l'université du Nevada visant notamment à étudier la possibilité de transplanter du sarrasin cultivé dans la serre du campus sur un autre site. Mais pas question de retarder le projet d'exploitation. « Nous ne voyons pas en quoi cela change le calendrier prévisionnel », balaye James Calaway.