au sommaire
Strudiella est le plus vieux fossile complet d'insecte jamais retrouvé. Il est dépassé par un spécimen bien plus ancien (-411 Ma) retrouvé en Écosse. Mais on ne possède de lui que ses pièces buccales. © Romain Garrouste
La biodiversité animale de la Terre est dominée par les insectes depuis la fin du Carbonifère (-320 millions d'années, Ma). Mais la mise en place de ce groupe majeur d'arthropodes reste encore mystérieuse car les fossiles complets d'insectes manquent avant cette période.
Une équipe internationale, sous la direction de Romain GarrousteRomain Garrouste, Patricia Nel, André Nel, du laboratoire Origine structure évolution de la biodiversité (Oseb, Muséum national d'histoire naturelle/CNRS)), et Gaël Clément du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (CR2P, Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle/CNRS/UPMC), vient de découvrir un petit insecte complet dans le gisementgisement belge de Strud datant du DévonienDévonien supérieur (-365 Ma).
Nommé Strudiella, ce fossile unique confirme en partie les résultats issus des reconstitutions phylogénétiquesphylogénétiques qui datent l'apparition des premiers insectes avant le Dévonien supérieur, probablement au SilurienSilurien (-425 Ma). Les résultats de cette étude sont publiés aujourd'hui dans la revue Nature.
Strudiella resurgit des profondeurs du Dévonien
Pour répondre à cette question et en l'absence de traces fossilesfossiles, seuls des résultats venant des reconstitutions phylogénétiques avaient permis aux scientifiques de dater l'apparition des premiers insectes bien avant le Dévonien supérieur, probablement au Silurien. Les fossiles d'insectes étant quasiment absents du registre fossile du Silurien au Dévonien supérieur, la découverte du petit insecte fossile, dénommé Strudiella, vient enfin combler partiellement ce vide.
Strudiella est probablement l'un des plus anciens insectes de l'ordre des orthoptères, regroupant notamment criquets et sauterelles (à l'image, un criquet). © opencage.info, cc by sa 2.5
L'état de conservation du fossile permet de conclure qu'il s'agit d'un petit insecte probablement proche des premiers représentants des sauterelles, avec de longues antennes, une tête relativement grande et des mandibulesmandibules robustes. L'absence d'ailes sur le spécimen n'a pas permis de déterminer le stade de développement de cet insecte (larvelarve ou adulte). Bien que retrouvé dans le fond fossilisé d'une mare temporaire en compagnie d'organismes d'eau douce comme les crustacéscrustacés triopsidés, cet animal a les spécificités d'un insecte terrestre et ne présente aucun caractère morphologique ou organe permettant une adaptation à la vie aquatique.
Un fossile complet pour mieux comprendre les insectes
Les insectes étaient donc bien présents à cette période de la fin du Dévonien (-365 Ma). Cette découverte ouvre des perspectives de recherches et soulève de nouveaux questionnements. La rareté de ces fossiles correspond-elle à un biais de préservation ou à une réalité paléoécologique ? Quels ont été les facteurs écologiques qui ont provoqué l'expansion des insectes (on parle alors de radiation évolutiveradiation évolutive) ? Les processus de terrestrialisation des vertébrésvertébrés et des arthropodes peuvent-ils être corrélés à des modifications environnementales majeures ? Ces questions sont fondamentales pour comprendre le rôle de la biodiversité dans les écosystèmesécosystèmes actuels mais également pour en estimer l'évolution future, comme dans l'optique de changements climatiques globaux.
Redécouvert en 2005, ce gisement, situé à Strud dans la province de Namur (Wallonie, Belgique), est déjà connu comme l'un des rares sites au monde à premiers tétrapodes (vertébrés terrestres). Des missions de fouilles y sont régulièrement organisées sous la responsabilité de Gaël Clément (Muséum national d'histoire naturelle), en collaboration avec l'Institut royal des sciences naturelles de Bruxelles et l'université de Liège. Depuis peu centrées sur la découverte d'arthropodes dévoniens, elles ont permis la mise au jour de ce fragile insecte fossile.
Les paléoentomologistes du Muséum national d'histoire naturelle et du CNRS recherchent depuis plusieurs années les traces de l'origine des insectes, à travers de nombreuses expéditions dans le monde, comme récemment au SpitzbergSpitzberg (île norvégienne), pour résoudre l'un des mystères de la vie sur notre planète.