Certes, Leedsichthys problematicus était gigantesque, mais moins que ce qui avait été annoncé dans le passé. Voici la conclusion de récents travaux menés sur ce mangeur de plancton qui peuplait l’océan Panthalassa durant le Jurassique moyen. Avec un maximum de 17 m de long, il reste néanmoins le plus grand poisson osseux connu !

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    Voici 165 millions d'années, au Jurassique moyen, l'océan PanthalassaPanthalassa bordait les rives de la Pangée. Il abritait alors d'impressionnantes créatures, comme des pliosaures carnivores Liopleurodon dont la taille reste débattue (entre 9 et 25 m de long, selon les sources). Parmi elles figure également un poisson osseux planctophage pour la première fois décrit en 1889 par Arthur Smith Woodward : Leedsichthys problematicus. Comme son nom l'indique, son étude n'a pas été facile, étant donné l'aspect fragmentaire des restes fossiles mis au jour.

    Depuis, environ 70 autres individus ont progressivement été découverts au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et au Chili. Ils se sont eux aussi retrouvés au cœur d'un débat : quelle taille avaient leurs propriétaires ? En 1986, David Martill s'est entre autres basé sur l'étude de leur corbeille branchiale pour estimer leur longueur maximale à 27,4 m, soit un peu moins que la taille d'une baleine bleue adulte. Grâce à cette étude, Leedsichthys problematicus est devenu le « plus grand poisson de tous les temps ». Cependant, ce résultat n'a pas fait l'unanimité au sein de la communauté scientifique.

    Jeff Liston, de l'université de Bristol (Royaume-Uni), figure probablement parmi les sceptiques, puisqu'il a réétudié la taille de cette espèce avec l'aide de collaborateurs. Fondées sur de nouveaux arguments, ses conclusions ont été présentées durant le 61st Symposium for Vertebrate Palaeontology and Comparative Anatomy (SVPCA), qui s'est tenu à Édimbourg du 27 au 30 août 2013. Leedsichthys problematicus a vu ses dimensions se réduire considérablement, mais il reste le recordman de taille chez les poissonspoissons osseux (ou ostéichtyensostéichtyens).

    Le premier <em>Leedsichthys problematicus </em>a été découvert en 1886 près de Peterborough (Royaume-Uni) par Alfred Nicholson Leeds. Sa taille est ici comparée à celle d'un plongeur. © Dmitry Bogdanov, <em>Wikimedia commons</em>, cc by 3.0

    Le premier Leedsichthys problematicus a été découvert en 1886 près de Peterborough (Royaume-Uni) par Alfred Nicholson Leeds. Sa taille est ici comparée à celle d'un plongeur. © Dmitry Bogdanov, Wikimedia commons, cc by 3.0

    Une « pierre de Rosette » lève les doutes

    Les scientifiques ont basé leurs conclusions sur l'étude de cinq Leedsichthys problematicus, parmi lesquels figure Ariston, la « pierre de RosetteRosette » du problème. Ce fossile a été totalement exhumé en 2003 et constitue, grâce notamment à la découverte des os pairs de son crâne et de ses nageoires pectorales, l'un des plus complets. Il a permis d'établir des liens entre les ossements des autres individus (entre autres une queue et des os de l'appareil branchial), autorisant ainsi les chercheurs à reconstruire fidèlement leurs cinq sujets d'étude.

    Conclusions : Big Meg, un fossile lui aussi découvert en 2003, mesurait entre 10 et 13,4 m de long, soit un peu plus que les 8,8 m du propriétaire de la nageoire caudale. Globalement, la plage de tailles couverte par les cinq fossiles s'étend de 7,8 à 16,7 m, soit bien moins que les 27,4 m avancés par le passé. Précisons tout de même que des individus plus grands pourraient encore être découverts, selon des informations ostéologiques elles-aussi dévoilées par l'équipe de Jeff Liston.

    Des poissons fossilisés encore plus grands à découvrir ? 

    Plusieurs rayons de nageoire et des branchiospinesbranchiospines ont fait l'objet de coupes histologiques dans le but de dévoiler leurs cernes de croissance. Résultats : les poissons étudiés avaient entre 19 et 40 ans quand ils sont morts, alors qu'ils grandissaient toujours. De plus, leur croissance était particulièrement rapide durant leur première et deuxième année de vie, probablement afin d'atteindre vite une taille les rendant moins appétissants pour les prédateurs marins, comme les Liopleurodon.

    Malgré ces résultats, un mystère n'a toujours pas été levé : comment expliquer la grande taille des Leedsichthys problematicus ? Est-elle par exemple liée à l'apparition de nouveaux organismes planctoniques non découverts à ce jour ?