La mer Morte perd sans cesse en profondeur depuis quelques décennies. Pour inverser la tendance, un projet propose de la remplir avec de l’eau de la mer Rouge. La Banque mondiale estime que c’est faisable malgré quelques risques écologiques maîtrisables. 

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    La mer Morte se distingue des autres étendues d'eau salée du globe pour plusieurs raisons. Premièrement, il ne s'agit pas d'une mer à proprement parler, mais plutôt d'un grand lac bordé par l'État d'Israël, la Jordanie et la Cisjordanie. Deuxièmement, sa salinitésalinité est jusqu'à dix fois plus importante que celle de l'eau de mer, puisqu'elle contient environ 275 grammes de sel par litre. Enfin, elle se situe actuellement 423 m sous le niveau moyen des océans. 

    Ce grand lac salé est alimenté par un seul fleuve, le Jourdain. C'est à ce niveau que se pose un problème majeur : l'afflux d'eau fraîche ne cesse de diminuer au fil des ans. Près de 230 millions de m3 d'eau douce arriveraient actuellement dans la mer Morte en une année, contre 1.250 millions de m3 en 1950. Le pompage de ce précieux liquideliquide par les agriculteurs et les industries de la région expliquerait cette forte diminution. Par conséquent, le niveau de la mer Morte diminue de plus d'un mètre par an, ce qui se traduit par une perte de superficie. De 950 km2 voici 50 ans, elle est passée à 637 km2 de nos jours.

    Ce constat pose de nombreuses questions, car la région concernée vit entre autres du tourisme. De plus, l'écosystème de la mer Morte est unique. Il mérite donc d'être conservé. Face à cette situation qui semble s'accélérer avec le temps, des autorités israéliennes, jordaniennes et palestiniennes ont demandé en 2005 à la Banque mondiale d'analyser la faisabilité d'un projet vieux de plusieurs années, mais qui n'a jamais été développé. Cet organisme international vient de diffuser sa conclusion : il est tout à fait envisageable de puiser de l'eau dans la mer Rouge pour remplir la mer Morte. 

    Le golfe d'Aqaba est visible au centre de cette photographie prise par la navette spatiale Columbia en 2002. Il pourrait bientôt être relié à la mer Morte, située un peu plus haut dans son prolongement, par un pipeline de 180 km de long. © Nasa, Flickr, cc by sa 2.0

    Le golfe d'Aqaba est visible au centre de cette photographie prise par la navette spatiale Columbia en 2002. Il pourrait bientôt être relié à la mer Morte, située un peu plus haut dans son prolongement, par un pipeline de 180 km de long. © Nasa, Flickr, cc by sa 2.0

    Un projet économique important… mais non dépourvu de risques

    Ainsi, il serait possible, pour 10 milliards de dollars, de construire un pipelinepipeline de 180 km de long entre le golfe d'Aqaba et le grand lac salé. Jusqu'à 2 milliards de m3 d'eau pourraient alors transiter dans ce conduit chaque année et être utilisés pour produire de l'énergie hydraulique. Le projet prévoit en effet de placer des turbines sur le parcours afin de profiter des 400 m de dénivelé existant entre les deux mers. Le montant des travaux inclut également la constructionconstruction d'une usine de désalinisation qui pourra fournir une plus grande quantité d'eau potable (entre 320 et 850 millions de m3 par an en fonction de l'avancée du projet) à la population locale. 

    Le rapport préliminaire publié en ligne précise tout de même qu'il existe quelques risques écologiques dont il faut tenir compte. L'injection de plus de 300 millions de m3 d'eau par an pourrait par exemple favoriser la prolifération d'algues rouges et entraîner la formation de gypsegypse blanc. Des nappes phréatiques pourraient également être contaminées par de l'eau de mer. Les experts impliqués dans l'évaluation estiment cependant que ces risques peuvent être contrôlés et maintenus à un niveau acceptable, ce que réfutent déjà plusieurs organisations de défense de l'environnement. 

    Les Amis de la Terre au Proche-Orient dénoncent ainsi dans Le Monde un rapport « irresponsable », dont les conclusions « ignorent le risque environnemental et le prix économique élevé à payer ». Gidon Bromberg, le directeur des Amis de la Terre en Israël, a quant à lui souligné dans Le Monde que « les vrais bénéficiaires seraient les hommes d'affaires israéliens associés à la construction de la plus grosse usine de désalinisation du monde et les compagnies étrangères de construction de pipeline ». Il reste maintenant à voir quelle suite sera donnée à cette étude de faisabilité.