Le Moyen-Orient est de plus en plus en déficit d’eau. Les données satellite de la mission Grace montrent que cette dernière décennie, les stocks d’eau douce se sont réduits, et ce de façon accélérée. À tel point que depuis 2007, la perte d’eau est équivalente au volume de la mer Morte.

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    Plus de 90 % de l'eau douce sous forme liquideliquide se trouve sous terre, dans les nappes phréatiques. L'eau pompée dans les nappes contribue pour 60 % à l'arrosage agricole des zones arides, et entre 25 % et 40 % pour l'eau potable. Les nappes diffèrent par leur profondeur, la quantité d'eau qu'elles contiennent mais surtout par la vitessevitesse à laquelle elles se rechargent. Certaines nappes se rechargent si lentement qu'on les qualifie de nappes non renouvelables. Les plus importantes nappes de ce type se trouvent en Afrique du Nord, en Australie, au Moyen-Orient et en Sibérie.

    La gestion de l'approvisionnement en eau dans ces régions est problématique. Au Moyen-Orient par exemple, plusieurs pays partagent la même nappe non renouvelable. Chaque pays pompe l'eau dont il a besoin, et ne prend pas en compte la dynamique géologique de renouvellement de l'eau. Une nouvelle étude menée par des membres du Goddard Space Flight CenterGoddard Space Flight Center (GSFC) et du National Center for Atmospheric Research (NCAR) tire la sonnettesonnette d'alarme pour le bassin du Moyen-Orient. Cette dernière décennie, dans le bassin Tigre-Euphrate, des parties de la Turquie, de la Syrie, de l'Irak et de l'Iran ont perdu 144 km3 d'eau. C'est quasiment le volumevolume d'eau de la mer Morte.

    Variations de stockage de l'eau par rapport à la moyenne dans le bassin Tigre-Euphrate. Mesurées par le satellite Grace, les variations sont exprimées en millimètres. En rouge, les zones plus sèches que la normale, et en bleu les zones plus humides. © Nasa, UC Irvine, NCAR

    Variations de stockage de l'eau par rapport à la moyenne dans le bassin Tigre-Euphrate. Mesurées par le satellite Grace, les variations sont exprimées en millimètres. En rouge, les zones plus sèches que la normale, et en bleu les zones plus humides. © Nasa, UC Irvine, NCAR

    Les chercheurs estiment que le pompage de la nappe contribue à hauteur de 60 % de la perte d'eau. Leurs résultats, publiés le 15 février dans le journal Water Resources Research. Le taux de perte d'eau douce est tel que le Moyen-Orient se place en deuxième position dans les régions du monde dont le bilan hydrologique est le plus alarmant. L'Inde reste le pays qui a le plus amoindri ses réservoirs d'eau douce. Cette étude est la première à fournir un bilan sur les stocks d'eau de toute la région du bassin Tigre-Euphrate.

    Les nappes du Moyen-Orient davantage pompées depuis 2007

    En 2007, une importante sécheressesécheresse a particulièrement endommagé les réserves d'eau en surface. Lacs, rivières et réservoirs se sont évaporés, et le sol s'est asséché. Depuis, le taux de perte dans le stockage d'eau douce s'est accru. En outre, la demande en eau douce augmente sans cesse.

    D'après l'étude, les pertes d'eau résultent pour 20 % du dessèchement du sol et de la fontefonte du manteaumanteau neigeux après 2007. L'évaporation des eaux de surface et des réservoirs a contribué pour 20 %. Mais la majorité des pertes est liée au pompage des nappes. Il s'agit tout de même de 90 km3 d'eau.

    « C'est l'équivalent des besoins en eau de dizaines de millions, voire d'une centaine de millions de personnes dans la région chaque année », explique Jay Famiglietti, le principal auteur de l'étude. La sécheresse a réduit l'approvisionnement en eau de surface disponible. Tout le monde s'est donc tourné vers la disponibilité des eaux souterraines. Par exemple, le gouvernement irakien a foré environ 1.000 puits en réponse à la sécheresse de 2007.

    Le satellite Grace au service des hydrologues

    Les pertes d'eau ont été estimées avec les données de la mission Grace. La diminution de teneur en eau modifie localement la massemasse de la Terre. Il y a donc des variations locales d'attraction gravitationnelle. Grace mesure ces variations et fournit une véritable carte hydrologique du bassin. Ces données satellite sont particulièrement convoitées. Les mesures in situ sont difficiles à réaliser, et les pays voisins ne partagent pas nécessairement leurs données.

    Si le Moyen-Orient n'est déjà pas à l'origine une zone riche en eau, la situation empire. Toutes les zones arides du monde ont besoin de gérer les ressources en eau disponibles d'une meilleure façon. Matt Rodell, membre du GSFC, l'exprime très justement. « Les eaux souterraines sont comme votre compte d'épargne. Vous pouvez pomper dedans quand vous en avez besoin, mais si vous ne l'alimentez pas, il s'épuisera. »