Au Trias, au tout début de l'ère des dinosaures, une rapide augmentation du taux de l'oxygène dans l'atmosphère de la Terre semble accompagner l'apparition des premiers dinosaures en Amérique du Nord. S'agit-il d'une coïncidence ou faut-il y voir un lien de cause à effet ?


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    Les dinosaures sont une source intarissable de fascination. On ignore encore bien des choses sur ces terribles lézards car nous sommes loin d'avoir compulsé toutes les archives de la Terre à leur sujet, tant il doit rester de fossiles à déterrer dans les couches sédimentaires, qu'elles soient aux États-Unis, en Chine, au Maroc ou même en Antarctique.

    Notre connaissance à leur sujet a tout de même bien progressé depuis presque 180 ans, lorsque Richard Owen les a identifiés et distingués des autres reptiles (nous ne les voyons plus vraiment comme tels d'ailleurs de nos jours). Pour les décrire, il a forgé le terme de « dinosaure » vers 1842.

    Nous savons ainsi que les premiers d’entre eux sont apparus au tout début du TriasTrias, quelques millions ou dizaines de millions d'années tout au plus après la fameuse extinction Permien-Trias, il y a environ 251 millions d'années, qui a fait disparaître de 80 à 96 % des espècesespèces marines et 70 % des familles de vertébrésvertébrés terrestres.

    Ce que nous savons avec précision à ce sujet, c'est que les plus anciens fossiles de dinosaures retrouvés à ce jour appartiennent à des carnivorescarnivores découverts dans la formation d'Ischigualasto en Argentine. Leurs noms sont célèbres puisqu'il s'agit de Eoraptor et Herrerasaurus et que les individus retrouvés vivaient il y a entre 225 à 230 millions d'années environ.

    Nous avons encore découvert que les dinosaures se sont diversifiés rapidement en produisant ce que les paléontologuespaléontologues et les biologistes appellent une radiation évolutiveradiation évolutive, peu après une autre extinction, celle du Trias-JurassiqueJurassique il y a environ 200 millions d'années, à peu près au moment où le supercontinent de la PangéePangée a commencé à se fracturer, débutant la dérive des continents d’Alfred Wegener.

    Une copie du squelette de <em>Herrerasaurus ischigualastensis</em>, un des plus vieux représentants des dinosaures. © Eva K, Wikipedia, CC by-sa 3.0
    Une copie du squelette de Herrerasaurus ischigualastensis, un des plus vieux représentants des dinosaures. © Eva K, Wikipedia, CC by-sa 3.0

    Les premiers dinosaures en Amérique du Nord

    Mais il reste beaucoup d'inconnues concernant les dinosaures entre 250 et 200 millions d'années. On aimerait vraiment savoir et comprendre comment et pourquoi ce super-ordre extrêmement diversifié de vertébrés diapsides s'est développé à ce moment-là, acquérant des caractéristiques qui vont leur assurer un succès évolutif considérable au MésozoïqueMésozoïque pendant près de 170 millions d'années.

    Un groupe de géochimistes et de géologuesgéologues vient d'apporter une nouvelle pierre à l'édifice des connaissances destinées à répondre à ces questions. Comme le géochimiste Morgan Schaller (Rensselaer Polytechnic Institute, New York) l'a expliqué récemment lors de la fameuse conférence annuelleannuelle portant le nom de Victor Goldschmidt, l'un des pionniers de la géochimie, il se serait passé quelque chose sur Terre il y a 215 millions d'années.

    Avec ses collègues, le chercheur a en effet réussi à développer une nouvelle technique permettant d'extraire certains gazgaz piégés dans d'anciens minérauxminéraux carbonatés. On peut alors faire l'analyse isotopique des échantillons prélevés par spectrométrie de massespectrométrie de masse.

    Les minéraux du Trias soumis à cette analyse proviennent de roches datées elles aussi par spectrométrie de masse en se basant sur une chaîne radioactive de l'uraniumuranium. Afin d'aboutir à des conclusions globales en ce qui concerne ce qui s'est passé il y a donc 215 millions d'années, les géologues ont prélevé ces roches dans le plateau du Colorado et dans le bassin sédimentairebassin sédimentaire Newark au nord du New Jersey. Les lieux de prélèvement étaient distants de plus de 1.000 kilomètres au moment où la Pangée existait encore et se préparait à se fragmenter.

    Les chercheurs ont alors découvert qu'en quelques millions d'années seulement, le taux d'oxygène atmosphérique aurait augmenté de presque 30 % dans ces régions qui se situaient vers l'équateuréquateur, passant de 15 à 19 % (il est actuellement de 21 %).

    Or, très curieusement, c'est aussi à ce moment-là que l'on voit apparaître dans ce qui sera la future Amérique du Nord, et d'abord aux TropiquesTropiques, ces premiers dinosaures. Il s'agissait de membres d'un genre éteint rattaché à la famille des Herrerasauridae : Chindesaurus. Les premiers restes d'un représentant de ces dinosaures théropodesthéropodes ont été découverts à Chinde Point dans le Parc national de Petrified Forest en Arizona. On estime qu'ils étaient longs d'environ deux mètres et hauts d'environ un mètre.

    Il semble donc y avoir une corrélation entre une partie de l'essor des dinosaures et la brusque augmentation de l'oxygène dans l'atmosphèreatmosphère (on ne connaît pas la cause de cette augmentation). Mais on ne peut en déduire que la relation soit une causation. Cela mérite donc réflexion et des travaux supplémentaires.

    Une reconstitution de <em>Chindesaurus</em>. © Jeffrey Martz, <em>National Park Service</em>
    Une reconstitution de Chindesaurus. © Jeffrey Martz, National Park Service