Désormais, un réacteur nucléaire peut être complété par une maquette et un « jumeau », tous deux numériques. La réalité virtuelle et augmentée, ainsi que l’intelligence artificielle et le big data, ont fait leur entrée dans l’industrie nucléaire. Explications.

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    Depuis l'an dernier, EDF a entamé la conception de jumeaux. Dans le cadre du « Grand carénagecarénage » (vaste chantier étalé de 2014 à 2025 pour prolonger la duréedurée de vie des 58 réacteurs nucléaires dans le cadre des normes de sûreté « post-Fukushima »), l'électricien a en effet lancé un programme de numérisationnumérisation. Validé l'an dernier après quatre années de R&D, il conduira, entre autres, à réaliser des jumeaux numériquesnumériques utilisables sur l'ensemble du parc nucléaire français en 2020.

    Le premier du genre concerne le réacteur de 1.300 MW de Saint-Alban-du-Rhône (Isère). Comme dans d'autres domaines industriels, un « jumeau numériquejumeau numérique » est un ensemble d'algorithmes réalisant une simulation fonctionnelle d'une installation. Il faut donc reproduire par le calcul les processus physiquesphysiques qui sont à l'œuvre. Une fois ce travail réalisé, cette version virtuelle peut être utilisée de différentes manières. Notamment pour la formation et pour l'entraînement. Comme dans un simulateur de vol, une équipe de pilotage sera exposée à des dysfonctionnements multiples et variés, et ses actions auront les conséquences correspondant à celles de la réalité.


    Pour les installations nucléaires, les jumeaux numériques sont constitués d’un ensemble d’outils d’analyse de données et de calcul servant à simuler le fonctionnement d’un sous-système, voire de toute l’installation. Ils permettent également d’anticiper le vieillissement de la centrale, notamment de l’enceinte en béton. © EDF, YouTube

    Simuler une centrale nucléaire

    Pour une centrale nucléaire, un jumeau aide à la maintenance et à la préparation des travaux à effectuer lors d'une interruption du fonctionnement. La simulation réalisée par EDF concerne d'abord le générateurgénérateur de vapeur, pour les opérations d'entretien, et l'enceinte en bétonbéton du réacteur, pour en anticiper le vieillissement. Mais ce n'est pas simple. Les formules mathématiques décrivant les phénomènes physiques ne suffisent pas pour reproduire convenablement des installations aussi complexes. Il faut aussi exploiter les retours d'expérience.

    Le modèle a donc été nourri avec les données recueillies sur l'ensemble du parc nucléaire français. « C'est la datascience, résume Nathalie Rupa, de la R&D d'EDF, spécialiste de la numérisation. Les 58 centrales génèrent un grand nombre de données, ce qui est une particularité du nucléaire. Avec une autre : ces données sont très variables. »

    Créer un jumeau numérique permet à tous les acteurs impliqués dans la gestion de la centrale, services techniques, fournisseurs, sous-traitants..., de travailler sur le même grand ensemble de données. Il sert aussi au pilotage pour optimiser la production. En simulant l'installation en temps réel, il est possible, par exemple, de mieux localiser l'origine d'une fluctuation d'un paramètre et d'y remédier plus rapidement. Numériser permet aussi de faciliter l'introduction de nouveaux outils, comme les tablettes tactilestablettes tactiles.

    À ces jumeaux numériques viendront s'ajouter des maquettes en 3D. Réalisées à l'aide de scans au laserlaser et de photographiesphotographies, elles permettront à toutes les équipes impliquées lors d'une interruption de préparer leurs interventions, souvent effectuées dans des endroits difficiles d'accès, voire interdits, durant le fonctionnement. Cette numérisation pose bien sûr une question de sécurité. Un pirate informatique pourrait-il prendre le contrôle d'une centrale ou d'un de ses systèmes ? Non, affirme EDF, car ces outils de pilotage sont totalement, et physiquement, séparés de l'informatique de gestion.

    En cours à Saint-Alban, la conception de jumeaux numériques sera poursuivie pour les deux autres familles (ou « sous-paliers ») de réacteurs français, de 900 et 1.450 MW. Comme Saint-Alban pour celle des 1.300 MW, une centrale servira de modèle pour créer ces doublures numériques. Il n'est pas encore décidé si chaque centrale sera ainsi numérisée ou bien si trois jumeaux serviront de référence aux trois familles. Le coût de chaque cloneclone est d'environ un million d'euros, qui s'inscrit dans les 48 milliards d'euros estimés pour l'ensemble du Grand carénage.