Une récente étude montre l'implication de l'industrie chimique et plus particulièrement d'une usine Sanofi-Aventis dans la pollution des cours d'eau et l'impact sur la biodiversité. L'étude met en évidence l'augmentation de malformations sexuelles chez les goujons.

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    Des goujons subissent des malformations sexuelles à cause des déchets de l'industrie pharmaceutique rejetés dans les rivières. © DR

    Des goujons subissent des malformations sexuelles à cause des déchets de l'industrie pharmaceutique rejetés dans les rivières. © DR

    Voilà une étude qui va accentuer la discorde entre les associations écologiques et l'industrie pharmaceutique. Après l'Inde et les États-Unis, c'est au tour de la France de mettre en évidence la pollution des cours d’eau à cause des déchets de l’industrie pharmaceutique et de mesurer leur impact sur la biodiversité qui y habite.

    L'étude, réalisée par une équipe de chercheurs français de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) et de l'université de Reims Champagne-Ardenne, a porté sur des goujons (Gobio gobio), poissons de la famille des Cyprinidés (voir photo ci-dessous), vivant dans la Dore. Cette rivière est un affluent de l'Allier. Elle prend sa source dans le Massif central et la plus grande partie de son bassin se situe dans le Puy-de-Dôme.

    L'usine chimique de Sanofi-Aventis en cause

    Ce département accueille aussi le petit village de Vertolaye qui héberge environ 600 âmes mais également, et depuis 1940, une usine du groupe Sanofi-Aventis. Cette usine est située à quelques mètres d'un cours d’eau qui se jette un peu plus loin dans la Dore. C'est en son sein que les agents actifs de médicaments sont produits, générant la manipulation, la transformation et le rejet de nombreux composés chimiques.

    Les goujons, victimes de l'industrie pharmaceutique. © Gilles San Martin, Flickr, cc by sa 2.0

    Les goujons, victimes de l'industrie pharmaceutique. © Gilles San Martin, Flickr, cc by sa 2.0

    Les scientifiques, afin de mettre en évidence les rejets de déchets toxiques et leur nocivité, ont mis au point une expérience relativement simple. Ils ont observé les goujons de la Dore en amont de l'usine Aventis, et les ont comparés avec les goujons situés en aval. Les résultats, parus récemment dans le journal Environment International sont clairs comme de l'eau non polluée : il y a bien une différence significative du nombre d'anomaliesanomalies sexuelles entre les poissons en aval et ceux en amont et, bien sûr, on observe davantage d'anomalies en aval.

    Soixante pour cent des goujons à ambiguïté sexuelle

    En moyenne, environ 60 % des poissons vivant en aval de l'usine présentaient à la fois des caractères sexuels mâles et femelles, contre 5  % en amont (voir graphique ci-dessous) : on appelle ces symptômessymptômes une ambiguïté sexuelle.

    On note une très grosse augmentation du nombre d'individus à ambiguïté sexuelle lors des analyses faites en aval de l'usine pharmaceutique. © Sanchez <em>et al.</em>, 2011/Adaptation Futura-Sciences

    On note une très grosse augmentation du nombre d'individus à ambiguïté sexuelle lors des analyses faites en aval de l'usine pharmaceutique. © Sanchez et al., 2011/Adaptation Futura-Sciences

    En cause donc, les produits chimiques rejetés par cette usine. Trois produits sont montrés du doigt : la dexaméthasone, une hormonehormone glucocorticoïde de synthèse très puissante ayant des effets anti-inflammatoiresanti-inflammatoires et immunosuppresseurs. Parmi ses effets non désirables, on compte des troubles métaboliques, endocriniensendocriniens ou encore digestifs. La spironolactone et la canrenone sont deux diurétiquesdiurétiques également mis en cause. Ces trois substances ont été retrouvées à des concentrations de 10 mg/l.

    Au-delà de la nocivité directe de ces produits responsables de malformations sexuelles, c'est l'ensemble des populations de goujons qui est concerné et probablement l'intégralité de l'écosystème aquatique qui en pâtit, n'en déplaise aux responsables de Sanofi-Aventis qui estiment qu'en l'absence de données sur d'autres espèces aquatiques, il est difficile de statuer sur l'envergure du problème.