Les plantes et les champignons mycorhiziens coopèrent selon le principe de la symbiose. Ils s'échangent des ressources auxquelles ils ne peuvent normalement pas accéder. Mais ces échanges sont-ils équitables et s'ils ne le sont pas, comment réagit l'espèce flouée ? Une équipe de chercheurs a montré que les tricheurs ne sont pas récompensés.
Depuis la nuit des temps, les plantes - au niveau de leurs racines - et les champignons mycorhiziens vivent selon le principe du troc. Ils sont en symbiose et s'échangent des éléments nutritifs indispensables à leurs croissances respectives. Tandis que la plante propose des sucres aux champignons, ceux-ci mettent à disposition des nutriments (phosphore, azote...), que la plante utilise pour croître (voir schéma ci-dessous).
Dans ce marché biologique, les acheteurs et vendeurs n'ont pas forcément d'exclusivité et ainsi, un champignon peut fournir plusieurs espèces de plantes et les racines peuvent échanger leurs ressources avec plusieurs champignons.
Les tricheurs ne sont pas récompensés
Ce système favorise donc les tricheurs. Puisqu'une plante n'est pas cantonnée à un unique symbiote, un champignon aurait pu évoluer de façon à prendre les ressources qui lui sont proposées sans payer en offrant à son tour du phosphore, économisant ainsi l'énergie normalement dépensée pour l'échange. Mais comme les plantes ont à leur disposition plusieurs espèces avec lesquelles elles peuvent entrer en symbiose, peut-être sont-elles capables de choisir les symbiotes qui ne trichent pas.
C'est à ces mécanismes qu'une équipe scientifique internationale s'est intéressée. Pour cela, ils ont analysé la symbiose d’une plante (Medicago truncatula) avec trois champignons différents (Glomus intraradices, G. custos, et G. aggregatum). Parmi eux, l'un est coopératif (G. intraradices) tandis que les deux autres ont un faible niveau de coopération. Les résultats de ces expériences, révélés dans la revue Science, attestent que les plantes sont en mesure de lutter contre la malhonnêteté des champignons roublards.
La coopération récompensée dans les deux sens
C'est en suivant le trajet des atomes de carbone présents dans l'atmosphère (l'atmosphère expérimentale était composée d'un isotope de carbone pour pouvoir traquer les atomes) que les chercheurs ont ainsi pu voir la quantité de carbone offerte aux champignons en fonction de leur niveau de coopération. Cette technique a permis de mettre en évidence que quand les plantes sont en symbiose avec deux ou trois champignons, ceux qui ont un niveau de coopération plus élevé (donc qui fournissent davantage de nutriments à la plante) récupèrent plus de carbone de la plante (voir graphique ci-dessous).
De manière réciproque, les champignons - quel que soit leur niveau de coopération - ont tendance à fournir plus de phosphore aux plantes qui ont un meilleur accès aux glucides et qui vont donc leur en transmettre davantage. Cependant, les moins coopératifs transmettent ce phosphore sous une forme inutilisable pour la plante. Ce procédé permet de réduire les ressources en phosphore accessibles pour les congénères (avec qui ils sont en compétition) et pour la plante, la maintenant ainsi dans une sorte d'état de dépendance.
Un marché biologique stable
Cette dernière expérience montre en outre que les champignons peu coopératifs ont la capacité de fournir le phosphore dans des quantités semblables à celles fournies par les autres, mais qu'ils ne le font pas. Il s'agit donc bien d'une tromperie.
C'est la première fois qu'un tel système de marché biologique est mis en évidence, suscitant la comparaison avec les marchés économiques humains. La plante, qui a le choix entre plusieurs symbiotes, s'orientera davantage vers ceux qui sont coopératifs et les récompensera en leur apportant des quantités de carbone importantes.
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