« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, partons à la rencontre d’un animal qui cache bien son jeu : la tortue.
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Vous connaissez l'histoire de Diego ? Diego, c'est une tortue géante. Une tortue géante des Galapagos, pour être exact. Un mâle, comme son nom l'indique. Il a été baptisé au zoo de San Diego (États-Unis). Et ce qu'il a de particulier, c'est qu'il se raconte qu'à lui seul, il a sauvé son espèce -- la tortue d'Espanola -- de l'extinction. Grâce à une libidolibido un peu folle !
À l'époque où les scientifiques se tournent vers lui, à la fin des années 1970, Diego a déjà un peu moins de cent ans. Mais qu'à cela ne tienne, car les tortues géantes, qu'elles viennent des Seychelles -- un archipel de l'océan Indien rattaché à l'Afrique -- ou des Galapagos -- un archipel de l'océan Pacifique --, sont de véritables championnes de la longévité. En captivité, elles sont plusieurs à avoir dépassé les 150 ans.
Dans un zoo de Calcutta (Inde), une certaine Adwaita aurait même atteint l'âge canonique de 255 ans ! Désormais, c'est une autre tortue géante des Seychelles qui est considérée comme le plus vieil animal vivant au monde. Jonathan aurait environ 190 ans. Et il vit une retraite dorée dans les jardins de la résidence du gouverneur de Sainte-Hélène.
Mais, revenons à Diego. En 1976, son espèce était en grand danger. Il n'en subsistait que quatorze individus. Heureusement, Diego est arrivé. Sans se presser. En quelque 40 ans, il a fait pas moins de... 900 bébés ! Contribuant ainsi largement à ramener les tortues d'Espanola sur la voie de la sérénité. L'espèce compte aujourd'hui à nouveau environ 2.000 membres.
Malgré ce genre de folles histoires, force est de reconnaître que, de prime abord, les tortues ne semblent pas des plus intéressantes. Elles ont la réputation de se déplacer lentement -- même si c'est sûrement -- à une moyenne de 250 mètres à l'heure pour les tortues terrestres. L'amalgameamalgame est souvent fait entre cette lenteur de déplacement et... une supposée lenteur d'esprit. Une idée reçue qui colle à la peau des tortues depuis leur découverte. Alors qu'elles se laissaient simplement attrapées et placées sur le dosdos par des baleiniers ou des pirates qui voyaient en elles des réserves de viande fraîche car la tortue géante peut ainsi survivre un bon moment, sans même boire ni manger, mais elle est incapable de s'enfuir.
Pourtant, les chercheurs, eux, voient dans les tortues géantes, des animaux bien plus intelligents qu'il n'y parait. DarwinDarwin, déjà, avait noté que les tortues géantes des Galapagos ont l'habitude de parcourir de longues distances pour trouver à manger ou à boire, pour dormir ou pour se baigner. De quoi leur imaginer une bonne mémoire. Ne serait-ce que pour retrouver leur chemin.
Une mémoire renforcée par des interactions sociales
Il aura fallu attendre un petit moment avant que les scientifiques ne le confirment avec la collaboration de tortues retenues captives dans des zoos. Les chercheurs sont d'abord parvenus à apprendre à ces tortues à mordre une boule colorée fixée au bout d'un bâton. À la clé, une récompense sous forme de friandise. Et apprendre ce type de tâche simple, c'était déjà un premier signe d’intelligence.
Mais les chercheurs ont voulu voir s'ils pouvaient aller plus loin. Ils ont appris aux tortues à se diriger vers la balle à mordre alors qu'elle se trouvait à un ou deux mètres de distance. Enfin, dernière étape, la plus complexe : ils ont entraîné les tortues à mordre chacune une balle de couleurcouleur différente. Les tortues géantes ont relevé le défi.
Trois mois plus tard, d'accord, les tortues avaient oublié la couleur de la balle qui leur avait été assignée. Mais elles se souvenaient tout de même de ce que les scientifiques attendaient d'elles. Mordre dans les balles. Trois mois plus tard ? C'est déjà une belle preuve de la mémoire des tortues. Pourtant, la plus belle est arrivée lorsque les scientifiques ont refait le test... neuf ans après. Les tortues n'avaient pas oublié.
L'autre surprise de l'expérience a été que les tortues auxquelles l'enseignement avait été dispensé en groupe se sont montrées capables d'apprendre plus rapidement que les autres. Une preuve d'interaction sociale étonnante pour des animaux qui ne sont pas réputés pour être particulièrement sociaux. De quoi montrer que nous avons encore beaucoup à apprendre des capacités cognitives des reptiles. Et que, même si ces résultats restent encore à confirmer sur un plus grand nombre d'individus, les tortues géantes, malgré leur allure débonnaire, semblent ne pas être si bêtes !