Depuis plusieurs années maintenant, le projet Breakthrough Listen est à l’écoute de signaux extraterrestres. À ce jour, aucune technosignature n’a été identifiée. Mais peut-être s’en cache-t-il dans la masse colossale de données livrées récemment au public. Prêts à chercher une aiguille dans une botte de foin ?


au sommaire


    Breakthrough Listen, c'est un projet destiné à traquer les signaux extraterrestres. En juin 2019, l'équipe du projet dressait le bilan de ses trois premières années de chasse aux technosignatures. Des milliers d'heures d'observations sur des milliards de canaux de fréquence. Mais rien. Pas une seule trace d'un signal artificiel provenant des étoiles. Pas de quoi non plus décourager les chercheurs. Ils l'avaient déjà fait en juin dernier. Ils viennent de rendre publique une nouvelle batterie de données. Près de deux pétaoctets d'émissions radio, cette fois, en provenance du plan galactique et de la région centrale de notre Voie lactée.

    Des données brutes, pour la plupart. Dans un spectre de fréquences comprises entre 1 et 12 gigahertz. Livrées avant même d'être passées au crible des astronomesastronomes professionnels. « Nous espérons que ces données révèleront quelque chose de nouveau et d'intéressant, que ce soit une autre vie intelligente dans l’Univers ou un phénomène astronomique naturel encore inconnu », commente Matt Lebofsky, administrateur, dans un communiqué de l’université de Berkeley (États-Unis).

    Le saviez-vous ?

    L’Institut Seti et l’observatoire national de radioastronomie (NRAO) ont également annoncé leur volonté d’ajouter des capacités spécifiques à la recherche de signaux extraterrestres aux radiotélescopes exploités par le NRAO. Et en premier lieu du côté du Très grand réseau Karl-G.-Jansky (VLA - États-Unis). Une interface destinée à offrir un accès sans précédent au flux de données produit en continu par le télescope pendant qu’il balaie le ciel.

    Et ce n'est pas un hasard si elles se concentrent sur le centre de la Voie lactée. Les astronomes sont unanimes à ce sujet. C'est dans une région dense en étoiles que la probabilité de détecter un technosignal est la plus élevée. Au-delà de cela, « si une civilisation avancée voulait placer une balise quelque part, le centre galactiquecentre galactique serait un bon endroit pour le faire, précise Andrew Siemion, dans le même communiqué. Il est extraordinairement énergique, donc on pourrait imaginer que si une civilisation avancée voulait exploiter beaucoup d'énergieénergie, elle pourrait en quelque sorte utiliser le trou noir supermassif qui se trouve au centre de la Voie lactée ».

    Grâce à un système baptisé Cosmic Seti (<em>Commensal Open-Source Multimode Interferometer Cluster Search for Extraterrestrial Intelligence</em>), les chercheurs pourront bientôt exploiter le  VLA, Très grand réseau Karl-G.-Jansky (VLA - États-Unis) à la recherche de technosignatures 24 heures sur 24 et 7jours sur 7. © Alex Savello, NRAO
    Grâce à un système baptisé Cosmic Seti (Commensal Open-Source Multimode Interferometer Cluster Search for Extraterrestrial Intelligence), les chercheurs pourront bientôt exploiter le  VLA, Très grand réseau Karl-G.-Jansky (VLA - États-Unis) à la recherche de technosignatures 24 heures sur 24 et 7jours sur 7. © Alex Savello, NRAO

    Une part infime de l’espace explorée

    En parallèle, l'équipe de Breakthrough Listen a partagé son analyse d'un petit sous-ensemble de données. Les chercheurs se sont en effet penchés sur vingt étoiles proches de notre Système solaireSystème solaire et alignées avec le plan de l'orbiteorbite de la Terre de sorte qu'une civilisation avancée pourrait repérer le passage de notre Planète devant le SoleilSoleil. Par la méthode du transit, comme nous le faisons pour détecter des exoplanètesexoplanètes.

    Il a ensuite fallu nettoyer les données de toutes les interférencesinterférences humaines comme les ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques émises par la téléphonie mobilemobile, par les satellites ou encore par les systèmes GPSGPS. Les chercheurs ont ainsi réduit environ un million de pics radio à quelques centaines seulement. De quoi assurer aux données exploitées une sensibilité telle qu'elle aurait dû permettre de détecter un émetteur d'une puissance similaire aux plus puissants émetteurs terrestres. Mais toujours rien. « Cela nous permet de fixer de nouvelles limites à nos recherches », se consolent les chercheurs.

    Selon eux, l'espoir demeure car ce n'est qu'une infime part des endroits et des longueurs d'ondelongueurs d'onde qui a pour l'heure été analysée. « De toutes les observations déjà faites, nous n'en avons probablement exploité que 20 à 30 %. Notre objectif n'est pas seulement d'atteindre les 100 % mais de procéder sur ses données à des analyses itératives », conclut Andrew Siemion.

    Collaborez au Breakthrough Initiative en fouillant les deux pétaoctets de données mis à disposition par le Seti.

    Illustration. Les chercheurs du programme <em>Breakthrough Listen</em> sont à la recherche de signaux susceptibles d’être émis par des civilisations extraterrestres qui nous rechercheraient eux aussi. © UC Berkeley, Breakthrough Listen
    Illustration. Les chercheurs du programme Breakthrough Listen sont à la recherche de signaux susceptibles d’être émis par des civilisations extraterrestres qui nous rechercheraient eux aussi. © UC Berkeley, Breakthrough Listen

    Seti : c'est toujours le silence radio avec les civilisations extraterrestres

    Les membres du programme Seti, plus précisément du projet Breakthrough Listen, viennent de rendre publics les résultats de la plus grande et de la plus précise des campagnes de recherches de technosignatures extraterrestres. Les chercheurs sont revenus bredouilles mais nullement découragés car nous n'avons toujours fait que gratter la surface du monde des exoplanètes.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 24/06/2019

    Une vue d'artiste de Seti inspirée par le film E.T. © danielgay, Fotolia
    Une vue d'artiste de Seti inspirée par le film E.T. © danielgay, Fotolia

    Souvenez-vous, en septembre 1959, la revue Nature publiait un article visionnaire de Giuseppe Cocconi, qui joua un rôle important dans la mise en route du Proton Synchrotron du CernCern, et de Philip Morrison, qui avait participé au projet Manhattan. Son titre, Searching for Interstellar Communications, allait devenir célèbre sous la forme d'un acronyme, c'est-à-dire Seti.

    Les deux physiciensphysiciens y tenaient le raisonnement suivant : si des civilisations extraterrestres avancées existent dans la GalaxieGalaxie, elles pourraient communiquer entre elles ou avec leurs colonies à l'aide d'ondes radio. En considérant les longueurs d'onde les plus propices à la transmission lointaine de signaux clairs, malgré le bruit de fond radio galactique, ils avaient conclu que la bande radio la plus adaptée était celle, étroite, entourant la longueur d'onde de 21 centimètres.

    De plus, cette bande correspond à une transition dite hyperfine dans l'atomeatome d'hydrogènehydrogène neutre, l'élément le plus abondant de l'UniversUnivers. C'était donc un bon moyen pour établir un standard de communication, naturellement adopté par toute civilisation développée.

    Un jeune radioastronome, Frank DrakeDrake, était alors parvenu à des conclusions similaires. En poste au radiotélescoperadiotélescope de Green Bank, il lança donc le 8 avril 1960 le projet Ozma, du nom d'une princesse du pays d'Oz. Pendant deux périodes de deux mois, Drake et ses collègues écoutèrent avec le radiotélescope de Green Bank deux étoiles semblables au Soleil et situées à moins de 15 années-lumièreannées-lumière, Tau Ceti et Epsilon Eridani.


    L'observatoire de Green Bank est le plus grand radiotélescope orientable du monde. Il est impliqué depuis longtemps dans le programme Seti. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © BerkeleySETI

    Le résultat fut négatif. Soixante ans après Drake, toujours vivant, le programme Seti est toujours d'actualité. Il a reçu en 2015 une impulsion importante via le projet Breakthrough Initiative du milliardaire Yuri Milner. Soutenu à l'époque par Stephen HawkingStephen Hawking ainsi que Kip Thorne, le prix Nobel de physiquephysique et conseiller scientifique du film Interstellar, et Ann Druyan, la veuve de Carl SaganCarl Sagan, il visait à donner 100 millions de dollars en dix ans au programme Seti.

    Plus de 1.000 étoiles écoutées sur des milliards de fréquences

    Le projet Breakthrough Initiative se décline en fait en deux parties. La première et la plus importante - le Breakthrough Listen - consiste à tenter de détecter des émissions de civilisations E.T. dans le domaine radio mais aussi sous forme d'impulsions laserlaser ; la seconde - le Breakthrough Message - lance une compétition dotée d'un prix d'un million de dollars. Elle est ouverte à tous et consiste à proposer un message à destination d'une des éventuelles civilisations E.T. que le projet pourrait révéler. Elle s'inscrit donc dans la droite ligne du Golden Record mais aussi du fameux message d'Arecibo, concocté et envoyé par Franck Drake et Carl Sagan, à l'aide du grand radiotélescope d'Areciboradiotélescope d'Arecibo, le 16 novembre 1974.

    Aujourd'hui, les membres de Breakthrough Listen font un premier bilan de trois années de chasse à des technosignatures E.T., de nouveau avec le radiotélescope de Green Bank aux États-Unis mais aussi celui de Parkes en Australie. L'Automated Planet Finder Telescope (APF), un télescopetélescope optique entièrement robotisé de 2,4 mètres à l'observatoire Lick (Californie) déjà utilisé pour la recherche d'exoplanètes est également entré dans la danse. Deux articles sur arXiv en rendent compte. Il s'agit de la plus importante recherche faite par le programme Seti au cours de son histoire. Les données collectées, qui ont déjà fait l'objet d'analyses des chercheurs, sont aussi rendues publiques et peuvent être utilisées par toute personne qui aurait de nouvelles idées pour explorer leur contenu, par exemple via l'apprentissage profondapprentissage profond à l'aide d'une IAIA.

    Au total, ce sont 1.327 étoiles proches dans une sphère dont le rayon est d'environ 160 années-lumière autour du Système solaire qui ont été écoutées et observées. Le volumevolume de données collectées est équivalent à un pétaoctet, soit d'environ 1.600 années d'écoute en continu à partir de votre service de musique en ligne préféré.

    Pour Danny Price, l'un des radioastronomes à la tête de ce projet : « Cette publication de données représente une étape importante pour l'équipe de Breakthrough Listen. Nous avons analysé des milliers d'heures d'observations d'étoiles proches, sur des milliards de canaux de fréquence. Nous n'avons trouvé aucune preuve de signaux artificiels extraterrestres, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a pas de vie intelligente là-bas : nous n'avons peut-être pas encore regardé au bon endroit, ni regardé assez soigneusement. »

    La quête d'un des graals de l'exobiologieexobiologie va donc se poursuivre, notamment avec le programme MeerKAT en Afrique du Sud qui devrait concerner cette fois-ci un million d'étoiles.


    Une présentation du programme MeerKAT. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © BerkeleySETI

    Seti : a-t-on détecté 234 civilisations extraterrestres ?

    Article de Laurent Sacco publié le 19/10/2016

    Est-il crédible que 234 civilisations E.T. aient décidé de se signaler presque toutes en même temps en direction de la Terre à l'aide d'impulsions laser ? C'est la question que l'on peut se poser suite aux étonnants signaux trouvés par deux physiciens et astronomes. Des membres du programme Seti se préparent à les étudier.

    Dans une sphère d'environ 1.000 années-lumière de rayon centrée sur le Soleil, on trouve environ un million d'étoiles qui lui sont comparables. Or, nous savons maintenant que les exoplanètes potentiellement habitables sont très répandues dans la Voie lactée. Il semble donc difficile d'échapper à la conclusion que la vie doit être très répandue également. Mais en ce qui concerne l'apparition de l'intelligenceintelligence, et plus encore d'une civilisation technologiquement avancée, c'est encore le flou total et l'on ne peut que se perdre en spéculations. À ce niveau-là, rien n'a vraiment changé depuis que l'équation de Drake a été proposée pour évaluer le nombre des civilisations de ce genre avec lesquelles nous pourrions communiquer par radio.

    Toutefois, il est possible que des civilisations E.T. ne cherchent pas vraiment à se signaler ou à communiquer en utilisant des ondes radio mais plutôt des impulsions laser dans le domaine visible ou peu s'en faut. L'hypothèse est ancienne puisqu'elle a été formulée par Schwartz et Townes en 1961, soit un an après l'invention du laser par Townes et deux ans après que Cocconi et Morrison aient proposé le concept de base du programme Seti. Elle a reçu un regain d'intérêt ces dernières années dans le cadre de ce qui est fort logiquement appelé Optical Seti.

    Carl Sagan était un grand astrobiologiste et un excellent vulgarisateur scientifique. C'était aussi un planétologue ayant participé à l'exploration de Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. © Nasa
    Carl Sagan était un grand astrobiologiste et un excellent vulgarisateur scientifique. C'était aussi un planétologue ayant participé à l'exploration de Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. © Nasa

    Et visiblement inspirés par ces idées, deux physiciens de l'université de Laval au Québec ont surfé sur la vaguevague créée par le projet Breakthrough Initiative lequel comporte deux parties. La première, la plus importante, étant Breakthrough Listen. Elle consiste à tenter de détecter des émissions de civilisations E.T. dans le domaine radio mais aussi sous forme d'impulsions laser. Il a notamment été mis en pratique, sans succès, avec l'énigmatique étoile de Tabby.

    234 civilisations E.T. développées ou un biais instrumental ?

    Pas découragés pour autant, Ermanno Borra et Eric Trottier ont donc, comme ils l'expliquent dans un article déposé sur arXiv, compulsé des données collectées par le fameux Sloan DigitalDigital Sky Survey concernant 2,5 millions d'étoiles. Ils ont cherché dans les spectres d'étoiles de types solaires des caractéristiques qui trahiraient des impulsions laser destinées à la communication interstellaire. Avec des lasers déjà disponibles comme Helios du Lawrence Livermore National Laboratory, il a été montré que nous pourrions nous-même nous signaler facilement dans une sphère de 1.000 années-lumière de rayon. Une civilisation E.T. encore plus avancée ne devrait donc pas avoir de problèmes, ni technologiques, ni du point de vue de l'énergie pour faire de même sur des distances supérieures.

    Borra et Trottier ont finalement trouvé des signaux étonnants venant de 234 étoiles. Ils pensent avoir écarté plusieurs biais possibles qui pourraient expliquer naturellement ces signaux. Leurs collègues du Breakthrough Listen, quant à eux, ne sont pas du tout convaincus, comme ils l'expliquent dans un communiqué. Pour eux, il s'agit très probablement d'erreurs instrumentales, mais comme ils veulent en avoir le cœur net, ils se préparent à observer ces étoiles avec un autre instrument, l'Automated Planet Finder Telescope de l'observatoire Lick, en Californie. S'il s'agit bien d'un problème propre aux instruments du SDSS, les signaux atypiques devraient disparaître dans cet autre télescope. Et même s'ils persistent, il se peut que cela soit un effet du processus du traitement du signal mal compris.

    Comme le disait le regretté Carl Sagan, des affirmations extraordinaires doivent être accompagnées de preuves extraordinaires pour être prises au sérieux. Nous n'en sommes pas encore là mais rien n'interdit de rêver.