Dans notre univers, les collisions entre galaxies ne sont pas rares. Notre Voie lactée a ainsi déjà rencontré plusieurs autres galaxies. L’une d’entre elles, la galaxie naine Gaia-Encelade, il y a au moins 11,5 milliards d’années. C’est ce que révèlent des chercheurs après avoir étudié une seule et unique étoile.


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    L'histoire de notre Voie lactée n'est pas un long fleuve tranquille. En quelque 13,5 milliards d'années, elle est déjà entrée en collision avec plusieurs autres galaxies. Et pour comprendre comment ce type de cataclysme affecte notre Voie lactée, il est important de dater les collisions avec le plus de précision possible. C'est ce que des chercheurs de l'université de Birmingham (Royaume-Uni) et du Max-Planck Institute (Allemagne) viennent de faire pour la rencontre entre notre Voie lactée et une galaxie naine baptisée Gaia-EnceladeEncelade.

    Dans une première étape et grâce à des données fournies par le télescope spatialtélescope spatial TessTess, ils ont pu déterminer précisément l'âge d'une étoile : nu Indi. Une étoile de la constellation de l'Indien. Cette étoile est visible à l’œil nu et peut ainsi facilement être étudiée dans le détail par les astronomesastronomes.

    Ensuite, les chercheurs ont analysé les données recueillies par plusieurs instruments comme le spectrographe High Accuracy Radial velocity Planet Searcher (Harps) ou le télescope spatial Gaia. Objectif : établir également la composition chimique de l'étoile ainsi que sa trajectoire au sein de la Voie lactée. Le tout, toujours avec la meilleure précision possible.

    Sur cette animation, les mouvements des trois étoiles : le Soleil en jaune, nu Indi en bleu et une étoile provenant de la galaxie naine Gaia-Encelade en rouge. Suite à son accrétion, cette dernière a une orbite très excentrique. Et alors que l’orbite de notre Soleil apparaît très classique, celle de nu Indi se montre altérée par la collision avec Gaia-Encelade. © University of Birmingham, YouTube

    D'une étoile à l'histoire de la Voie lactée

    Ils ont finalement conclu de tous ces travaux que nu Indi était à l'origine une étoile appartenant au halo de notre Voie lactée, sa région extérieure. Et que la collision avec Gaia-Encelade a affecté sa trajectoire. « Cette collision a eu un impact sur nu Indi. Elle ne peut donc pas avoir eu lieu avant la naissance de l'étoile », explique Bill Chaplin, astronome à l'université de Birmingham.

    Les ondes stellaires révèlent la structure interne des étoiles

    L'âge de nu Indi a justement été déterminé grâce à l'observation de fluctuations naturelles de sa luminositéluminosité. Celles-ci trahissent les oscillations de l'étoile. « Or comme les ondes sismiquesondes sismiques nous renseignent sur la composition de l'intérieur de notre Terre, les oscillations stellaires révèlent la structure et la composition des étoiles. Et donc leur âge », précise Nathalie Themessl, astronome.

    « Nous avons déjà identifié de nombreuses étoiles venant de Gaia-Encelade. Notre collision avec cette galaxie a dû avoir un impact important sur l'évolution de notre Voie lactée. C'est pourquoi il était important de pouvoir dater cet évènement », indique Ted Mackereth, également chercheur à l'université de Birmingham. Selon les astronomes impliqués dans l'étude, la collision a donc eu lieu entre 13,2 et 11,6 milliards d'années.


    Voie lactée : Gaia confirme une collision géante il y a 10 milliards d'années

    Les données astrométriques de Gaia concernant les étoiles dans le disque et le halo de notre Galaxie permettent de préciser toujours davantage son histoire passée. Il se confirme qu'une collision géante survenue entre une galaxie naine et la proto Voie lactée s'est bien produite il y a environ 10 milliards d'années.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 27/07/2019

    Nous sommes des poussières d'étoiles aime à dire Hubert Reeves, mais les étoiles elles-mêmes naissent et évoluent dans le cadre de galaxies elles-mêmes en interaction avec les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs qu'elles contiennent. Si l'on veut déterminer en profondeur et avec précision notre arbrearbre généalogique cosmique, il faut donc se pencher sur celui des galaxies et en particulier la nôtre, à savoir la Voie lactée.

    Les théories soutenues et nourries de plus en plus solidement par les observations et les simulations numériquessimulations numériques depuis la fin du XXe siècle nous disent que les galaxies sont d'abord nées naines, il y a plus de 13 milliards d'années et qu'elles sont ensuite entrées en interactions gravitationnelles plus ou moins violentes. Des fusionsfusions se sont produites, accompagnées ensuite par celles des trous noirs géants qu'elles contenaient, de sorte que des processus d'accrétionaccrétion similaires à ceux ayant fait naître les planètes principales du Système solaireSystème solaire, à partir d'une population de planétésimaux, ont aussi fait naître de grandes galaxies comme la Voie lactée et Andromède à l'occasion de collisions géantes.

    Des archéologues galactiques

    Les cosmogonistes et astrophysiciensastrophysiciens ont donc entrepris de se transformer en archéologues galactiques pour, en quelque sorte, fouiller dans les stratesstrates et les dépôts laissés par ces évènements, « explosifs », si l'on peut dire par abus de langage. C'est pour cette raison que l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) a lancé le 19 décembre 2013, le satellite Gaia dont les mesures en astrométrie sont d'une précision inégalée et concernent les positions, distances, mouvementsmouvements et propriétés physiquesphysiques de plus d'un milliard d'étoiles de la Voie lactée. En combinant ces données astrométriques, photométriques et spectroscopiques, Gaia permet donc une étude détaillée de notre Galaxie pour en savoir plus sur sa structure en trois dimensions, sa cinématique, son origine et son évolution.

    Or, justement, une équipe internationale d'astronomes, dont deux chercheurs du Laboratoire Lagrange (UCA, OCA, CNRS), vient de publier dans le journal Nature Astronomy (voir aussi un article sur arXiv), les résultats nouveaux auxquels elle est parvenue en étudiant les données fournies au cours des années par Gaia. Les astronomes confirment bien les conclusions déjà atteintes de cette façon par leurs collègues, il y a quelques années, et dont Futura avait rendu compte dans le précédent article ci-dessous. Il y a environ 10 milliards d'années, une petite galaxie naine baptisée Gaia-Encelade aurait donc fusionné avec l'ancêtre de la Voie lactée qui était alors quatre fois plus massive que Gaia-Encelade, mais pas encore autant que notre Galaxie aujourd'hui.


    Les données de Gaia permettent de dresser un diagramme de Hertzsprung-Russell (Magnitude-colour) de la Voie lactée qui trahissent sa collision ancienne il y a environ 10 milliards d'années avec la galaxie naine Gaia-Encelade, comme l'illustre l'animation dans la vidéo ci-dessus. © IACvideos, Gabriel Perez Díaz, SMM, Instituto de Astrofisica de Canarias

    Mais les chercheurs vont maintenant plus loin grâce au diagramme de Hertzsprung-Russelldiagramme de Hertzsprung-Russell, un type de diagramme qui a permis au siècle dernier d'étudier les populations d'étoiles et d'établir la théorie de l'évolutionthéorie de l'évolution stellaire. C'est un graphique dans lequel est indiquée la luminosité d'un ensemble d'étoiles en fonction de leur température effective et donc, de façon équivalente de leur couleurcouleur (on sait bien, par exemple, que la couleur d'une barre de métalmétal passe du rouge au blanc en la chauffant).

    Des étoiles éjectées sur des orbites chaotiques

    Ils vont surtout plus loin en combinant les données de ce diagramme et les abondances d'éléments plus lourds que l'héliumhélium (on parle de métallicitémétallicité pour les étoiles à ce sujet) concernant un échantillon d'environ un million d'étoiles de notre Galaxie dans un rayon de 6.500 années-lumièreannées-lumière autour du SoleilSoleil et appartenant au halo galactique de la Voie lactée, comme l'explique d'ailleurs l'astrophysicienne Carme Gallart (de l'Instituto de Astrofisica de Canarias) à la tête de l'équipe de chercheurs. Elle dit : « Nous avons analysé la distribution en couleur et en luminosité des étoiles et les avons comparées à des modèles d'évolution stellaire, en les séparant en plusieurs composantes : le halo (structure sphéroïdale qui entoure les galaxies) et le disque épais (étoiles du disque galactique qui atteignent une certaine hauteur au-dessus du plan). »

    Dans le halo, on voit clairement deux composantes, une avec des étoiles que l'on peut qualifier de bleues et celle avec des étoiles plus rouges. Le diagramme HR permet de montrer que ces étoiles ont toutes grosso modo le même âge, environ 13 milliards d'années, mais avec Gaia on voit clairement aussi que les vitessesvitesses des étoiles les plus bleues sont particulières et qu'elles sont moins riches en éléments lourds.

    Dans le cadre de données numériques de collisions, ces observations s'interprètent de la façon suivante, les étoiles bleues viennent de Gaia-Encelade et les plus rouges du disque initial de la Voie lactée. Dans les deux cas, c'est une collision survenue il y a 10 milliards d'années environ qui a éjecté les étoiles des disques des deux galaxies sur des orbitesorbites chaotiques désormais dans le halo de la Voie lactée.

    Le gazgaz des deux galaxies avant collision s'est finalement sédimenté dans le champ de gravitationgravitation du disque de notre Galaxie en formant son disque mince, ce qui a donné lieu il y a environ 6,6 milliards d'années à une flambée de formations de nouvelles étoiles, quelques milliards d'années avant la naissance de la mère du Soleil : Coatlicue.

    En plus de préciser l'histoire de la Voie lactée, Gaia nous a probablement aussi donné les clés pour comprendre ce qui s'est passé avec les autres galaxies spiralesgalaxies spirales géantes que nous observons dans le cosmoscosmos.


    Voie lactée : Gaia révèle une collision géante avec une autre galaxie il y a 10 milliards d'années

    Article de Laurent Sacco publié le 02/11/2018

    La révolution apportée par les données astrométriques de la mission Gaia de l'ESA se déroule sous nos yeuxyeux. La composition chimique et les orbites de dizaines de milliers d'étoiles suggèrent que la jeune et petite Voie lactée serait entrée en collision avec une autre galaxie baptisée Gaia-Encelade il y a 10 milliards d'années. Les deux astresastres auraient alors fusionné.

    La structure tectonique des roches et de leurs strates, ainsi que leur composition chimique et parfois leur mémoire magnétique, nous permettent de reconstituer l'histoire de la formation et de la dérive des continents sur des centaines de millions d'années. De même, les trajectoires et orbites des étoiles dans la Galaxie ainsi que leur contenu en éléments plus lourds que l'hydrogènehydrogène, l'hélium et leurs isotopesisotopes, devaient permettre de faire de l'archéologie galactique.

    Les astronomes étaient convaincus qu'ils pouvaient de cette façon reconstituer l'histoire de notre Voie lactée, qui, comme le montrent les images des collisions de galaxies, a dû être marquée par des événements violents. Cette histoire doit se refléter dans la structure et la composition de la Galaxie, elles sont laissées par les interactions gravitationnelles rapprochées entre les galaxies, dans le passé,  ainsi que par les fusions galactiques injectant des populations d'étoiles dont la composition chimique garde la trace d'une évolution dans des contextes différents.

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    La Voie lactée résonne encore d’une rencontre galactique

    Encore fallait-il pour cela disposer de données suffisamment précises concernant les positions et les vitesses d'un grand nombre d'étoiles dans la Voie lactée, ainsi que sur leurs abondances en divers éléments. Les archéologues galactiques se sont donc dotés des instruments nécessaires pour la réussite de cette aventure de la connaissance humaine avec la mission Gaia et la campagne d'observations d'Apogee (ApacheApache Point Observatory Galaxy Evolution Experiment), dans le cadre du SDSS (Sloan Digital Sky Survey).


    Il y a dix milliards d’années, la Voie lactée a fusionné avec une grande galaxie nommée Gaia-Enceladus. Description de cette méga fusion, découverte par une équipe internationale dirigée par l’astronome Amina Helmi, dans cette vidéo. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © University of Groningen

    Les premiers résultats spectaculaires de ce projet tombent en ce moment comme le prouve un article déposé sur arXiv et qui a donné lieu à une publication dans le journal Nature. Avec leurs collègues, les astronomes Amina Helmi, de l'université de Groningue (Pays-Bas), et Carine Babusiaux, de l'IPAG/OSUG (CNRS/université Grenoble Alpes) sont ainsi arrivées à la conclusion que la jeune Voie lactée est très probablement entrée en collision, suivie d'une fusion, avec une autre grande galaxie, il y a environ 10 milliards d'années.

    Une fusion avec une galaxie 4 fois plus petite que la Voie lactée

    Pour cela, les chercheurs se sont notamment appuyés sur le premier catalogue de données fournies par les 22 premiers mois d'observations de Gaia portant sur environ 7 millions d'étoiles. À peu près 30.000 d'entre elles étaient singulières : non seulement leurs orbites étaient un peu plus elliptiques que celles des autres étoiles mais surtout elles étaient parcourues en sens contraire. La détermination plus précise de la composition chimique de leurs atmosphèresatmosphères avec Apogee a aussi montré des spectresspectres singuliers par rapport aux autres étoiles, mais suggérant une histoire partagée donc un lieu de naissance et d'évolution commun, différents des autres étoiles de la Voie lactée.

    Ces caractéristiques ont rappelé des souvenirs aux chercheurs ayant travaillé, via des simulations numériques, sur les conséquences à attendre lors de fusions de galaxies de tailles comparables. Ils en ont finalement conclu que les observations de Gaia et d'Apogee se comprenaient bien si une galaxie de la taille du Petit Nuage de Magellan était entrée en collision avec la jeune Voie lactée il y a environ 10 milliards d'années. Elle devait à l'époque être quatre fois plus grande que lui alors qu'actuellement elle l'est environ 10 fois plus.

    Deux schémas montrant la structure de la Voie lactée, une spirale barrée de 100.000 années-lumière de diamètre avec des amas globulaires (<em>globular clusters</em>), le Soleil (<em>sun</em>) et des vieilles étoiles dans son halo et son bulbe (<em>bulge</em>). © Esa
    Deux schémas montrant la structure de la Voie lactée, une spirale barrée de 100.000 années-lumière de diamètre avec des amas globulaires (globular clusters), le Soleil (sun) et des vieilles étoiles dans son halo et son bulbe (bulge). © Esa

    Cette hypothèse est soutenue également par les caractéristiques d'au moins 13 amas globulairesamas globulaires dont les orbites sont aussi curieusement rétrogrades dans la Voie lactée. Un tel nombre d'amas plaide bien d'ailleurs pour une fusion entre deux galaxies de tailles respectables et ne s'explique pas par l'engloutissement de plusieurs galaxies naines par la Voie lactée. En bonus, cette découverte suggérée par Gaia et Apogee éclaire d'un jour nouveau d'autres caractéristiques de la Voie lactée que l'on ne comprenait pas bien au niveau de son disque.

    En effet, celui-ci a une structure double. Il y a d'abord un disque mince et dense dont l'épaisseur est d'environ 700 années-lumière et où se trouvent les bras de notre Galaxie. Il est lui-même plongé dans un disque plus diffusdiffus dont l'épaisseur est d'environ 3.000 années-lumière. Ce disque épais aurait été peuplé lors de la collision entre la Voie lactée et la galaxie baptisée Gaia-Encelade. Ce nom vient de  la mythologie grecque : Encelade, l'un des Géants, fils de Gaïa (la Terre) et d'Ouranos (le Ciel), lors de la Gigantomachie, fut mis hors de combat par Athéna et enterré sous le mont EtnaEtna, provoquant depuis séismeséisme et éruption. Gaia-Encelade est bel et bien enterré dans la Voie lactée, ses étoiles étant autour de nous. Sa fusion a certainement été comparable à une massemasse lancée et percutant une marre, dans le fluide d'étoiles auto-gravitant de notre Galaxie.

    Ce seraient donc les conséquences de ce choc qui auraient éjecté des étoiles du disque fin de la Voie lactée dans ce qui allait devenir son disque épais et que l'on retrouve aussi dans son halo avec les étoiles et les amas globulaires de Gaia-Encelade.


    Simulation informatique de la fusion entre la jeune Voie lactée, dont les étoiles sont en cyan, et une galaxie plus petite, indiquée en rouge. La simulation présentée dans cette animation est décrite dans les articles de Á. Villalobos et A. Helmi, publiés en 2008 et 2009. © ESA Science & Technology, Koppelman, Villalobos & Helmi, Kapteyn Astronomical Instituteuniversity of Groningen, The Netherlands

    Voie lactée : l'archéologie galactique révèle les collisions du passé

    Article de Laurent Sacco publié le 25/07/2017

    L'archéologie galactique permet des découvertes étonnantes. Ainsi, des étoiles nainesétoiles naines situées dans la Voie lactée seraient les vestiges d'anciennes collisions entre notre Galaxie et des galaxies naines comme celle du Sagittaire.

    Les astrophysiciens spécialisés dans des problèmes de cosmogonie cherchent à comprendre l'origine et l'évolution des astres. L'un des premiers problèmes qu'ils aient tenté de résoudre au cours du XXe siècle est celui de l'origine du Système solaire (en se fondant sur les idées déjà avancées par Descartes, Kant et Laplace). Ils se sont ensuite attaqués à l'origine de la Voie lactée et, plus généralement, des galaxies. Les progrès sur tous ces fronts de la connaissance n'ont véritablement commencé à être rapides que depuis les années 1970, aussi bien avec la montée en puissance des ordinateursordinateurs qu'avec l'accroissement exponentiel des données observationnelles.

    On sait que les collisions de planétésimaux et les perturbations gravitationnelles entre les protoplanètes puis les planètes ont joué un rôle majeur dans la naissance puis l'évolution du Système solaire. Aujourd'hui, les tailles et compositions des planètes et des autres petits corps célestes, mais surtout leurs paramètres orbitaux (qu'il s'agisse d'astéroïdesastéroïdes, de planètes nainesplanètes naines ou de comètescomètes), sont des indications précieuses pour comprendre la genèse et l'évolution du Système solaire, qui semblent avoir été marquées par des migrations planétaires. L'étude des populations de valeurs pour les distances au Soleil, les excentricitésexcentricités, les inclinaisons par rapport au plan invariantinvariant du Système solaire (ou plus exactement le plan de l'écliptiqueplan de l'écliptique) permet d'avoir accès à une fabuleuse mémoire de l'histoire des planètes, qui est inscrite et conservée dans les orbites des corps célestes.


    Une simulation des rencontres entre la galaxie naine du Sagittaire et la Voie lactée. Des courants d'étoiles dus aux forces de marée ont résulté de ces rencontres. Le phénomène durerait depuis quelques milliards d'années. © chriswpurcell

    La galaxie du Sagittaire à l'origine des bras de la Voie lactée ?

    Ce rôle très important de la mécanique céleste pour la cosmogonie solaire se retrouve à l'échelle de la Voie lactée et des galaxies. Nous avons bien progressé depuis les travaux pionniers de Hubble dans l'exploration du royaume des nébuleusesnébuleuses. Nous voyons les galaxies entrer en interaction, se frôler en s'arrachant de gigantesques courants d'étoiles sous l'influence de leurs forces de maréeforces de marée réciproques et parfois entrer en collision jusqu'à la fusion. Cela nous a permis de comprendre qu'au moins un des processus de croissance des galaxies était similaire à celui des planètes, avec des phénomènes d'accrétion.

    Du point de vue de la mécanique céleste, les galaxies sont des sortes de gaz autogravitants d'étoiles que l'on peut décrire par la théorie cinétique des gaz mais qui se comportent aussi un peu comme des corps fluides. Ainsi, les bras et les barres des galaxies sont interprétés comme des équivalents des ondes et des vaguesvagues des océans qui concentrent les étoiles. Lorsqu'une petite galaxie entre en collision avec une grande galaxie, comme une spirale telle que la Voie lactée, elle peut y provoquer l'équivalent des ronds dans l'eau naissant de la chute d'une pierre dans une mare. En théorie, si l'on détermine assez précisément les positions et les vitesses d'une large population d'étoiles dans la Voie lactée, on peut donc en tirer des conclusions sur les évènements passés qui l'on affectée, en particulier certaines de ces collisions devraient laisser des traces dans les orbites des populations d'étoiles.

    Les astronomes le savent bien, et cela fait un moment déjà qu'ils ont entrepris de faire de l'archéologie galactique avec la Voie lactée. On attend beaucoup des observations astrométriques des positions et vitesses des étoiles que permet le satellite Gaia. Mais on peut toujours faire des découvertes intéressantes avec des télescopes au sol.

    Une vue du télescope employé pour faire le Sloan Digital Sky Survey (SDSS). © David Kirby
    Une vue du télescope employé pour faire le Sloan Digital Sky Survey (SDSS). © David Kirby

    En voici une nouvelle illustration avec un article déposé sur arXiv par une équipe d'astronomes états-uniens. Les chercheurs ont utilisé des données collectées à l'aide du fameux télescope du Sloan Digital Sky Survey (SDSS). En l'occurrence, la distribution spatiale d'environ 3,6 millions d'étoiles de type K et M, donc des naines respectivement orange et rouges, s'est révélée bavarde. Des zones de surdensité concentrique ont émergé de l'analyse de ces données, preuve de la présence d'impacts passés dans la « mare » galactique.

    Selon les chercheurs, l'un de ces impacts pourrait bien avoir été causé par la collision survenue il y a environ 0,85 milliard d'années entre la Voie lactée et la galaxie naine du Sagittaire. Il s'agit d'une galaxie satellite de la Voie lactée d'environ 10.000 années-lumière de diamètre et qui se trouve actuellement à 80.000 années-lumière de la Terre, sur une orbite polaire à environ 50.000 années-lumière du centre de la Voie lactée. La nature de cette galaxie fait encore l'objet de nombreux débats car on ne sait pas très bien s'il s'agit d'une galaxie elliptiquegalaxie elliptique ou d'une galaxie sphéroïdale. Des simulations suggèrent qu'elle est à l'origine des bras de la Voie lactée. Ses forces de marée auraient excité les modes des ondes à l'origine de ces concentrations d'étoiles lors de son précédent passage à travers notre Galaxie. En tout état de cause, la galaxie du Sagittaire semble à l'agonie, lentement démantelée par les forces de marée de la Voie lactée.


    Le mystérieux bulbe central de notre galaxie

    Article de Laurent Sacco publié le 29/04/2016

    Et si les orbites et la composition chimique précise des étoiles de la Voie lactée gardaient en mémoire l'histoire de notre galaxie ? Ce devrait être le cas et la mission Gaia, lancée en 2013, devrait apporter son lot de révélations. En attendant, des astrophysiciens ont isolé une population de vieilles étoiles dans le bulbe central qui pourrait bien en dire long sur son histoire primitive.

    Lancé le 19 décembre 2013, le satellite Gaiasatellite Gaia, de l'Agence spatiale européenne (Esa), a déjà effectué une première campagne complète d'observation. Le premier bilan de ses mesures, et donc des découvertes qui vont avec, est attendu à la fin de l'été 2016. Elles sont d'une précision inégalée et concernent les positions, distances, mouvements et propriétés physiques de plus d'un milliard d'étoiles de la Voie lactée. En combinant ces données astrométriques, photométriques et spectroscopiques, Gaia permettra une étude détaillée de notre galaxie pour en savoir plus sur sa structure en trois dimensions, sa cinématique, son origine et son évolution.

    En clair, l'un des objectifs scientifiques de Gaia est de nous permettre de faire de l'archéologie galactique. Tout comme les strates de la Terre gardent en mémoire l'histoire de son activité tectonique ou de son évolution chimique, des populations d'étoiles avec des compositions spécifiques doivent garder la mémoire de l'évolution de la Voie lactée, de ses collisions avec d'autres galaxies - parfois accompagnées de fusions - et des flambées de nouvelles étoiles.


    Une vidéo de présentation du satellite Gaia et de sa mission scientifique. © Cnes, YouTube

    Quand la Voie lactée n'avait pas de bras

    Une publication d'une équipe internationale d'astronomes, sur arXiv, donne un avant-goût de ce que nous révélera Gaia. Les chercheurs ont utilisé le spectrographe AAOmega équipant le Télescope anglo-australien (AAT pour Anglo-Australian Telescope) situé à l'observatoire de Siding Spring, en Australie, pour étudier de plus près les étoiles du centre la Voie lactée.

    Au centre de notre galaxie (une spirale barréespirale barrée), réside un bulbe. De forme ellipsoïdale, il aurait entre 7.000 et 15.000 années-lumière de diamètre et contiendrait environ 5 % de la matièrematière visible contre 90 % dans le disque et 5 % dans le halo. Il existe toute une théorie pour expliquer la formation de la barre et des bras spiraux dans le gaz autogravitant d'étoiles du disque dans la Voie lactée.

    Le bulbe contient principalement des vieilles étoiles, qui appartiennent à la population « deux », c'est-à-dire qu'elles sont un peu enrichies en noyaux lourds, ceux formés par la première génération d'étoiles nées dans le cosmos observable. En outre, les orbites sont dispersées autour du centre de la Galaxie et ne sont pas aussi régulières que celles dans son disque. Toutes ces caractéristiques laissent penser depuis un certain temps que la formation du bulbe est très ancienne et que sa structure garde la mémoire des fusions chaotiques de galaxies ayant fait croître la Voie lactée.

    Le disque de notre galaxie est bien visible dans l'infrarouge avec cette image du satellite Wise. La majorité des étoiles du bulbe central se comportent comme un bloc cylindrique en rotation. Cependant, une population d'étoiles plus anciennes, sous forme de RR Lyrae, ne se comporte pas de la même façon dans la partie centrale du bulbe de la Voie lactée. Cette population, constituant 1 % de la masse du bulbe, est susceptible d'avoir été l'une des premières parties de notre galaxie. © NOAO/AURA/NSF/AIP/A. Kunder
    Le disque de notre galaxie est bien visible dans l'infrarouge avec cette image du satellite Wise. La majorité des étoiles du bulbe central se comportent comme un bloc cylindrique en rotation. Cependant, une population d'étoiles plus anciennes, sous forme de RR Lyrae, ne se comporte pas de la même façon dans la partie centrale du bulbe de la Voie lactée. Cette population, constituant 1 % de la masse du bulbe, est susceptible d'avoir été l'une des premières parties de notre galaxie. © NOAO/AURA/NSF/AIP/A. Kunder

    Regard sur un monde galactique disparu grâce aux RR Lyrae

    En scrutant donc plus attentivement ce bulbe, les chercheurs ont mis en évidence une population bien particulière d'étoiles pauvres en éléments lourds, vieilles d'au moins 10 milliards d'années et rassemblées au cœur du bulbe dans une région dont la taille est d'environ 2.000 années-lumière. Il s'agit d'étoiles variablesétoiles variables bien connues, les RR Lyrae, utilisées comme chandelles standardchandelles standard pour mesurer les distances dans la Voie lactée. Moins massives que les céphéides (qui permettent de déterminer de grandes distances, celles de galaxies proches de la nôtre), les RR Lyrae sont donc plus nombreuses mais moins lumineuses.

    Les vitesses de plusieurs centaines de ces astres ont donc été mesurées. Cependant, alors que les directions des parcours des orbites sont très similaires pour la majorité des étoiles dans la barre et le bulbe de notre galaxie, ce n'est pas le cas pour ces RR Lyrae. Selon les astronomes, cela indiquerait qu'elles datent vraiment de l'époque où la Voie lactée était en train de se former. Mieux, elles garderaient la mémoire de ce qui s'est passé avant la naissance de la barre de la Galaxie.

    L'étude encore plus complète de cette population d'étoiles, notamment en augmentant la taille de l'échantillon et en déterminant les compositions chimiques précises, devrait donc permettre de tirer profit de cette fenêtrefenêtre ouverte sur le passé lointain de la Voie lactée pour mieux comprendre la formation et l'évolution des galaxies.