Si vous suivez les tendances TikTok, vous avez sûrement vu un nouveau trend apparaître au cours des deux dernières semaines. Il s’agit du #boldglamour, le nom d’un filtre fraîchement mis à disposition par le réseau social et qui a effectivement de quoi faire parler de lui. Comme un filtre Instagram, son objectif est de vous rendre plus beau ou plus belle, en tout cas selon les standards de beauté arbitrairement édictés par le monde de la mode occidentale – pas très inclusif tout ça –, mais la grande différence avec Bold Glamour, c’est qu’il s’appuie sur l’apprentissage profond pour un résultat plus vrai que nature !


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    Cet article est tiré de la chronique audio Vitamine Tech, à retrouver sur le site de Futura Podcast et toutes les bonnes applications d'écoute !

    Si vous n'avez encore jamais vu le filtre Bold Glamour en action, la vidéo ci-dessous devrait vous donner une idée de ses étonnantes performances. On y voit une jeune femme maquillée de façon experte se toucher le visage, remettre ses cheveux en place et parler face à la caméra de son portable. À première vue, rien d'anormal, sauf qu'elle nous explique que ce que nous voyons là n'est pas son visage, mais un filtre qui lui a été appliqué. Avancez un peu dans la vidéo et le filtre est désactivé, révélant la personne qui se cachait en dessous. Une personne absolument ravissante, sans aucun doute, mais à des années-lumièreannées-lumière du mannequin à la peau lisse et au visage visible quelques secondes auparavant.

    Le filtre Bold Glamour présente un résultat plus vrai que nature grâce au deep learning. © trendzone, YouTube

    Un filtre plus vrai que nature

    Le filtre n'est pas juste impressionnant, il est révolutionnaire et, on ne va pas se mentir, un peu terrifiant. Mais avant de parler de ses implications, on va prendre le temps de se pencher deux minutes sur son fonctionnement. Bold Glamour est la progéniture d'Effect House, un outil de réalité augmentée grâce auquel TikTokTikTok produit toutes sortes de filtres, des plus fantaisistes aux plus réalistes. Le 22 février dernier, le réseau social a annoncé la mise à jour d'Effect House, avec la mise au point de trois nouveaux effets : un effaceur de sourcilssourcils, une option « duck face » comme on l'appelait dans les années 2010, ou encore un sourire qui s'ajoute directement sur votre visage. Et, bien sûr, cette mise à jour s'est accompagnée de la mise à disposition d'une poignée de filtres inédits, basée sur l'intelligence artificielle générative, qui ont depuis fait couler beaucoup d'encre. En parallèle de Bold Glamour, un effet baptisé « teenage look » a lui aussi pris les internautes par surprise en rajeunissant ses utilisateurs de manière parfois confondante. Même si l'on note un léger halo par endroits, ou qu'il arrive que le filtre disparaisse pendant une fraction de seconde lorsque vous passez la main devant votre visage, force est de le reconnaître, ces nouveaux effets sont infiniment plus réalistes et plus stables que leurs prédécesseurs ou que des filtres équivalents disponibles sur InstagramInstagram ou Snapchat. Et cela repose sur la manière dont ils ont été conçus.

    Bien que tous fonctionnent grâce à l'intelligence artificielle, les derniers filtres de TikTok mettent à profit le deep learning, là où ses concurrents s'appuient sur une technique bien différente. Dans le cas de SnapchatSnapchat ou d'Instagram, l'IA analyse l'image envoyée par votre caméra pour identifier un ensemble de points de repère sur votre visage. Depuis le haut de votre front, jusqu'au menton en passant par le coin de vos yeuxyeux, chaque petit détail utile sert à établir une carte de votre tête qui va d'autant plus se préciser si vous la bougez dans plusieurs directions. En suivant le mouvementmouvement de chacun de ces petits points, l'IA parvient à extrapoler un modèle grossier en 3D de votre visage. Ce modèle est invisible lorsque vous vous regardez à l'écran, mais c'est sur lui que l'applicationapplication va coller le filtre que vous avez sélectionné. En somme, l'IA ne modifie pas le grain de votre peau ou vos rides en temps réel, mais elle va plutôt étirer une sorte de masque préconçu sur une modélisationmodélisation en 3D de votre tête. Cette technique permet d'économiser de la puissance de calcul, mais elle a ses limitations.

    De nombreux filtres développés pour les peaux blanches s'adaptent par exemple très mal à des peaux plus foncées. L'IA est également conçue pour s'appuyer sur des points de repère bien précis, et ne peut appliquer le filtre que sur un visage entier. Ainsi, si vous placez une main devant une partie votre visage, l'application est déboussolée et le filtre déborde, tremblote en essayant de s'ajuster ou disparaît tout bonnement. Mais avec le deep learning, TikTok entre dans une tout autre dimension, en pulvérisant sa concurrence au passage. Il s'appuie sur une technologie désormais éprouvée, qui nous a déjà montré de quoi elle était capable en produisant des deepfakes plus vrais que nature, mais qui était jusqu'à présent restée cantonnée au domaine des ordinateurs et des logicielslogiciels professionnels. Son vrai tour de force ne réside donc pas tant dans le fait d'avoir développé une application inédite de l'IA, mais d'être parvenu à la rendre accessible à des milliards d'utilisateurs, sans aucune connaissance technique préalable, sur leurs smartphones et en temps réel. Bon, mais une fois que l'on sait ça, que faut-il penser de Bold Glamour, par-delà les considérations technologiques ?

    Quand Bold Glamour fait polémique

    Eh oui, vous l'aviez forcément vu venir : avec ce nouveau filtre, TikTok continue de renforcer des standards de beauté inatteignables qui portent un coup à l'estime de soi chez pas mal de ses utilisateurs. Quel que soit leur genre, nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui affirment être déçus par leur physiquephysique une fois le filtre retiré, même s'ils avaient l'impression de ne pas se reconnaître à l'écran quand celui-ci était actif. Ces évolutions technologiques créent un terrain propice à l'apparition de troubles dysmorphiques, c'est-à-dire une tendance à percevoir dans son apparence des défauts physiques qui finit par virer à l'obsession et causer des problèmes de santé mentale. Une étude réalisée en 2021 par des chercheurs de la City University of London sur l'impact social des filtres révèle ainsi que 94 % des participantes féminines et non binairesbinaires se sentent obligées d'avoir une apparence particulière, tandis que 90 % d'entre elles admettent avoir déjà utilisé des filtres ou modifié leur image d'une manière ou d'une autre sur les réseaux.

    Autre problème : il semblerait que Bold Glamour ait encore une fois été conçu en prenant pour base d'entraînement des visages jugés classiquement beaux. Plutôt que de s'alimenter de physiques atypiques jugés attractifs comme la tête ronde de Lily Cole ou les traits anguleux de Tilda Swinton pour pouvoir s'adapter à différentes physionomies, Bold Glamour s'entête apparemment à souligner les mêmes traits chez tout le monde, avec des résultats très variables selon les utilisateurs et utilisatrices. L’une d’elles pointe ainsi du doigt le fait que, loin de mettre en valeur tous les types de physiques, l'application a plutôt tendance à accentuer des traits déjà très prononcés chez elle et à rendre son visage plus masculin. Conclusion : n'utilisez ce filtre que si vous êtes déjà beaux... ? Oui mais non, ça n'a pas grand sens, et c'est pour ça que quand on parle de Bold Glamour, il faut bien distinguer d'une part l'accomplissement technique sans précédent que représente ce nouveau filtre, et de l'autre les nombreux bagages qui accompagneront forcément une application qui prétendra vous rendre plus séduisants. Au final, ce qu'il faut retenir, c'est que vous êtes toutes et tous beaux et belles et qu'on vous aime comme vous êtes !