Les avions civils évoluant au Proche et Moyen-Orient rencontrent depuis plusieurs mois des pannes de leurs instruments de navigation. Il s’agit d'un puissant brouillage par un procédé d’usurpation d’identité GPS, et c’est imparable.


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    Ce 10 septembre, en transittransit dans la zone aérienne de Bagdad en Irak, l'équipage d'un 777 contacte le contrôle aérien pour demander où leur avion se trouve et quelle heure il est. Le 16 septembre toujours dans cette zone un vol Global Express perd lui aussi ses moyens de navigation. Le 21 septembre alors qu'il se trouve au nord de l'Iran, là encore, les instruments de navigation d'un Embraer 190 n'indiquent pas la bonne position. Après une vingtaine de cas recensés en septembre, plusieurs nouveaux incidents de ce type ont été relevés depuis les cinq dernières semaines dans la région du Moyen-Orient. Tous ces appareils sont victimes, non pas d'un brouillage du signal, mais d’attaques par spoofing, c'est-à-dire d'usurpation d’identité GPS. L'avion reçoit d'abord des signaux GPS falsifiés, laissant penser qu'il vole à des kilomètres de sa position réelle. C'est ainsi que l'un des appareils a failli pénétrer dans l'espace aérien iranien sans autorisation.

    Ce qui est plus inquiétant, c'est que normalement un avion est capable de conserver ses capacités de navigation avec sa centrale inertielle (INS) en cas de défaillance du GPS. Or, dans tous les cas, l'INS aussi indiquait de mauvaises positions. Il en était de même pour les systèmes de navigation de secours. Autrement dit, la panne est totale. Véritable cerveaucerveau de l'avion, avec ses gyroscopes, ses accéléromètres et autres capteurscapteurs, l'INS devrait pourtant être totalement autonome et impossible à corrompre par brouillage.

    Sur cet écran, la position indiquant que l’avion se trouve au-dessus de Beyrouth est fausse. En réalité l’avion est à plus de 220 kilomètres de l'endroit. © OPS.Group
    Sur cet écran, la position indiquant que l’avion se trouve au-dessus de Beyrouth est fausse. En réalité l’avion est à plus de 220 kilomètres de l'endroit. © OPS.Group

    Aucune parade envisageable

    Cette attaque de spoofing révèle donc un défaut fondamental de cette centrale inertielle. Si celle-ci perd également ses capacités de navigation, c'est parce que même si elle n'a pas besoin de GPS pour opérer, elle se recale ponctuellement sur les positions qu'il délivre. En revanche, dans ces cas d'usurpation d'identité GPS, la centrale considère ces données comme légitimes et établit la navigation à partir des dernières coordonnées. Comme en aviation la redondance est la règle, même les systèmes de secours sont également corrompus. Dans ces situations, si les pilotes constatent qu'ils ne sont pas au bon endroit, ils n'ont pas d'autre possibilité que demander au contrôle aérien des caps ou d'utiliser d'anciens systèmes de radioguidage si l'avion en est équipé.

    Plus d’une vingtaine de pannes d’instruments de navigation ont été relevées durant le mois de septembre. © OPS.Group 
    Plus d’une vingtaine de pannes d’instruments de navigation ont été relevées durant le mois de septembre. © OPS.Group 

    Le souci c'est qu'il n'y a aucun moyen de lutter contre ce phénomène car la faille ne peut pas être corrigée sans révolutionner l'avionique, selon Todd Humphreys, un professeur spécialisé sur les communications par satellite et leur brouillage à l'UT Austin. Reste à savoir qui utilise cette puissante méthode de brouillage dans la région et pourquoi. L'Iran a certainement sa part de responsabilité, mais ce n'est pas le seul pays à utiliser ce type de procédé. Depuis la mi-octobre, Israël exploite également ce procédé pour déboussoler les systèmes de navigation des drones et des missilesmissiles du Hamas et du Hezbollah. Là aussi, les avions qui volaient à proximité du pays ont rencontré des problèmes de navigation. Israël a d'ailleurs averti les pilotes qu'ils ne devraient pas compter sur le GPS pour atterrir dans le pays, mais plutôt sur d'autres instruments.