Des chercheurs canadiens sont parvenus à envoyer des SMS en se servant d'alcool isopropylique comme vecteur de transmission. Cette communication moléculaire est présentée comme une alternative crédible dans des cas de figure où les connexions cellulaires ou Wi-Fi sont inutilisables. Le système pourrait également être utilisé pour diffuser des traitements médicaux au niveau cellulaire.


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    Après les sémaphores, les signaux de fumée, les pigeons voyageurs, les signaux électriques et les ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques voire les sons, on peut ajouter les signaux chimiques comme moyen de communication. Une équipe de chercheurs de l'université York à Toronto (Canada) a réussi à transmettre des SMS en les vaporisant sous forme d'alcoolalcool. Ils se sont servis de composants peu onéreux et très répandus pour concevoir ce système de communication moléculaire basé sur un encodeur-émetteur, un vaporisateur électronique et un récepteur composé d'un capteurcapteur et d'algorithmes de détection-démodulation. Le procédé a été testé avec succès jusqu'à une distance de quatre mètres séparant l'émetteur et le récepteur, mais la fiabilité dépend grandement du taux de transmission.

    Dans l'article publié dans la revue PlosOne, les trois chercheurs (Narim Farsad, Weisi Guo et Andrew Eckford) expliquent que leurs travaux se sont inspirés de la nature, où les signaux chimiques sont employés pour la communication intra et intercellulaire à l'échelle micro et nanoscopique. On sait aussi que les animaux utilisent les phéromones pour communiquer entre eux sur des distances parfois très étendues. De plus, la communication moléculaire est biocompatible et ne nécessite que peu d'énergieénergie pour être produite et propagée. « Ces propriétés rendent les signaux chimiques idéaux pour de nombreuses applicationsapplications de niche où le recours aux signaux électromagnétiques n'est pas possible ni souhaitable », expliquent-ils.

    Le système de communication moléculaire créé par les chercheurs de l'université York repose sur un transmetteur fabriqué à partir d’un microcontrôleur Arduino (Arduino Uno) connecté à un module LCD (<em>Adafruit LCD shield kit</em>). Il est branché à un vaporisateur électronique (<em>electrical spray</em>) dont le flux est piloté par une carte électronique (<em>custom electrical switch board</em>). Une fois le message entré via le module LCD, un algorithme se charge de l’encoder sous forme numérique binaire pour le transmettre par vaporisation avec de l’alcool isopropylique. © Farsad, Guo, Eckford
    Le système de communication moléculaire créé par les chercheurs de l'université York repose sur un transmetteur fabriqué à partir d’un microcontrôleur Arduino (Arduino Uno) connecté à un module LCD (Adafruit LCD shield kit). Il est branché à un vaporisateur électronique (electrical spray) dont le flux est piloté par une carte électronique (custom electrical switch board). Une fois le message entré via le module LCD, un algorithme se charge de l’encoder sous forme numérique binaire pour le transmettre par vaporisation avec de l’alcool isopropylique. © Farsad, Guo, Eckford

    Une lettre est représentée par cinq bits

    Pour une centaine de dollars, les chercheurs ont conçu un système d |fe39b62fbaa9f725b6d37efc951c70e4|-réceptionréception qui utilise un vaporisateur électrique pour diffuser des SMS avec de l'alcool isopropylique. Le transmetteur a été conçu à partir d'un microcontrôleur Arduino couplé à un module d'extension LCD Adafruit doté de six boutons. Pour pouvoir convertir du texte sous forme binairebinaire, l'équipe de l'université a eu recours au code télégraphique Alphabet International n°2 (aussi appelé code Baudot) où chaque lettre est représentée par cinq bits.

    Une fois le message encodé sous forme de 0 et de 1, il est transmis avec un vaporisateur électronique relié au module émetteur. Le récepteur est lui aussi conçu à partir d'un microcontrôleur Arduino qui utilise un convertisseur dix bits couplé à un capteur de gazgaz alcool MQ-3 déterminant si le taux d'alcool augmente ou diminue. L'alcool isopropylique a été choisi pour sa volatilitévolatilité et son coût peu élevé. Les chercheurs ont développé des algorithmes de détection et de démodulation qui permettent l'acquisition du signal chimique et sa conversion sous forme de texte. Deux modes de propagation ont été testés. Le premier consiste à émettre une vaporisationvaporisation et à attendre que les capteurs la détectent. Un second mode utilise un ventilateur pour guider le signal chimique vers le récepteur. Sans surprise, le premier mode s'avère efficace sur une distance courte de moins d'un mètre. C'est donc la configuration avec ventilateur qui a été retenue.

    Le premier SMS chimique envoyé avec ce système moléculaire est le titre « O Canada » de l’hymne national canadien. À gauche (a), le texte tel qu’entré dans le transmetteur. À droite (b), le texte reçu par le récepteur. © Farsad, Guo, Eckford
    Le premier SMS chimique envoyé avec ce système moléculaire est le titre « O Canada » de l’hymne national canadien. À gauche (a), le texte tel qu’entré dans le transmetteur. À droite (b), le texte reçu par le récepteur. © Farsad, Guo, Eckford

    Une transmission peu rapide, mais efficace

    Le récepteur ne pouvant pas stocker une grande quantité de signal chimique, le schéma de modulationmodulation et de démodulation a été pensé pour utiliser le moins d'alcool possible. Pour simplifier le processus, les lettres ayant le taux d'occurrence le plus élevé dans les textes en anglais sont encodées en utilisant le moins possible le 1 dans les séquences de cinq bits. Lors de la transmission, une vaporisation correspond au 1 tandis que le l'absence de vaporisation équivaut à un 0, ce qui a pour avantage de réduire la quantité chimique. Chaque message est encodé avec une séquence qui signale le début par un « 10 » et la fin par « 00000 », ce qui permet de faire passer le récepteur du mode passif au mode réception.

    Le protocoleprotocole de communication a l'avantage de ne pas nécessiter de synchronisation préalable et de ne pas être tributaire de la distance entre l'émetteur et le récepteur. En revanche, le taux de transmission dépend de la puissance et de la vitessevitesse du flux. Les chercheurs ont testé différents taux de transmission allant de 1 bit toutes les cinq secondes (soit une lettre toutes les 25 secondes) à 1 bit toutes les deux secondes (une lettre toutes les 10 secondes). L'étude observe que le taux de transmission le plus fiable obtenu sur une distance de quatre mètres séparant l'émetteur du récepteur est de 1 bit toutes les trois secondes.

    Usage médical envisagé

    Le premier message envoyé avec succès par les chercheurs est le titre de l'hymne national canadien O Canada. Bien que le taux de transmission ne soit pas des plus rapides, les chercheurs concluent leur article en précisant qu'il pourrait être amélioré en utilisant des ventilateurs et des capteurs plus performants et en peaufinant les algorithmes.

    Selon eux, ce système de communication moléculaire pourrait assez facilement être miniaturisé au niveau micro ou nanoscopique pour servir à distiller des traitements médicaux ciblés à l'échelle d'une cellule. À l'inverse, l'installation pourrait être plus grande afin de servir par exemple dans des réseaux de canalisationscanalisations ou des pipelinespipelines afin de surveiller et de prévenir en cas de problème. Le procédé pourrait également servir lors d'opérations de sauvetage ou de recherche dans des zones où les communications sans fil classiques ne sont pas utilisables.

    Des robots pourraient également communiquer entre eux par ce biais en émettant des signaux chimiques. Les chercheurs disent avoir conçu une plateforme suffisamment simple et peu onéreuse pour que leurs homologues puissent s'en servir pour l'améliorer et imaginer d'autres applications.