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Dans la tradition catholique, les péchés capitaux ne correspondent pas nécessairement aux péchés les plus graves qui puissent être commis. En revanche, ils sont à l'origine de tous les autres péchés. Et ils sont des péchés que l'on commet pour eux-mêmes. Le Catéchisme en liste sept : l'orgueil, l'avarice, l'envie, la colère, la luxure, la gourmandise et la paresse.
Nous vous proposons aujourd'hui de porter sur l'un d'entre eux, l'orgueil, le péché capital par excellence, un regard décalé. Un regard éclairé de quelques considérations scientifiques qui pourraient bien nous mener à changer notre regard sur ceux qui font preuve d'une grande estime de soi.
Chez les primates, l’instinct de compétition sociale est grand et certains talents liés à l’orgueil apparaissent utiles au succès reproducteur de l’individu. © Eirik Skarstein, Unsplash
L’orgueil : ce que nous apprend la science
Une fois n'est pas coutume, mettons les pieds dans le plat d'entrée de jeu. Car certains chercheurs l'affirment : l'orgueil n'est pas un défaut. Et ils vont même plus loin en posant que l'orgueil correspond à un besoin essentiel. Aussi essentiel à notre survie même que la faim, la peur ou la libidolibido. L'orgueil en effet nous aide à prendre notre place -- et à la maintenir -- dans la société.
Des études montrent ainsi que l'orgueil peut être un moteur de notre vie. Félicitez quelqu'un pour ses capacités et -- fort de cette confiance en lui qui vous lui aurez transmise -- il se montrera d'autant plus volontaire à s'améliorer encore. D'autres travaux confirment que l'orgueil joue sur notre persévérance et semble aussi agir sur notre capacité d'autocontrôle. Ainsi les plus fiers d'entre nous auraient plus de facilité à résister aux tentations qui pourraient les détourner de leur objectif.
Testostérone et sentiment d’orgueil seraient liés. © Brad Neathery, Unsplash
Peut-être parce que dans notre cerveau, la fierté et la honte activent des circuits neuronaux similaires, du côté du circuit de la récompensecircuit de la récompense, quelque part entre l'amygdale, l'insulainsula, le striatum ventral et le cortex préfrontalcortex préfrontal. Mais que de manière étonnante, l'orgueil est capable de les activer de manière bien plus marquée. Transformant ce sentiment en une sorte de récompense naturelle qui nous aide à adapter nos comportements sociaux.
Le syndrome d’hubris : quand l’orgueil devient maladif
Reste cependant à ne pas tomber dans l'excès. À ne pas devenir accro à soi-même. Car comme les droguesdrogues, l'orgueil pourrait avoir des effets néfastes sur notre cerveaucerveau. À terme, trop de fierté peut nous fragiliser. En anglais, il existe un concept pour qualifier cette sorte d'orgueil démesuré. On l'appelle hubris. Et il peut toucher aussi bien les hommes d'État que nos collègues de bureau après avoir obtenu une promotion.
Car l'acquisition d’un pouvoir semble déclencher des réactions hormonales : une hausse de la testostérone avec pour conséquence une hausse de l'afflux de dopaminedopamine, un précurseur de l'adrénalineadrénaline. Et si à des doses raisonnables, la dopamine booste notre cerveau, en quantité trop importante, elle mène à l'addictionaddiction.
De quoi expliquer peut-être les changements de personnalité que l'on peut parfois observer : un chef d'État qui après son élection devient mégalomane ou un collègue promu qui devient brusquement arrogant. Un excès de confiance en soi mettrait en place une mécanique mentale qui nous empêcherait de nous évaluer à notre juste valeur. D'autant que notre entourage peut trouver quelque chose de rassurant à l'expression de cette confiance et ainsi, nous pousser encore un peu plus à l'orgueil.
Les personnes qui souffrent du syndrome d’hubris font preuve d’un orgueil démesuré. © pathdoc, Fotolia
L’orgueil, péché capital ?
Au regard de toutes ces considérations, la question de maintenir l'orgueil dans la liste des péchés capitaux semble pouvoir légitimement se poser. D'un point de vue scientifique -- et par conséquent, de celui de Futura --, l'orgueil semble résulter de notre évolution. Et il s'avère être un sentiment plutôt positif. Tant qu'il n'est pas poussé à l'extrême.
Car n'oublions pas l'histoire tragique de Narcisse. D'une incroyable beauté, le jeune homme traite les autres avec indifférence et mépris. Un jour, alors qu'il se désaltère dans un étang, il découvre le reflet de son visage. Pris de passion pour son image, il en oublie de manger et de boire... jusqu'à en mourir.