L’envie. Ce désir intense de faire ou de posséder quelque chose. Vous connaissez ? Pour l’Église, c’est toujours péché et même, péché capital ! Et les spécialistes semblent confirmer que ce sentiment nous fait plus de mal que de bien.

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    Dans la tradition catholique, les péchés capitaux ne correspondent pas nécessairement aux péchés les plus graves qui puissent être commis. En revanche, ils sont à l'origine de tous les autres péchés. Et ils sont des péchés que l'on commet pour eux-mêmes. Le catéchisme en liste sept : l'orgueil, l'avarice, l'envie, la colère, la luxure, la gourmandise et la paresse.

    Nous vous proposons aujourd'hui de porter sur l'un d'entre eux, l'envie, un péché un peu particulier -- car l'envieux n'éprouve aucun plaisir dans son défaut --, un regard décalé. Un regard éclairé de quelques considérations scientifiques qui permettront à certains -- nombre d'entre nous, nous allons le voir -- de comprendre ce qui se passe lorsque l'envie les brûle.

    L’envie, lorsqu’elle nous pousse à nous dépasser, peut s’avérer une force motrice. L’envie d’avoir envie ! © johnnyvegas.fr

    L’envie, lorsqu’elle nous pousse à nous dépasser, peut s’avérer une force motrice. L’envie d’avoir envie ! © johnnyvegas.fr

    L’envie : ce que nous apprend la science

    Avant d'aller plus loin, posons le fait qu'envie et jalousie sont deux émotions clairement distinctes. La jalousie renvoie à la peur de perdre quelque chose que l'on possède. Plus exactement en général, à la peur de perdre quelqu'un que l'on souhaite garder auprès de soi. L'envie en revanche correspond au désir ardent de posséder quelque chose que nous n'avons pas. Quelque chose qui, bien entendu, nous rendrait plus heureux : de l'argent, des amis, un métier, etc.

    Ainsi, l'envie s'insinue dans beaucoup de domaines de notre quotidien. Elle pourrait bien être l'émotion la plus partagée de toutes. Pourtant, elle apparaît aussi comme l'une des plus honteuses. Car cette émotion est assurément brutale et toxique. Et les envieux souvent se cachent. À tel point que les scientifiques peinent à étudier ce sentiment.

    Un point semble cependant ressortir des travaux de recherche menés par les psychologues sur le thème de l'envie. Ils assurent que le fait d'avoir tendance à se sentir inférieur ou à imaginer le succès des autres comme un échec personnel prédispose à ce sentiment. Et parlant des autres, il s'agit ici plus exactement de nos pairs. Car dans ce cas, l'objet de l'envie est plus facilement attribué à nos propres limites qu'à des facteurs extérieurs. Ainsi Facebook se poserait-il comme le berceau d'une spirale de l’envie. Selon plusieurs études, de nombreux usagers du réseau socialréseau social ressentiraient de la frustration après avoir parcouru leur murmur. Le bonheur de leurs amis attiserait leur envie. En retour, ils auraient tendance à exagérer leur propre bonheur, provoquant alors l'envie de leurs amis.

    Il semblerait que certains animaux soient capables de ressentir de l’envie. © stveak, Fotolia

    Il semblerait que certains animaux soient capables de ressentir de l’envie. © stveak, Fotolia

    D'autres études montrent que lorsque l'on ressent de l'envie, les régions du cerveau -- comme la zone dorsale du cortexcortex cingulaire antérieur -- impliquées dans la sensation de douleur physique se mettent en branle. Et lorsque soudain, il arrive malheur à l'objet de notre envie, c'est à l'inverse, le circuit de la récompense qui se déclenche, du côté du striatum ventral, par exemple. De manière d'autant plus intense que la sensation d'envie était précédemment grande.

    Les envies des femmes enceintes

    Il est une situation particulière de la vie -- de la vie des femmes, plus exactement -- dans laquelle l'envie semble prendre encore plus de place. La période pendant laquelle une femme est enceinte. Ses envies alors, se tournent essentiellement vers la nourriture. Et tout le monde -- ou presque -- a une explication à apporter au phénomène. Un phénomène pourtant encore très peu étudié par la science.

    Première hypothèse toutefois : les envies des femmes enceintes aideraient à combler des déficits nutritionnels. Certes, l'alimentation de la future maman est cruciale pour le développement du fœtusfœtus. Fer, acide foliqueacide folique, vitaminevitamine B, zinc et magnésium, par exemple, doivent être suffisamment consommés. Mais si les envies des femmes enceintes étaient liées à de telles carencescarences, ne devraient-elles pas aller grandissantes au fil des mois et se tourner vers des aliments sains ? Or ces envies se portent plutôt sur des aliments riches en caloriescalories et gras -- hormis les fruits -- et vont en diminuant avec le développement du fœtus.

    Deuxième hypothèse : les envies des femmes enceintes résultent des bouleversements hormonaux qu'elles vivent. Car sachez qu'en début de grossessegrossesse notamment, œstrogènesœstrogènes et progestéroneprogestérone peuvent atteindre des niveaux trois fois plus élevés que les plus hauts de leurs niveaux habituels. Et cela jouerait sur les perceptions des futures mamans. Sur leur odoratodorat et leur goût, essentiellement. De quoi donc, au moins indirectement, provoquer quelques envies alimentaires parfois étonnantes.

    La fraise, symbole de l’envie chez la femme enceinte. © Marc Fulgar, Unsplash

    La fraise, symbole de l’envie chez la femme enceinte. © Marc Fulgar, Unsplash

    Troisième hypothèse : les envies des femmes enceintes sont psychologiques. Une idée appuyée par une étude qui montre que les objets de ces envies changent selon les cultures. Ainsi aux États-Unis, les femmes enceintes rapportent des envies de chocolat. Au Japon, elles se tournent vers... le riz. Et en Inde, elles rejettent les aliments liés au rôle traditionnel de la femme dans le pays. Le curry, par exemple.

    L’envie, péché capital ?

    Au regard de toutes ces considérations, la question de maintenir l'envie dans la liste des péchés capitaux semble pouvoir légitimement se poser. D'un point de vue scientifique en tout cas -- et par conséquent, de celui de Futura --, l'envie semble à proscrire. Car elle ne procure aucune satisfaction. Et comme le soutiennent les adeptes de la psychologie positive, Tal Ben Shahar, ex-professeur de l'université de Harvard, en tête de file : pour être heureux, arrêtons de nous comparer aux autres !

    C'est d'ailleurs à peu près la morale finale de la légende biblique de Caïn, envieux de son frère, Abel. La Genèse raconte en effet que Dieu refusa son offrande de Caïn pour préférer celle d'Abel. Et le premier, aveuglé par l'envie, péché capital, finit par tuer le second.