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    Une caractéristique que partagent plusieurs des membres de l'Olympe des nombres est la propriété d'« irrationalité ».

    Le sens de l'infini... © Neq00, <em>Wikimedia commons</em>, SP
    Le sens de l'infini... © Neq00, Wikimedia commons, SP

    On dit d'un nombre qu'il est irrationnel lorsqu'il n'est pas le résultat de la division d'un nombre entier par un autre : ainsi, par définition, les nombres 8/5, 1/3 ou encore 287645/1000 sont tous des nombres rationnels (leurs expressions décimales respectives sont 1,6 ; 0,333333... et 287,645). La racine carrée de 2, en revanche, ne s'identifie à aucune fraction. S'il en existe certes qui approchent √2 de façon aussi précise que désirée, comme 7/5 (qui vaut 1,4), 14142/10000 (qui vaut 1,4142) ou encore 577/408 (environ égale à 1,414216), aucune d'elles n'exprime de façon exacte la valeur de la racine carrée de 2, rétive qu'est cette dernière à toute représentation fractionnaire.

    La notion d'irrationalité est l'une des plus importantes de toutes les mathématiques

    Si la racine carrée n'est pas - et de loin - le seul nombre irrationnelnombre irrationnel, deux raisons font toutefois que c'est souvent elle qu'on présente comme premier exemple d'un tel nombre. La première est que, contrairement à d'autres nombres irrationnels « courants » (comme π), il est possible de démontrer le caractère irrationnel de √2 avec très peu de bagage mathématique. Autrement dit, si les irrationnels sont « les plus compliqués des nombres », la racine carrée de 2 est, d'une certaine façon, le plus simple de ces nombres compliqués. La seconde raison est qu'il se peut que la racine carrée de 2 ait été le tout premier nombre identifié comme irrationnel.

    Quelques décennies après Platon, Aristote (photo) évoque une trentaine de fois dans son œuvre « <em>l'incommensurabilité de la diagonale au côté </em>», que nous pouvons traduire en langage moderne par l'affirmation selon laquelle √2 est irrationnelle.
    Quelques décennies après Platon, Aristote (photo) évoque une trentaine de fois dans son œuvre « l'incommensurabilité de la diagonale au côté », que nous pouvons traduire en langage moderne par l'affirmation selon laquelle √2 est irrationnelle.

    Malgré la notoriété que lui vaut son double statut d'irrationnelle et de doyenne putative des nombres reconnus comme tels, il faut tout de même bien reconnaître que la racine carrée de 2 ne retient pas si souvent l'attention. À lire les innombrables présentations générales de la théorie des nombres, le statut mathématique de la racine carrée de 2 semble se borner à celui de l'éternel exemple simple, qui permet d'introduire la notion de nombre irrationnel et d'évoquer quelques faits historiques.

    Est-ce précisément parce qu'elle constitue le pain quotidien des mathématiciens qu'on oublie de s'y intéresser davantage ?

    Peut-être la racine carrée de 2 est-elle d'un usage trop fréquent pour que naisse spontanément l'idée de la regarder avec les mêmes yeuxyeux curieux qui nous poussent à admirer les merveilles cachées et inattendues du nombre Pi.