L’activité de notre Soleil a un impact sur certains de nos systèmes : nos satellites, nos systèmes de communication, etc. Alors, depuis longtemps, les chercheurs tentent de la prévoir. Avec plus ou moins de succès. Mais, aujourd’hui, ils semblent avoir fait un grand pas en ce sens en révélant une « horloge solaire » qui sonne à des heures régulières.


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    Les cycles solaires sont réputés chaotiques. Ils durent en moyenne onze ans. Mais peuvent aussi durer un peu plus ou un peu moins longtemps. Et surtout, passer par un maximum d'activité d'intensité variable. L'ennui, c'est que pendant et après ce maximum, notre Soleil est parfois à l'origine d'une météo spatiale qui peut endommager nos satellites, brouiller nos communications ou encore perturber nos réseaux électriques. Une plus grande prévisibilité serait donc appréciable.

    Et justement, en appliquant une technique mathématique -- une transformation de Hilbert -- habituellement utilisée pour l'analyse de phénomènes cycliques sur Terre -- comme le flux et le refluxreflux des marées --, des chercheurs de l’université de Warwick (Royaume-Uni) ont mis au point une « horloge solaire » bien plus régulière qu'ils ne l'imaginaient possible. Basée sur près de 200 ans d'observations de taches solaires et plus de 150 ans d'enregistrements des éruptions solaires, elle montre que l'activité du Soleil suit un calendrier plus précis que ne le laissaient penser les observations traditionnelles.

    Les cycles cachés dans le cycle irrégulier d’environ 11 ans d’activité solaire et géomagnétique sont cartographiés sur une « horloge solaire ». Les cercles rouges indiquent les maxima des 18 derniers cycles solaires, les cercles verts, les minima, et en bleu, les terminateurs — mise en marche de l’activité au terminateur et arrêt au préterminateur. Le flux radio solaire quotidien est figuré en bleu et l’occurrence des éruptions solaires de classe X — les plus puissantes —, de classe M et de classe C, respectivement par les histogrammes rouge, bleu et vert. Les événements météorologiques spatiaux extrêmes sont représentés par des points noirs disposés sur des cercles concentriques dont le rayon croissant indique la puissance. © Scott McIntosh, NCAR
    Les cycles cachés dans le cycle irrégulier d’environ 11 ans d’activité solaire et géomagnétique sont cartographiés sur une « horloge solaire ». Les cercles rouges indiquent les maxima des 18 derniers cycles solaires, les cercles verts, les minima, et en bleu, les terminateurs — mise en marche de l’activité au terminateur et arrêt au préterminateur. Le flux radio solaire quotidien est figuré en bleu et l’occurrence des éruptions solaires de classe X — les plus puissantes —, de classe M et de classe C, respectivement par les histogrammes rouge, bleu et vert. Les événements météorologiques spatiaux extrêmes sont représentés par des points noirs disposés sur des cercles concentriques dont le rayon croissant indique la puissance. © Scott McIntosh, NCAR

    Mieux prévoir la météo spatiale

    « Les scientifiques passent leur vie à tenter de lire le livre de la nature, raconte Sandra Chapman, physicienne, dans un communiqué. Parfois, un simple nouveau point de vue sur des données fait apparaître un ordre dans ce qui semblait désordonné. » Ce que confirme, dans un autre communiqué, Scott McIntosh, directeur adjoint du Centre national de recherche atmosphérique (NCAR - États-Unis) : « Une fois que vous réalisez que les taches solaires ne sont que le symptômesymptôme du cycle, et pas le cycle en lui-même, un nouvel ordre surgit du chaos. »

    L'« horloge solaire » des chercheurs de l'université de Warwick révèle ainsi de nettes transitions entre périodes calmes et actives. Elle montre aussi que les événements extrêmes se produisent préférentiellement au cours de périodes actives. De quoi enfin espérer de meilleures prévisions de la météométéo solaire et une meilleure planification des infrastructures qui y sont sensibles.


    Surprise : les cycles d'activité solaire se ressemblent depuis 400 ans

    Revenant sur les études de l'activité solaire depuis 400 ans, des chercheurs ont relevé plusieurs erreurs au sein des deux principales méthodes de comptage des taches sombres qui maculent notre étoile et qui sont les témoins de son activité. Les cycles au cours des siècles passés, et même au XVIIIe durant le petit âge glaciaire, seraient équivalents à ceux constatés au XXe, avec des maximums espacés de 11 ans en moyenne. Les niveaux de l'activité solaire n'auraient pratiquement pas changé.

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman paru le 17/02/2015

     

    Sur ce photomontage, les trois plus grandes taches sombres observées sur la photosphère du Soleil depuis 1947 sont réunies. © Hagan Hesley
    Sur ce photomontage, les trois plus grandes taches sombres observées sur la photosphère du Soleil depuis 1947 sont réunies. © Hagan Hesley

    Préoccupée par les divergences dans le dénombrement de taches solaires avant 1885, mise en place par les deux principales sources, l'une européenne et l'autre américaine, une équipe internationale de chercheurs a conduit une enquête visant à reconstituer, le plus près possible de la réalité, l'activité de notre étoile au cours de ces quatre derniers siècles. L'abondance de ces fameuses régions sombres (sunspot, en anglais) qui maculent la surface de l'astre solaire renseigne en effet les scientifiques sur l'intensité de son activité, c'est en quelque sorte son acmé.

    Plus ils sont nombreux, plus leur environnement est lumineux, ce qui se traduit par une étoile sensiblement plus brillante. Le pic d'activité est atteint lorsque leur population est au plus haut. À cet égard, les astronomesastronomes ont pu vérifier que leur périodicité moyenne reste de 11 ans, avec toutefois des variations importantes dans l'abondance des taches, d'un cycle à l'autre.

    Le minimum de Maunder, entre 1645 et 1715, est un exemple célèbre auquel on attribue en partie la responsabilité du petit âge glaciaire qui avait frappé certaines régions de l'hémisphère nordhémisphère nord. Les gros points noirs avaient alors presque déserté le Soleil, ce qui aurait donc eu un impact non négligeable sur le climat de notre biosphèrebiosphère.

    Nombre de taches sombres recensées à la surface du Soleil au fil des siècles. © Observatoire royal de Belgique, SILSO graphics
    Nombre de taches sombres recensées à la surface du Soleil au fil des siècles. © Observatoire royal de Belgique, SILSO graphics

    Divergences entre les sources

    « Une bonne estimation de l'activité passée et présente du Soleil, notre principale source de lumièrelumière et de chaleurchaleur, est cruciale pour la compréhension des nombreux phénomènes qui se produisent sur Terre, commente Jos M. Vaquero (University of Extremadura, Espagne), coauteur de cette étude publiée dans la revue Space Science Reviewsplus particulièrement pour exclure l'implication de notre étoile dans le réchauffement global. »

    Dans leurs recherches, l'équipe a par ailleurs constaté que le XXe siècle n'a pas l'apanage des pics les plus forts (comme en 1959). Pour le professeur Vaquero, « cela a été une énorme surprise d'observer qu'au cours du XVIIIe siècle, les niveaux de l'activité solaire étaient pratiquement les mêmes que maintenant ».

    Le problème auquel se sont heurtés les chercheurs « est qu'il existe deux indices ou façons historiques de calculer l'activité solaire et que leurs données ne coïncident pas quand il s'agit de décrire ce qui s'est passé avant le XXe siècle ». Le premier, nommé International Sunspot Number, fut créé en 1849 par l'astronome suisse Johann Rudolph Wolf. L'observatoire royal de Belgique qui participe à ces recherches (associé à l'université Stanford et le US National Solar Observatory) a adopté cette méthode, à l'instar de centaines d'autres -- dont beaucoup d'amateurs -- dans le monde. Le second, désigné Group Sunspot Number, fut lancé en 1998 par les Américains Douglas V. Hoyt et K.H. Schatten. « (...) Le catalogue américain montre un niveau plus bas de l'activité solaire que l'européen, note Vaquero, ce qui cause de la confusion et des contradictions lorsque le nombre de taches solaires est utilisé dans les recherches modernes en ce qui concerne la dynamodynamo ou le forçage solaire sur le système climatique terrestre, par exemple. »

    Les erreurs mises en évidence dans les deux indices ont pu être en partie corrigées grâce aux données compilées dans les catalogues de taches solaires de l'observatoire de l'université de ValenceValence, pour la période 1920 à 1928, et de celui de l'observatoire de Madrid, de 1876 à 1986.