Vladimir Poutine a déclenché ce jeudi 24 février 2022, une « opération militaire spéciale » en Ukraine. Et parmi les premières cibles de l’armée russe : la centrale nucléaire de Tchernobyl. Le site est d’ailleurs passé dans leurs mains dès hier soir. À quel point devons-nous nous en inquiéter ?


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    C'est officiel depuis quelques heures. Les forces russes se sont emparées de Tchernobyl et de sa centrale ce jeudi 24 février 2022. Celle que tout le monde connait comme le lieu de la pire catastrophe nucléaire de l'histoire. Pourtant, le dernier réacteur de la centrale a été fermé il y a plus de 20 ans maintenant. C'était le 15 décembre 2000, très exactement. Alors pourquoi cette attaque et y a-t-il quelque chose à craindre de ce côté ?

    « Il est impossible de dire que la centrale nucléairecentrale nucléaire de Tchernobyl est sûre », déclarait hier le conseiller présidentiel ukrainien Myhailo Podolyak. De quoi semer un peu plus le doute dans les esprits.

    Le saviez-vous ?

    Le 26 avril 1986, plusieurs explosions ont été enregistrées dans le réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, située alors dans une Ukraine sous domination soviétique. Un accident dramatique qui a libéré 400 fois plus de rayonnements que la bombe atomique larguée sur Hiroshima.

    Et les publications du parlement ukrainien entretiennent encore un peu plus cette peur ce matin. Elles rapportent en effet une augmentation des radiations -- des rayonnements gamma, notamment -- sur la zone d’exclusion du site de Tchernobyl. Une zone interdite qui s'étend sur plusieurs milliers de kilomètres carrés.

    En 1986, le nuage radioactif de triste réputation a été provoqué par le fait que le cœur du réacteur en fusion est resté à l’air libre pendant des jours et des jours. Des particules radioactives ont ainsi pu être envoyées dans la haute atmosphère, sous l’effet de la chaleur. Elles ont ensuite circulé sur une grande partie du globe. Mais une explosion ne provoquerait aujourd’hui pas le même effet. La pollution engendrée resterait locale. © Camp’s, Adobe Stock
    En 1986, le nuage radioactif de triste réputation a été provoqué par le fait que le cœur du réacteur en fusion est resté à l’air libre pendant des jours et des jours. Des particules radioactives ont ainsi pu être envoyées dans la haute atmosphère, sous l’effet de la chaleur. Elles ont ensuite circulé sur une grande partie du globe. Mais une explosion ne provoquerait aujourd’hui pas le même effet. La pollution engendrée resterait locale. © Camp’s, Adobe Stock

    Des installations toujours intactes

    Dans un communiqué, l'Agence internationale de l'énergie atomique confirme suivre la situation de très près. Elle note pourtant que l'attaque russe ne semble avoir occasionné aucun dommage sur l'installation. Laissant penser que le New Safe Confinement, un sarcophage posé sur le réacteur n° 4 il y a quelques années pour sceller les matières radioactives continue -- pour l'instant au moins -- de jouer son rôle. Idem pour les installations qui stockent les déchets nucléaires.

    Pourquoi, alors, une hausse aurait-elle été observée dans les radiations ? Selon plusieurs experts, y compris ceux de l'Inspection d'État pour la réglementation nucléaire de l'Ukraine, elle pourrait très bien être « simplement » due à un sol hautement contaminé qui a forcément été remué par les mouvements de troupes, les chars et les hélicoptères qui ont manœuvré dans la zone ces dernières heures, libérant des poussières radioactives dans l'airair. Mais si ces radiations pourraient avoir ainsi dépassé les « niveaux de contrôle », elles ne semblent pas pour autant, avoir atteint un niveau réellement préoccupant -- qui en plus, ne le serait très vraisemblablement « seulement » que pour la population locale.

    Les soldats -- aussi bien ukrainiens que russes -- présents sur le site -- et les employés ukrainiens qui y seraient retenus en otages --, en revanche, pourraient se voir surexposés s'ils venaient à demeurer trop longtemps dans des zones de fortes radiations. Affaire à suivre...

    La centrale nucléaire de Tchernobyl, une cible stratégique

    En attendant, reste à comprendre la raison pour laquelle les troupes russes ont cherché, dans les toutes premières heures de la guerre. Pour faire peur, certainement. Parce que s'attaquer à une centrale nucléaire, fut-elle à l'arrêt, ça fait toujours peur. Et encore un peu plus, sans doute lorsqu'il s'agit de la déjà tristement célèbre centrale nucléaire de Tchernobyl.

    Mais aussi, et peut-être même surtout, selon les experts, parce que le site reste stratégique pour le réseau électrique. Il constituerait même un point névralgique du réseau haute tensionhaute tension de l'Europe de l'est. Une porteporte d'entrée, notamment, vers le réseau biélorusse.

    En revanche, l'idée qui a couru que les Russes espèrent ainsi s'emparer du combustiblecombustible nucléaire usagé stocké sur le site pour fabriquer une bombe dite sale semble plutôt farfelue. D'abord parce que les Russes disposent de tout ce dont ils ont besoin pour concevoir une telle bombe, s'ils le souhaitent. Un stock d'uraniumuranium et de plutoniumplutonium de qualité militaire alors que le combustible issu des réacteurs de Tchernobyl n'est enrichi qu'à quelques petits pour cent et qu'il faut un combustible enrichi à plus de 90 % pour fabriquer une bombe atomique. Sans parler de l'arsenal nucléaire dont la Russie dispose déjà...