Les ordinateurs quantiques de demain ont encore bien des obstacles à franchir. Parmi eux, la radioactivité naturelle n'est pas des moindres. Sans un effort pour limiter son impact, les chercheurs prédisent qu'elle pourrait sévèrement handicaper l'avancement de l'informatique quantique.


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    L'informatique quantique est une science requérant autant de minutie que de patience. Essayez de construire un château de cartes à l'extérieur un jour d'ouraganouragan, et vous aurez un aperçu du défi posé par l'exploration et l'exploitation de superpositions d'états quantiques, des créatures si susceptibles qu'elles s'effondrent à la moindre contrariété (on parle alors de décohérence). Afin de ne pas froisser ces participantes cruciales au bon fonctionnement d'un ordinateur quantique, les chercheurs sont contraints de travailler dans des environnements ultra-contrôlés à l'abri de toute interférence néfaste. Mais certains éléments sont plus difficiles à contrôler que d'autres.

    Qubits supraconducteurs et rayonnement

    Une équipe multidisciplinaire vient en effet de démontrer que la radioactivité naturelle pourrait contrarier les efforts des informaticiens quantiques. « Notre étude est la première à démontrer clairement que le rayonnement ionisant à niveau faible dégrade la performance des qubits supraconducteurs. », annonce John Orrell, chercheur au Pacific Northwest National Laboratory et auteur principal de l'étude, parue dans la revue Nature. « Ces résultats suggèrent qu'un bouclier antiradiation devra être nécessaire pour atteindre la performance longtemps attendue pour les ordinateurs quantiques de ce type. »

    Quelques définitions s'imposent. Le qubit est à l'ordinateur quantique ce que le bit est à l'ordinateur classique. De manière schématique, plutôt que d'être représenté par un 1 ou un 0, le qubit incarne les deux à la fois dans ce que l'on appelle une superposition quantique, un équilibre fragile difficile à maintenir, surtout lorsque l'on commence à ajouter de nouveaux qubits. Les qubits supraconducteurs sont les candidats les plus prometteurs dans la fabrication d'ordinateurs quantiques stables à grande échelle : le record actuel est détenu par la puce Bristlecone, comptabilisant 72 qubits. Le rayonnement ionisant désigne, quant à lui, une gamme de la radioactivité naturelle suffisamment puissante pour être capable d'ioniser les atomesatomes (comme les rayons Xrayons X et gamma).

    Un circuit quantique supraconducteur. © Erik Lucero
    Un circuit quantique supraconducteur. © Erik Lucero

    Un ennemi invisible mais puissant

    La radioactivité naturelle est partout autour de nous : elle provient de nos portables, du macadam, des bananesbananes ou encore de l'espace. Mais certaines formes de radiations sont plus problématiques que d'autres pour les informaticiens quantiques. Il en va ainsi du rayonnement ionisant : « nous avons découvert que la mise en pratique de l'informatique quantique avec ces appareils ne sera pas possible à moins que nous ne réglions le problème du rayonnement », commente le physicienphysicien Brent VanDevender, coauteur. Le rayonnement brise les paires d'électronsélectrons transportant habituellement le courant à l'intérieur du supraconducteur. Lorsque les paires sont rompues, le courant rencontre une plus grande résistancerésistance, qui détruit l'équilibre subtil des qubits.

    Ces résultats pourraient avoir un impact sur un autre champ d'étude : la recherche de matière noirematière noire. En effet, certains détecteurs de matière noire emploient eux aussi la supraconductivitésupraconductivité et doivent pareillement être protégés des radiations. « En comprenant mieux ce processus nous pourrons créer des capteurscapteurs supraconducteurs plus performants et aboutir à une recherche de la matière noire plus fine », conclut le physicien Ben Loer.