Ce n'est pas encore la fin des instruments de spectroscopie (RMN) lourds et volumineux, qui exploitent des aimants supraconducteurs. Mais des chercheurs allemands ont démontré que le champ magnétique terrestre pourrait être utilisé pour les mêmes applications, avec une plus grande précision des mesures.

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    Fig.2 - Le dispositif de spectroscopie « à l'air libre » utilisant le champ magnétique terrestre

    Fig.2 - Le dispositif de spectroscopie « à l'air libre » utilisant le champ magnétique terrestre

    La spectroscopie RMN à très haute résolutionrésolution (résonance magnétique nucléairerésonance magnétique nucléaire) est un outil puissant pour explorer la matière de façon non destructive. On la connaît bien car elle est utilisée en médecine avec l'IRM (imagerie par résonance magnétiqueimagerie par résonance magnétique) pour détecter des tumeurstumeurs. On s'en sert aussi en chimie.

    Son fonctionnement repose aujourd'hui sur l'emploi d'aimants très puissants. En effet la matière est composée de particules (les noyaux des atomes notamment) qui se comportent comme autant d'aimants microscopiques. A l'état naturel, les particules sont orientées de façon hétérogène, un peu « dans tous les sens ». On va tout d'abord les aligner par l'application d'un champ magnétiquechamp magnétique externe, puis les diriger perpendiculairement à ce champ à l'aide d'une stimulationstimulation énergétique, puis cesser cette stimulation : les particules retrouvent alors spontanément leur état initial en émettant un signal dit RMN qui permet de déterminer la nature de la matière.

    La méthode est efficace et assez fiable. Seul (gros) problème : les aimants employés pour créer les champs magnétiques sont lourds, volumineux... et chers. Car à l'origine des signaux de RMN il y a le phénomène naturel de « spinspin nucléaire ». Cette propriété correspond grossièrement à une notion d'alignement des noyaux des atomes. Pour l'activer et l'analyser il faut des champs magnétiques très homogènes, que l'on doit produire artificiellement à l'aide d'aimants supraconducteurssupraconducteurs.

    L'équipe allemande du Dr. Stephan Appelt, du Research Centre Jülich (1) étudie depuis quelques temps l'exploitation éventuelle du champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre, en association avec l'Aachen University of Technology. Les physiciensphysiciens ont en effet découvert que le champ magnétique naturel serait suffisamment fort pour permettre certaines analyses RMN. L'explication réside dans le fait qu'il est beaucoup plus homogène qu'un champ créé artificiellement.

    Fig. 1 - Schéma de la sonde RMN du spectromètre placée dans l'alignement du champ magnétique terrestre<br />crédits : Helmholtz Association institution

    Fig. 1 - Schéma de la sonde RMN du spectromètre placée dans l'alignement du champ magnétique terrestre
    crédits : Helmholtz Association institution

    20 000 fois moins fort, dix fois plus précis

    Les chercheurs allemands ont d'abord pu démontrer que sous certaines conditions (2) , dans un gazgaz inerte comme le Xenon, il est possible de modifier le mouvementmouvement de spin des noyaux et donc l'alignement des particules à l'aide d'un laserlaser (Fig. 2), un faible champ magnétique permettant ensuite l'analyse là où on se sert aujourd'hui d'aimants très forts. Ainsi le champ produit par la terre, bien que 20 000 fois inférieur aux aimants supraconducteurs, serait suffisant...

    L'équipe est allée plus loin, en démontrant la faisabilité et surtout en mesurant la précision d'une spectroscopie RMN à très haute résolution par le champ magnétique terrestre, dans des échantillons à l'état liquideétat liquide de noyaux d'hydrogènehydrogène (des protonsprotons), de lithiumlithium et de fluorfluor. Les échantillons sont d'abord placés dans un aimant dit de Hallbach qui les pré-polarise (les aligne), puis ils sont transportés en moins de deux secondes dans la sonde RMN d'un spectromètrespectromètre qui subit une rotation de 90° afin de se placer dans l'alignement du champ magnétique terrestre. Alors intervient l'excitation décrite plus haut et les signaux émis dans les échantillons peuvent être mesurés (Fig. 1).

    Les résultats sont étonnants : « La précision obtenue dans la mesure est meilleure d'au mois un ordre de grandeurordre de grandeur par rapport à celle affichée avec des aimants supraconducteurs » a déclaré l'équipe à la lettre spécialisée Naturephysics. Cette précision permet de déterminer aussi bien la structure chimique de petites moléculesmolécules que de macromoléculesmacromolécules.

    A côté des analyses chimiques, qui pourraient ainsi être pratiquées directement sur le terrain « à l'airair libre » (pour des hydrocarbureshydrocarbures), des applications en géophysiques sont envisageables, comme la surveillance du champ magnétique terrestre lui-même avec une très grande précision, en particulier au voisinage des failles de rupture pour mieux comprendre et prévenir les tremblements de terretremblements de terre... On pourrait même mesurer le vent solairevent solaire, constitué de particules émises par le soleilsoleil et déviées par le champ magnétique terrestre. Et, bien sûr, il y a l'exploration médicale, réalisée à des coûts moins élevés.

    (1) Chemical analysis by ultralight-resolution nuclear magnetic resonance in the Earth's magnetic field, Nature Physics, 22 january.
    (2) Zentralinstitut für Elektronik, Forschungszentrum Jülich, D-52425 Jülich, Germany