La Nasa a bien du mal à trouver un site sur l'astéroïde Bennu où la sonde Osiris-Rex ira prélever des échantillons pour les rapporter sur Terre. Quatre ont donc été présélectionnés. Le Français Patrick Michel, directeur de recherches au CNRS et membre de l'équipe de la mission, qui a participé à cette sélection, nous explique pourquoi ce choix a été compliqué.


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    Depuis son arrivée en décembre 2018 autour de Bennu, la sonde Osiris-Rex a cartographié l'astéroïde afin d'identifier les sites les plus sûrs et les plus accessibles pour le prélèvement d'un échantillon. Ces quatre sites vont maintenant être étudiés plus en détail afin d'en retenir deux. Le choix du site principal et de celui de secours sera annoncé en décembre. La collecte d'échantillons Osiris-RexOsiris-Rex est prévue pour le second semestre de 2020 ; la navette spatiale renverra les échantillons d'astéroïdes sur Terre le 24 septembre 2023.

    Patrick Michel, astrophysicienastrophysicien et directeur de recherches au CNRS est également membre des équipes scientifiques de Hayabusa-2Hayabusa-2 et d'Osiris-Rex. Il a participé à la sélection des sites et nous explique « pourquoi le processus de sélection de ces quatre sites n'a pas été aussi simple que prévu ».

    Initialement, la Nasa souhaitait sélectionner plusieurs sites candidats, mais comme pour RyuguRyugu (mission Hayabusa-2) quand la sonde Osiris-Rex est arrivée sur Bennu, en décembre 2018, « nous avons eu la grande surprise de découvrir un monde sur lequel aucune zone n'est adaptée à la récolte d'échantillons comme prévu, avec une précision à l'atterrissage de 25 mètres en rayon ! » Si scientifiquement ce terrain autant accidenté « était fascinant », techniquement « ça nous a posé un certain nombre de problèmes ».

    Concrètement, il a été nécessaire d'identifier toutes « les zones sans gros rocher, de mesurer leur taille et en parallèle de revoir complètement la stratégie de descente pour atteindre une précision à l'atterrissage correspondant à ces nouvelles dimensions ». Du fait, et contrairement à Hayabusa-2, Osiris-Rex s'est mise en orbite autour de Bennu, puis a effectué des « opérations permettant de vraiment découvrir l'intégralité de sa surface, sous différents angles, avec des images d'une qualité extraordinaire et des données altimétriques et spectrales d'une grande précision ».

    À partir de ces observations, il a été possible d'identifier « quelques zones larges de 5 à 10 mètres au plus », permettant à Osiris-Rex de réaliser un éventuel atterrissage qui s'apparente plutôt à un touch and go car le « mécanisme de la sonde ne touche le sol que quelques secondes ». À cette contrainte technique s'en ajoute une autre. Le mécanisme de récolte ne pouvant collecter que « des grains de taille inférieure à 2,5 centimètres de diamètre ». Il a fallu aussi faire de « gros efforts pour déterminer dans les zones potentiellement adaptées » si, sur la base des images acquises, « dont la résolutionrésolution ne permet pas de discerner des objets aussi petits », il y aurait éventuellement des « grains de cette taille ou plus petits ». 

    Le saviez-vous ?

    Pour l'anecdote, et pas que, Brian May, astrophysicien et guitariste du groupe Queen, a effectué avec sa collaboratrice Claudia Manzoni, des paires stéréoscopiques des images des sites candidats permettant de les visualiser en 3D, ce qui fut extrêmement utile à l'équipe chargée de sélectionner les sites d'échantillonnage.

    Pour que la sonde puisse cibler avec précision un site plus petit, la Nasa a réévalué les capacités opérationnelles de la sonde afin d'optimiser ses performances. La mission a également resserré ses exigences en matière de navigation pour la guider vers la surface de l'astéroïde et a mis au point une nouvelle technique d'échantillonnageéchantillonnage appelée « Bullseye TAG », qui « utilise des images de la surface de l'astéroïde pour naviguer avec une précision élevée jusqu'à la surface réelle ».

    « Ce fut un exercice passionnant » et l'équipe de la mission s'est réunie en juin à Tucson (Arizona) au centre scientifique de la mission, pour étudier les « 16 sites candidats sélectionnés pour potentiellement réduire à deux sites ». Finalement, le comité exécutif a « fait le choix de retenir quatre sites, pour effectuer des survolssurvols et ainsi finaliser le choix de deux sites ». Ces quatre sites d'échantillonnage ont été baptisés Nightingale, Kingfisher, Osprey et Sandpiper, des noms d'oiseaux originaires d'Égypte.

    Kingfisher, un des quatre sites présélectionnés pour un prélèvement d'échantillons. La zone visée mesure seulement cinq mètres de diamètre (cercle blanc). © Nasa/Goddard/University of Arizona
    Kingfisher, un des quatre sites présélectionnés pour un prélèvement d'échantillons. La zone visée mesure seulement cinq mètres de diamètre (cercle blanc). © Nasa/Goddard/University of Arizona

    Ces quatre sites sont tous très intéressants et le choix n'a « évidemment pas été simple sur la base des donnéesbase des données actuelles » car ils ont « tous des avantages et des inconvénients qui diffèrent selon la perception personnelle de chaque membre de l'équipe de sélection ». Par exemple, certains ont plus de rochers qui les entourent que les autres, ce qui peut sembler plus risqué. Si on s'intéresse aux minérauxminéraux hydratés, l'un des sites (Kingfisher) a la plus forte signature spectrale de ces éléments. Si l'on s'intéresse aux matériaux carbonés, Osprey a la plus forte signature spectrale de ces matériaux. Etc.

    Avec Osiris-Rex, de beaux défis et de belles données en perspective nous attendent

    « Avec Osiris-Rex, de beaux défis et de belles données en perspective nous attendent, ce qui nous aidera à approfondir nos connaissances de ce petit corps fascinant et ce qu'il nous raconte sur l'histoire du Système Solaire », confie Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS et membre de l'équipe scientifique de la mission.

    Les opérations de cet automneautomne vont permettre de « retenir le site sur lequel sera prélevé des échantillons et un second de secours ». Pour cela, la sonde réalisera des survols des quatre sites depuis une altitude de seulement 1,29 kilomètre afin de « confirmer qu'ils ne présentent pas de risque et qu'ils contiennent du matériaumatériau (de bonne dimension) que le mécanisme peut collecter ». Les images attendues de ces survols seront d'une très grande résolution et ce sera encore beaucoup mieux quand, début 2020, Osiris-Rex survolera encore plus bas les deux sites restant.