Deux publications récentes mettent en cause l’étude de bioéquivalence qui a permis à Merck de remplacer l'ancienne formule du Levothyrox par la nouvelle en 2017. Les moyennes obtenues lors de cette étude masqueraient la réalité des situations individuelles.
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En France, environ 2,5 millions de personnes prennent de la lévothyroxine, en grande majorité sous la forme de Levothyrox. Une nouvelle formule de ce médicament est arrivée dans les pharmacies en mars 2017. Seuls les excipients changeaient, le lactose de l'ancienne formule étant remplacé par le mannitol et l'acide citriqueacide citrique. Ce changement de formule a été justifié par le souci d'avoir une meilleure stabilité du produit.
Suite à l'arrivée du nouveau Levothyrox, des milliers de patients ont déclaré des effets secondaires. L'affaire est même arrivée devant la justice, avec une action collective au tribunal de Lyon, mais les plaignants ont été déboutés de leur demande. En parallèle, l'ANSM a considéré que seul 1,43 % des patients avaient déclaré des effets secondaires.
Cependant, les travaux d'une équipe franco-britannique semblent donner raison aux patients. Ils ont fait l'objet de deux publications scientifiques. Les chercheurs des universités de Toulouse et de Londres se sont intéressés à l'étude de bioéquivalence réalisée par Merck pour savoir si l'ancienne et la nouvelle formule du Levothyrox étaient interchangeables. Avant de commencer un traitement avec la lévothyroxine, un dosagedosage des hormones thyroïdiennes est généralement préconisé pour estimer la bonne dose de médicament nécessaire. Si les deux formules de Levothyrox sont bien équivalentes, alors les patients peuvent passer de l'une à l'autre sans problème.
Les moyennes cachent des situations individuelles problématiques
L'étude de bioéquivalence a inclus 204 personnes en bonne santé, âgées de 18 à 50 ans (59 % d'hommes). Pour savoir si les deux formulations étaient équivalentes, les volontaires ont pris une des deux formules, l'ancienne ou la nouvelle, et les variations de l'hormone ont été mesurées dans le sang. Plus tard, les scientifiques ont testé l'autre formule pour comparer et sont arrivés à la conclusion que l'ancien médicament pouvait être remplacé par le nouveau.
Un premier article paru dans la revue Clinical Pharmacokinetics a critiqué cette étude de Merck. En effet, les auteurs relèvent que chez plus de la moitié des participants, la bioéquivalence du produit n'était pas établie : le caractère substituable du médicament n'est donc pas démontré chez eux !
Plusieurs hypothèses pourraient expliquer que certaines personnes développent des effets secondaires. Par exemple, chez les patients, l'absorption du médicament peut être différente par rapport à des sujets en bonne santé. De plus, le mannitol, excipient présent dans la nouvelle formule et absent de l'ancienne, influencerait la fonction intestinale et donc la biodisponibilitébiodisponibilité de la lévothyroxine.
Dans un nouvel article paru cette semaine, la même équipe s'interroge sur le fait que Merck ait inclus plus de 200 personnes dans cette étude. En effet, ce type d'étude de bioéquivalence se réalise souvent sur bien moins de sujets. Or d'après Pierre-Louis Toutain, un des auteurs de cette recherche, plus le nombre de participants est important, plus il est facile d'obtenir un résultat qui entre dans l'intervalle de confiance fixé (0,9-1,1) : « Si on avait pris un nombre classique de sujets (entre 24 et 48, mais pas 200), ce ne serait pas passé. » L'intervalle de confiance donne un degré de sûreté du résultat. Un intervalle de confiance restreint à 0,9-1,1 semble assurer une certaine sécurité du résultat, mais ce choix « est annulé par le fait que l'on prend beaucoup de sujets ».
Levothyrox : l'ancienne formule ne sera plus disponible après 2018
Article de Futura avec l'AFP-relaxnews paru le 15 décembre 2017
Le laboratoire Merck a affirmé qu'il ne prévoyait pas de distribuer l'ancienne formule du Levothyrox en France au-delà de 2018. Le médicament sera remplacé dans les autres pays européens. Cette annonce a provoqué la colère des associations de patients.
« Nous n'allons pas éternellement réimporter [l'ancienne formule du Levothyrox en France] », a prévenu lors d'une conférence de presse Thierry Hulot, le patron des activités biopharmaceutiques du groupe allemand Merck en France. Il a précisé qu'une nouvelle importation était prévue très prochainement pour que le pays puisse tenir jusqu'à mars et indiqué que le laboratoire était éventuellement prêt à en réimporter un peu plus longtemps encore, le temps que des traitements alternatifs soient disponibles, mais sans vouloir donner de date butoir.
L'ancienne formule, importée d'Allemagne vers la France et qui porteporte le nom d'Euthyrox, ne pourra néanmoins pas continuer à être distribuée dans l'Hexagone une fois que les autres pays européens seront passés à la nouvelle formule, ce qui devrait se faire « courant 2018 », a précisé Thierry Hulot.
“C'est du raisonnement d'industriel, où on se fiche complètement des malades.”
« C'est du raisonnement d'industriel, où on se fiche complètement des malades », a réagi Beate Bartès, présidente de Vivre sans thyroïde, qui juge la décision « prématurée ». « Très en colère », elle espère « toujours infléchir la tendance » pour « qu'il y ait en permanence les deux formules ».
De son côté, le ministère des Solidarités et de la Santé a demandé au laboratoire de continuer à fournir de l'Euthyrox jusqu'en 2018, selon une information de Sud Radio. Cette demande vise à laisser du temps aux patients pour se tourner vers un autre produit tout en évitant « une transition brutale », a confirmé à l'AFP le ministère, qui souhaite un réapprovisionnement jusqu'à la fin de l'année. Merck a réagi en indiquant qu'il était « en dialogue permanent » avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)).
L'Euthyrox, l'ancienne formule tant convoitée
L'Euthyrox a fait son retour dans les pharmacies françaises début octobre alors que la nouvelle formule, vendue en France depuis mars, a été accusée cet été d'avoir provoqué de nombreux effets indésirables. Selon Thierry Hulot, ces effets imputés au Levothyrox concernent 22.000 à 25.000 patients français sur trois millions. « Respectons-les et aidons-les », a-t-il poursuivi en conseillant à ces malades de prendre rendez-vous au plus vite avec leur médecin, afin d'identifier une « forme pérenne de traitement » avant que l'Euthyrox ne soit plus disponible.
Quelque 100.000 personnes n'ont pas de traitement pérenne et ont donc recours à l'ancienne formule importée par Merck. Alors que plusieurs patients se plaignent d'un mauvais accès à l'ancienne formule, Thierry Hulot s'est dédouané en affirmant que « face à l'aspect émotionnel », beaucoup de pharmacies avaient passé des commandes « sans besoin ». Pour éviter la pénurie, il a donc enjoint aux distributeurs de ne commander de l'Euthyrox que sur présentation d'une ordonnance. Selon lui, le laps de temps que laisse encore Merck doit permettre à des laboratoires concurrents de proposer d'autres traitements, basés sur le même principe actifprincipe actif.
Avec l'arrivée de la nouvelle formule, Merck s'était retrouvé en situation de monopole en France. Plusieurs autres traitements sont désormais disponibles comme le L-Thyroxin Henning du Français Sanofi, le L-ThyroxineThyroxine (gouttesgouttes) du belge Serb ou, depuis une semaine, le Thyrofix, un générique du laboratoire suisse Unipharma, déjà commercialisé en Grèce et aux Pays-Bas. Un autre médicament est actuellement examiné par l'ANSM.
Merck a été condamné le 14 novembre par le Tribunal de grande instance de Toulouse à fournir « sans délai, le produit ancienne formule ». D'autres procédures judiciaires sont en cours, notamment pour « défaut d'information » et « préjudice d'angoisse ».
Levothyrox : un autre médicament alternatif disponible en décembre
Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews paru le 20 novembre 2017
Plusieurs solutions sont désormais proposées aux patients qui souffrent d'effets secondaires liés au nouveau Levothyrox. Début décembre, le Thyrofix (Unipharma) sera disponible, ce qui portera à cinq le nombre de médicaments pour les malades de la thyroïdethyroïde.
Le Thyrofix, du laboratoire Unipharma, sera disponible à partir de la première semaine de décembre. « Il s'agit d'un médicament générique qui dispose d'une autorisation de mise sur le marchéautorisation de mise sur le marché en France depuis le 20 septembre », a précisé la Direction générale de la santé (DGS) dans un communiqué. « Par ailleurs, l'Agence du médicament (ANSM) étudie l'arrivée de nouvelles spécialités, notamment sous une forme galénique [aspect physiquephysique, NDLRNDLR] différente », a ajouté la DGS.
La nouvelle formule du Levothyrox a été mise sur le marché en mars, mais certains patients se sont rapidement plaints d'effets secondaires. Face à leur colère, les autorités de santé ont dû mettre en place des alternatives, alors que le Levothyrox (Merck) était jusque-là en situation de quasi-monopole, avec quelque trois millions d'usagers.
Le saviez-vous ?
Les maladies de la thyroïde sont de plus en plus fréquentes depuis une trentaine d’années. Les patients souffrant d’hypothyroïdie prennent un traitement hormonal substitutif qui vise à remplacer l’hormone thyroïdienne manquante (la thyroxine) par une hormone de synthèse, la lévothyroxine.
Des stocks de l'ancienne formule ont été importés d'Allemagne de façon transitoire, sous le nom d'Euthyrox. Selon les chiffres du ministère, 198.720 boîtes d'Euthyrox importées ont été mises à disposition des patients à partir du 2 octobre. « À ce jour, 150.000 traitements ont été dispensés », selon la DGS. « Des quantités comparables seront à nouveau importées et disponibles dans les officines à compter de mi-décembre pour laisser le temps aux patients de se reporter vers les alternatives disponibles ».
Mardi, le tribunal de grande instance de Toulouse a ordonné à Merck de délivrer « sans délai » l'ancienne formule du Levothyrox à 25 patients de Haute-Garonne qui se plaignaient de « graves troubles ». Les associations espèrent que ce jugement fera jurisprudence.
De nouvelles boîtes attendues en pharmacie
La deuxième alternative est le L-Thyroxin Henning (Sanofi). « Depuis sa mise sur le marché le 16 octobre, plus de 300.000 boîtes ont été mises à disposition », indique la DGS, selon laquelle « près de 200.000 traitements ont été à ce jour dispensés ».
« D'ici la fin décembre, plus de 400.000 boîtes supplémentaires sont attendues », poursuit-elle en rappelant que ce médicament est « mis à disposition de manière pérenne » en France, contrairement à l'Euthyrox.
“Dans tous les cas, les patients ne doivent jamais arrêter ou modifier leur traitement sans avis médical.”
Enfin, la dernière alternative au Levothyrox est la L-Thyroxine (Serb), qui se prend sous forme de gouttes. Ce médicament est le seul qui était déjà présent sur le marché aux côtés du Levothyrox avant le début de la crise, mais il était indiqué en priorité pour les enfants et les personnes qui ont des troubles de la déglutition. Depuis octobre, la production en a été augmentée « à hauteur de 18.000 flacons par semaine » pour « répondre aux demandes supplémentaires », selon la DGS.
Les autorités de santé insistent sur le fait que les patients qui ne rencontrent pas de problème avec la nouvelle formule du Levothyrox ne doivent pas changer de traitement. « Dans tous les cas, les patients ne doivent jamais arrêter ou modifier leur traitement sans avis médical », souligne la DGS.
Thyroïde : cinq remplaçants du Levothyrox bientôt disponibles
Article de Futura avec l'AFP-Relaxnews paru le 20 octobre 2017
La ministre de la Santé vient d'annoncer la mise en vente dès le mois prochain de nouveaux médicaments contre l'hypothyroïdiehypothyroïdie, qui pourront donc se substituer au Levothyrox.
Les malades de la thyroïde, dont certains ont dénoncé des effets secondaires de la nouvelle version du Levothyrox, disposeront de « cinq médicaments différents » à partir de la « mi-novembre », a indiqué jeudi la ministre de la Santé Agnès Buzyn. « Nous aurons le choix entre cinq moléculesmolécules différentes, cinq médicaments différents de marques différentes à partir de mi-novembre », a-t-elle précisé sur CNews, sans détailler exactement lesquels.
Face à la colère de patients signalant des effets secondaires d'une nouvelle formule du Levothyrox, la ministre de la Santé avait annoncé le 15 septembre le retour sous quinze jours de l'ancienne formule de ce médicament (baptisée Euthyrox) avant l'arrivée de médicaments alternatifs. Importées d'Allemagne, 190.000 boîtes de 100 comprimés d'Euthyrox en 8 dosages différents ont été acheminées en France. L'Euthyrox est fabriqué par le laboratoire allemand Merck comme le Levothyrox.
Le Levothyrox n'a plus le monopole
« Il reste aujourd'hui 60.000 boîtes » de cette ancienne formule du Levothyrox, a détaillé Agnès Buzyn « mais c'était vraiment pour passer un cap, [...] en attendant que de nouvelles marques soient disponibles ». Un premier médicament alternatif, le L-Thyroxin Henning (laboratoire Sanofi), est disponible depuis lundi. « 220.000 boîtes viennent d'être livrées », a précisé la ministre. « Et une à deux autres marques vont arriver en novembre », a-t-elle ajouté.
Jusqu'à cette crise, le Levothyrox était en situation de quasi-monopole en France. Au total, trois millions de patients prennent ce médicament en France (premier marché mondial) pour soigner l'hypothyroïdie ou après une opération de cancer de la thyroïde.
Ce qu’il faut
retenir
- Avant le changement de formule de Levothyrox, Merck a réalisé une étude de bioéquivalence sur plus de 200 personnes.
- Une équipe franco-britannique signale que dans cette étude le médicament n’était pas substituable chez plus de la moitié des sujets.
- Les études de bioéquivalence sont généralement réalisées sur des échantillons plus petits.