Il n’est pas venu directement de Chine ni d’Italie et circulait depuis longtemps sur le territoire à bas bruit, bien avant que l’épidémie n’explose en mars. Les chercheurs de l’Institut Pasteur ont cherché à remonter l’origine de la souche française et ont fait plusieurs découvertes qui distinguent notre pays de ses voisins.


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    Le 14 février, la France enregistrait son premier décès du coronavirus, un patient de 80 ans rentré de Chine après avoir séjourné à Wuhan, l'épicentreépicentre mondial de l'épidémie. Le 8 février, aux Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie ; puis le 25 février, à Crépy-en-Valois ou à Creil dans l'Oise... Les cas se multiplient et la vaguevague prend forme. Le 28 février, la France passe au stade 2 de l'épidémie, puis au stade 3 le 14 mars. On compte alors 4.500 cas confirmés, dont plus de 300 en réanimation. On connaît la suite : confinement durant deux mois, avec plus de 140.200 cas et 27.000 morts au 13 mai.

    Une circulation silencieuse a favorisé de multiples foyers d’infection

    Différentes études montrent pourtant que le virus circulait à bas bruit bien avant l'explosion du nombre de cas. L'Institut Pasteur a mené une analyse phylogénétiquephylogénétique sur une centaine de génomes de patients infectés entre le 24 janvier et le 24 mars 2020mars 2020 dans le nord de la France. « Nos données montrent que le virus circulait probablement depuis la mi-janvier, avec une fourchette comprise entre fin décembre et mi-février », indique Étienne Simon-Lorière, virologue et coauteur de l'étude.

    Le coronavirus se serait alors propagé parmi des patients asymptomatiques, ce qui aurait favorisé de multiples foyers d'infection, aboutissant à une augmentation brutale du nombre de cas en mars. « On remarque 7 ou 8 foyers d'infections distincts, mais toujours avec le même cladeclade [groupe génétique du virus]. Cela nous distingue de nos voisins européens, où circulent généralement plusieurs clades. Au Royaume-Uni, par exemple, il y a trois clades différents », remarque Étienne Simon-Lorière.

    La majorité des cas de Covid-19 en France sont dus au clade G, qui n’est pas celui circulant en Chine et en Italie (clades S et V). © Sylvie van der Werf et al, bioRxiv, 2020
    La majorité des cas de Covid-19 en France sont dus au clade G, qui n’est pas celui circulant en Chine et en Italie (clades S et V). © Sylvie van der Werf et al, bioRxiv, 2020

    Madagascar, Égypte… D’où vient le coronavirus français ?

    Or, ce clade n'est pas celui qui est majoritaire en Chine ni en Italie. Sa séquence la plus récente identifiée date du 19 février 2020 et correspond à un cas sans historique de voyage et n'ayant été en contact avec aucune personne revenant de l'étranger, indique l'étude parue dans BioRxiv. Plusieurs autres personnes portant ce clade se sont en revanche rendus dans d'autres pays, à Madagascar, aux Émirats arabes unis, ou encore en Égypte. « Il est cependant impossible de conclure que ces patients ont contracté la maladie là-bas », met en garde Étienne Simon-Lorière. Le mystère demeure donc entier sur l’origine du virus français.

    Trop de cas asymptomatiques pour pouvoir enrayer l’épidémie

    Une autre conclusion de l'étude est que les mesures de confinement ont été particulièrement efficaces, indique le chercheur. « Les analyses phylogénétiques montrent qu'il y a eu peu de transmission locale, ce qui veut dire que les restrictions de circulation ont empêché la propagation localement, notamment celle du clade italien ».

    En raison de l'échantillonnageéchantillonnage très limité, il est impossible de remonter précisément l'origine du virus en France, met en garde l'étude. Cette dernière met en revanche en évidence la difficulté de contenir une épidémie lorsqu'il y a beaucoup de cas asymtomatiques. « Dans le cas du SARS en 2003, on a pu immédiatement isoler tous les patients à risque et l’épidémie s’est arrêtée, souligne Étienne Simon-Lorière. Avec le SARS-CoV-2SARS-CoV-2, c'est bien plus difficile parce que des personnes infectées propagent le virus sans le savoir. Avant la mise au point d’un vaccin, il sera donc bien difficile de stopper la maladie », reconnaît le virologue, plutôt pessimiste.