Une récente étude parue dans The Journal of Neuroscience suggère que les processus sémantiques à l'œuvre dans notre cerveau ne différeraient pas selon le sens utilisé pour les appréhender. Une découverte importante qui ouvre des pistes de réflexion afin de mieux comprendre les différences entre un cerveau « sain » et celui de personnes dyslexiques ou celui de personnes atteintes d'aphasie, trouble survenant généralement après un accident vasculaire cérébral (AVC).


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    À l'ère du numériquenumérique, des podcasts, des vidéos YouTubeYouTube et des livres audio, beaucoup de contenus sont accessibles via le sens auditif. Des études antérieures avaient déjà identifié que les informations sémantiques du langage oral sollicitent de multiples régions du cortex cérébral humain tandis que les perceptions détectables par plusieurs sens (que l'on nomme perceptions amodales) sollicitent plusieurs grandes zones du cerveau. Les chercheurs voulaient savoir si certaines perceptions précises partageaient le même processus cérébral du traitement de l'information et de sa compréhension. C'est l'objet de cette étude conduite par une équipe de neuroscientifiques de l'Université de Californie et publiée dans The Journal of Neuroscience.

    Lire ou écouter : cela reviendrait au même pour la compréhension

    Les chercheurs ont fait lire et écouter à neuf participants (on regrettera la petite taille de l'échantillon) la même histoire plusieurs heures durant. Ensuite, les mots de cette histoire ont été classés selon leurs connotations (visuelle, tactile, numérique, relative à une localisation, violente, mentale, émotionnelle et sociale) et ont été associés à un code couleurcouleur ainsi qu'à des formes précises au sein d'un algorithme afin de s'afficher de manière précise sur une carte du cerveau en trois dimensions. Enfin, les expérimentateurs ont analysé les mécanismes cérébraux à l'œuvre ainsi que les zones stimulées pour la compréhension sémantique à l'aide d'imagerie à résonancerésonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ; ils ont été surpris de remarquer qu'ils étaient radicalement identiques. 

    « Nous savions que quelques régions du cerveau étaient activées de la même manière lorsque vous entendiez et lisiez le même mot, mais je ne m'attendais pas à de telles similitudes dans la représentation du sens à travers un vaste réseau de régions du cerveau dans ces deux modalités sensorielles », a déclaré Fatma Deniz, post-doctorante à l'Université de Californie et auteure principale de l'étude. Les résultats obtenus suggèrent donc que la compréhension sémantique serait indépendante du sens (l'ouï ou la vue) par lequel elle est appréhendée.

    Les cartes cérébrales codées par couleur montrent les similitudes sémantiques lors de l'écoute (en haut) et de la lecture (en bas). © Fatma Deniz
    Les cartes cérébrales codées par couleur montrent les similitudes sémantiques lors de l'écoute (en haut) et de la lecture (en bas). © Fatma Deniz

    Des pistes de réflexions pour de futures applications cliniques ? 

    Cette découverte pourrait avoir plusieurs applicationsapplications cliniques potentielles, selon l'auteure principale de l'étude : de l'amélioration de l'apprentissage chez les personnes dyslexiques et aphasiques jusqu'à identifier les différences neurologiques en terme de compréhension après un AVCAVC, ou chez des personnes épileptiques comparées à des sujets en bonne santé. 

    « Si, à l'avenir, nous découvrons que le cerveau des personnes dyslexiques présente une riche représentation du langage sémantique lors de l'écoute d'un livre audio ou d'un autre enregistrement, cela pourrait amener davantage de matériel audio dans la classe. De plus, il serait très utile de pouvoir comparer les cartes sémantiques d'écoute et de lecture des personnes atteintes d'un trouble du traitement auditif », souligne Fatma Deniz. 

    Cette découverte, bien que récente, doit être évidemment reproduite et confirmée par d'autres laboratoires, dans d'autres contextes et surtout avec des personnes parlant différentes langues. Elle pourrait ouvrir la voie à toutes sortes d'études cliniques afin de mieux saisir les mécanismes à l'œuvre dans les pathologies citées avec l'objectif de mieux les soigner.