Un traitement antibiotique à long terme modifie le microbiote, réduit l’inflammation cérébrale et ralentit la formation de plaques séniles chez des souris mâles. Mais cet effet n’a pas été observé chez les femelles.


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    Les bactéries du microbiote intestinal influencent de nombreux aspects de notre santé, y compris celle du cerveau. D'après Sangram Sisoda, directeur du centre de neurobiologie moléculaire à l'université de Chicago, qui s'exprime dans un communiqué, « Des preuves récentes suggèrent que les bactéries intestinales pourraient jouer un rôle majeur dans diverses affections neurologiques, notamment les troubles du spectre autistiquetroubles du spectre autistique, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimermaladie d'Alzheimer. »

    Les bactéries intestinales pourraient jouer un rôle majeur dans diverses affections neurologiques

    La maladie d’Alzheimer est la principale pathologiepathologie neurodégénérative associée au vieillissement. En France, elle touche 900.000 personnes d'après l'Inserm. Dans cette maladie, des plaques amyloïdesplaques amyloïdes, souvent appelées « plaques séniles »,  se forment dans le cerveau.

    La maladie se caractérise également par une activation des cellules immunitaires de la microgliemicroglie, présentes dans le cerveau. Dans le cas de la maladie d'Alzheimer, les cellules de la microglie servent à éliminer les plaques amyloïdes, mais leur activation participe aussi à l'inflammationinflammation. Chez les patients souffrant d'Alzheimer, la flore intestinaleflore intestinale est altérée. D'où l'idée d'intervenir sur le microbiote intestinal pour freiner la maladie. L'équipe de Sangram Sisoda avait déjà montré que des bactéries intestinales participent au développement des symptômessymptômes d'Alzheimer dans un modèle animal, chez des rongeursrongeurs.

    Le saviez-vous ?

    Les cellules de la microglie sont des macrophages installés dans le tissu cérébral qui représentent la première ligne de défense contre des infections et d’autres agressions. La microglie participe au développement du cerveau tout au long de la vie embryonnaire et adulte, par exemple en contrôlant la formation de synapses ou la mort cellulaire.

    Les bactéries intestinales influencent les symptômes d’Alzheimer

    Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont travaillé avec un modèle de souris pour la maladie d'Alzheimer, une souche appelée APPPS1-21. Les chercheurs ont utilisé un traitement antibiotiqueantibiotique avec plusieurs médicaments mélangés. Chez les souris mâles, ils ont observé que ce traitement antibiotique à long terme ralentissait la formation des plaques amyloïdes et réduisait l'activation de la microglie : les cellules de la microglie, au lieu de favoriser la neurodégénérescence, adoptaient une forme qui favorise une bonne santé du cerveau. Mais tous ces effets des antibiotiques n'existaient pas chez les souris femelles.

    Plaques amyloïdes (en vert) chez une souris mâle APPPS1-21 témoin (à gauche) et une souris mâle APPPS1-21 traitée aux antibiotiques (à droite). La microglie apparaît en rouge. © Dodiya et al., 2019
    Plaques amyloïdes (en vert) chez une souris mâle APPPS1-21 témoin (à gauche) et une souris mâle APPPS1-21 traitée aux antibiotiques (à droite). La microglie apparaît en rouge. © Dodiya et al., 2019

    Pour savoir si ces changements étaient dus au microbiote, les chercheurs ont réalisé une transplantationtransplantation fécale : ils ont donné la flore intestinale de souris non-traitées à des souris traitées aux antibiotiques, pour restaurer le microbiote initial, avant traitement. À ce moment-là, les caractéristiques de la maladie d'Alzheimer sont revenues : les plaques amyloïdes se formaient de plus en plus et la microglie était activée.

    Mais pourquoi seules les souris mâles semblent-elles bénéficier de ce traitement antibiotique ? Les chercheurs ont trouvé que les antibiotiques ne modifient pas de la même façon le microbiote des souris mâles et femelles. Chez les souris femelles, les modifications de la flore intestinale conduisaient à la production de moléculesmolécules pro-inflammatoires, ce qui pourrait activer la microglie. « Notre étude montre que les perturbations du microbiomemicrobiome intestinal induites par des antibiotiques ont une influence sélective et spécifique du sexe sur la formation de plaques amyloïdes et l'activité microgliale dans le cerveau. »

    Cette étude paraît dans la revue Journal of Experimental Medicine.