La pharmacologie actuelle fonctionne majoritairement en inhibant certains récepteurs clé pour entériner l'action d'une ou plusieurs protéines données. Seulement, cette technique se heurte à des problèmes colossaux en terme d'application clinique. C'est pourquoi de nouvelles équipes développent ce que l'on nomme des dégradeurs de protéines ciblés qui auraient une application clinique bien plus large.


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    Les médicaments actuels ne parviennent à cibler que les récepteurs à certaines protéines, agissant donc en inhibiteurs de leurs actions. Dans ce paradigme, 20 % des mécanismes biologiques seraient accessibles aux médicaments afin de guérir les pathologies concernées. C'est pourquoi, il est urgent de développer de nouvelles théories afin de produire des médicaments possédant des actions plus élargies. 

    Un peu d'histoire des sciences

    Selon la perspective ouverte par Thomas Khun de la vision de la science, cette dernière se décompose grossièrement de cette manière : pré-science, science normale, crise, révolution, nouveau paradigme, science normale, etc. Actuellement, la pharmacologie semble se trouver entre la crise et le nouveau paradigme. Les tenants de la science normale se rendent bien compte que les théories actuelles rencontrent des difficultés avec les traitements standards. C'est comme cela que naît la crise et face à elle, des chercheurs vont devoir sortir des rangs de la science normale afin de formuler une nouvelle théorie prometteuse qui tentera de surpasser les problèmes que rencontrait la précédente.

    C'est ce qu'entreprennent des scientifiques avec la dégradation de protéines ciblées depuis plusieurs années. Ils travaillent en dehors du paradigme actuel en crise, à savoir le développement de médicaments ciblant l'inhibition des récepteurs, afin de dépasser les problèmes et les limitations que pose cette approche. Les nouveaux médicaments qui pourraient bientôt voir le jour s'adonneraient non pas à l'inhibition de récepteurs spécifiques mais à l'activation « naturelle » de la dégradation des protéines problématiques elles-mêmes.

    Les nouveaux médicaments qui pourraient bientôt voir le jour s'adonneraient non pas à l'inhibition de récepteurs spécifiques mais à l'activation naturelle de la dégradation des protéines problématiques elles-mêmes. C'est un changement de paradigme dans la façon de concevoir les médicaments. © Olivier LeMoal, Fotolia
    Les nouveaux médicaments qui pourraient bientôt voir le jour s'adonneraient non pas à l'inhibition de récepteurs spécifiques mais à l'activation naturelle de la dégradation des protéines problématiques elles-mêmes. C'est un changement de paradigme dans la façon de concevoir les médicaments. © Olivier LeMoal, Fotolia

    Un nouveau paradigme pharmaceutique 

    Une nouvelle étude, publiée dans la revue Molecular Cell, part du constat que la dégradation de protéines via l'administration de moléculesmolécules minuscules est un phénomène mal compris. Cette théorie novatrice est basée sur le fait que de petites molécules, généralement appelées « dégradeurs » vont pouvoir induire la dégradation des protéines en redirigeant certaines enzymesenzymes (les ligases) de nos protéines régulatrices (les ubiquitines) vers la protéine qui doit être éliminée. Parallèlement, comme l'immunothérapieimmunothérapie cherche à utiliser nos cellules immunitaires contre les cellules cancéreuses, cette théorie suppose qu'on pourrait, grâce à l'administration de certaines molécules, activer artificiellement le système que la cellule utilise naturellement pour rechercher et détruire les protéines endommagées. Les scientifiques ont récemment identifié, dans cette nouvelle expérience, certains gènesgènes qui détermineraient l'efficacité de ces « dégradeurs ».

    Cette théorie suppose qu'on pourrait, grâce à l'administration de certaines molécules, activer artificiellement le système que la cellule utilise naturellement pour rechercher et détruire les protéines endommagées. © Design Cells, Fotolia
    Cette théorie suppose qu'on pourrait, grâce à l'administration de certaines molécules, activer artificiellement le système que la cellule utilise naturellement pour rechercher et détruire les protéines endommagées. © Design Cells, Fotolia

    « Nous avons sélectionné un ensemble représentatif de cinq agents de dégradation, qui détournent différentes ligases pour dégrader des protéines d'intérêt clinique. Lorsque ces protéines sont perturbées, les ligases perdent leur aptitude à s'assembler et à se désassembler de manière flexible en réponse aux besoins cellulaires, explique Martin Jaeger, doctorant et co-auteur principal de l'étude. Au lieu de cela, elles commencent à s'auto-étiqueter dans le cadre d'un processus appelé dégradation automatique. En conséquence, les médicaments de dégradation testés ne parviennent pas à déstabiliser leurs protéines cibles et sont inefficaces pour bloquer la croissance des cellules cancéreuses. »

    Selon les expérimentateurs, mieux comprendre les mécanismes de résistancesrésistances des cellules à ces « dégradeurs » pourrait permettre de les dépasser grâce aux avancées en génétique fonctionnelle (les ciseaux CRISPRCRISPR, par exemple) et en protéomique quantitative où les réseaux de gènes modulateurs pourront servir, selon eux, de futurs biomarqueurs.