Depuis 1976, le virus Ebola est responsable d'épidémies humaines mortelles en Afrique centrale. Les travaux menés ces dernières années par les chercheurs de l'IRD et leurs collaborateurs pour élucider les modalités de propagation du virus dans la nature, ont montré que l'homme ne se contamine pas directement auprès de l'animal réservoir, encore inconnu, mais à partir de carcasses infectées de chimpanzés, de gorilles et de certaines antilopes de forêt.

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    Image en microscopie électronique du virus Ebola(crédit : CDC)

    Image en microscopie électronique du virus Ebola(crédit : CDC)

    La découverte d'anticorpsanticorps dirigés contre le virus Ebola chez plusieurs espèces de singes, suggère l'existence parmi celles-ci de sensibilités différentes au virus Ebola et, peut-être, de souches virales plus ou moins virulentes. Cependant, la plupart des grands singes infectés décèdent rapidement de la maladie. Morts, ils deviennent alors une source potentielle de contaminationcontamination pour l'homme mais aussi pour certains animaux domestiques. La détection d'anticorps anti-Ebola chez des chiens exposés au virus lors des dernières épidémiesépidémies laisse à penser que ces animaux ont pu être infectés et qu'ils peuvent constituer, de fait, une nouvelle source de contamination pour l'homme.

    Le virus Ebola provoque chez l'homme une fièvrefièvre hémorragique fulgurante qui se manifeste le plus souvent sous la forme de flambées épidémiques tuant jusqu'à 80 % des personnes infectées. Sept épidémies ont ainsi affecté le Gabon et la République du Congo depuis 1994, provoquant 445 cas dont 361 décès, ce qui fait d'Ebola un véritable problème de santé publique dans ces pays. Aucun médicament ou vaccinvaccin n'étant à ce jour disponible, seules la prévention et la maîtrise rapide des épidémies par isolement des malades permettent d'en limiter l'extension.

    Depuis 2001, les chercheurs de l'IRD et leurs collaborateurs tentent de comprendre l'ensemble des modalités de circulation du virus dans son milieu naturel, depuis son hôte naturel (ou réservoir) jusqu'à l'homme. Ils ont notamment montré que d'importantes épidémies d'Ebola ont décimé les populations de grands singes ces dernières années dans la région frontalière du Gabon et de la République du Congo. L'homme ne se contaminerait que dans un deuxième temps, au contact des carcasses des animaux morts. Cependant, le cycle naturel du virus ne se limite pas à une simple transmission du réservoir au singe puis à l'homme. Il est en effet envisageable que plusieurs espèces réservoirs co-existent et que de nombreuses autres espèces animales puissent s'infecter, contribuant ainsi à la propagation du virus dans la nature.

    Ainsi, une enquête sérologique menée de 1980 à 2000 sur 790 primates du Cameroun, du Gabon et de République du Congo, appartenant à vingt espèces différentes, révèle que 12,9 % des chimpanzéschimpanzés sauvages présentent des anticorps anti-Ebola, plusieurs des échantillons positifs datant d'avant les premières épidémies dans ces pays. Ces résultats indiquent donc que les chimpanzés sont régulièrement en contact avec l'animal réservoir du virus et que certains d'entre eux développent des infections non mortelles. La présence d'anticorps spécifiques chez des animaux prélevés avant les épidémies signifie que le virus Ebola circule probablement depuis longtemps dans les forêts d'Afrique Centrale. La détection de tels anticorps chez d'autres espèces de singes (5 drills, 1 babouin, 1mandrill, 1 cercopithèquecercopithèque) suggère que la circulation du virus impliquerait de nombreuses contaminations entre espèces animales distinctes. Ainsi, la multiplicité des espèces infectées, leurs sensibilités différentes au virus et la grande disparité de leurs modes de vie, témoignent de la complexité de la circulation du virus Ebola dans son milieu naturel. Ces observations indiquent également qu'une épidémie ou des cas sporadiques peuvent apparaître à tout moment dans l'ensemble de la sous-région d'Afrique centrale.

    Par ailleurs, lors des dernières épidémies survenues au Gabon et en République du Congo, plusieurs chiens ont consommé des restes d'animaux infectés par le virus Ebola, sans toutefois présenter de signes cliniques visibles. Afin de confirmer que ces chiens ont bien été en contact avec le virus, les scientifiques ont recherché la présence d'anticorps spécifiques du virus Ebola dans leur sang. Le pourcentage de chiens porteurs de tels anticorps croît de manière linéaire et significative à mesure que l'on s'approche des foyers épidémiques. De 9 % dans les deux grandes villes du Gabon, la prévalenceprévalence passe à 25 % dans les villages indemnes de la zone d'épidémie, pour atteindre 32 % dans les villages où des cas humains ont pu être imputés à une source animale infectée. Ces animaux domestiques pourraient donc s'infecter et excréter du virus pendant un temps donné, devenant de fait une source potentielle d'infection pour l'homme. Ceci pourrait expliquer certaines contaminations humaines non élucidées. Il apparaît donc aujourd'hui nécessaire d'évaluer le rôle des chiens dans les épidémies de fièvre Ebola et de prendre en compte ce risque dans les mesures de lutte contre les épidémies. Ces animaux pourraient en outre être utilisés comme indicateurs de la présence du virus dans les régions où, hormis l'apparition de cas de mortalité animale et humaine, aucun signe extérieur ne peut indiquer la présence ou non du virus Ebola.

    L'ensemble de ces travaux met en évidence les progrès réalisés ces dernières années dans la compréhension des modes de circulation du virus dans son milieu naturel. Bien que le réservoir ne soit pas encore identifié, des recherches sont en cours pour élucider les étapes qui, à partir de ce réservoir, conduisent à l'émergenceémergence des épidémies humaines. La connaissance de l'animal réservoir et du cycle naturel du virus devrait permettre d'élaborer des stratégies adaptées de prévention des épidémies d'Ebola.