Les cigales de la côte est des États-Unis ne chantent que tous les 17 ans. Les larves naissent sur un arbre, puis s’enfouissent dans le sol plus d’une décennie. Lorsqu’elles se décident enfin à rejoindre la surface, elles sortent en masse. Si bien qu’en mai dernier, autour de New York, 30 milliards de cigales ont vu le jour. L’événement est surprenant, éphémère, et en voici les superbes images, montées par le réalisateur Samuel Orr.

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    Tout juste née, cette larve de cigale s'apprête à s'enfouir dans le sol. Elle y restera pendant 17 ans, se nourrissant de la sève brute, qui circule dans le xylème des plantes. © Capture d'écran, The return of the cicadas, Samuel Orr

    Tout juste née, cette larve de cigale s'apprête à s'enfouir dans le sol. Elle y restera pendant 17 ans, se nourrissant de la sève brute, qui circule dans le xylème des plantes. © Capture d'écran, The return of the cicadas, Samuel Orr

    Aujourd'hui, on célèbre la journée mondiale de l'environnement. Pour l'occasion, la chronique L'extrême en vidéo a choisi de décrypter l'un des étonnants phénomènes que peut offrir la biodiversité sur Terre.

    La côte est des États-Unis a connu un mois de mai des plus bruyants et des plus surprenants. Tous les 17 ans, des larves de Tibicina septendecim sortent des galeries souterraines pour vivre six semaines à l'état de cigale. Durant cette courte période, New York prend des airsairs de Provence française, et le sol est jonché de centaines, voire de milliers de cigales. Samuel Orr, fasciné par ce long mais en même temps éphémère cycle, nous fait découvrir l'événement à travers une superbe vidéo documentaire.


    The return of the cicadas, le retour des cigales en français, est un montage réalisé par Samuel Orr. Ces cigales, du genre Magicicada, ont un cycle de vie de 17 ans. Naissant sur un arbre, les larves s'enfouissent ensuite sous terre avant de réapparaître des années plus tard à l'air libre, sous forme de cigale pour ne vivre que six semaines. © motionkicker, Vimeo

    Décryptage de la vidéo : le cycle de vie des cigales en time-lapse

    Voilà six ans que le réalisateur Samuel Orr, spécialiste de films d'histoire naturelle, récolte des images, vidéos et sons des cigales du genre Magicicada. Son projet, Return of the cicadas, a démarré en 2007. Depuis, il a réuni plus de 200 heures de vidéo. D'abord autofinancé, Samuel Orr essaie à présent de recueillir 20.000 dollars pour réaliser un reportage de plus d'une heure pour la chaîne américaine PBS, sur ces surprenants insectes. L'extrait est un montage, réalisé en time-lapsetime-lapse et à partir de vidéos filmées depuis un microscopemicroscope.

    Les Magicicada sont des insectes périodiques, qui passent 13 ou 17 ans sous terre, sous forme de larve, puis sortent subitement en surface pour devenir des cigales. Leur vie au soleilsoleil est éphémère, les cigales ont six semaines pour muer, s'accoupler, pondre, puis mourir. Elles sont endémiquesendémiques aux régions de l'est de l'Amérique du Nord, et il existe actuellement 15 couvées, qui émergentémergent tous les 13 ou 17 ans suivant l'espèce. Les scientifiques estiment que la couvée Brood II, qui a vu le jour au mois de mai du Connecticut jusqu'en Virginie, comptait plus 30 milliards de cigales. Par endroits, elles sortent par centaines, voire par milliers et chantent à 100 décibels !

    Le jardin de la maison de Sherry DelGaudio, dans le Connecticut. Il a été envahi par des milliers de cigales qui, après avoir laissé leurs exuvies sur le sol ont migré dans les arbres. © Capture d'écran, Patch TV

    Le jardin de la maison de Sherry DelGaudio, dans le Connecticut. Il a été envahi par des milliers de cigales qui, après avoir laissé leurs exuvies sur le sol ont migré dans les arbres. © Capture d'écran, Patch TV

    « Il y avait des milliers de cigales sortant du sol, on n'arrivait pas à le croire. Les jours suivants, elles ont continué à se multiplier, et ont commencé à grimper sur les arbres, mais aussi sur notre boîte aux lettres, c'était fou de les voir évoluer », racontait Sherry DelGaudio, dont le jardin a été investi par les cigales.Elles s'étaient enfouies à l'état de larve dans le sol en 1996, et ont vécu isolées durant 17 ans. Sans se consulter, toutes sont sorties à la mi-mai, lorsque le sol avait atteint la température et l'humidité adéquates.

    L’après-vidéo : pourquoi retournent-elles dans le sol ?

    Actuellement, les habitants entendent les appels d'accouplementaccouplement des cigales mâles. Ils sont tout à fait reconnaissable, car les mâles font vibrer une plaque appelée cymbale, tel un instrument, située de chaque côté de l'abdomenabdomen. Ces sons peuvent être entendus par les femelles dans un rayon de 1,6 km. Mais par endroit, les femelles ont déjà pondu et les populations adultes sont déjà en train de rendre l'âme. Les larves qui naissent en ce moment prendront bientôt le chemin du sous-sol, pour rester plongées dans l'obscurité jusqu'en 2030.

    Les scientifiques s'intéressent particulièrement aux lieux où les larves sont sorties. Ils pensent que c'est une signature des couvées précédentes, et espèrent ainsi en apprendre plus sur l'évolution de ces cigales. Pourquoi ont-elles un cycle sous-terrain aussi long, tandis que les espèces que l'on connaît en France sortent chaque année ? « Les informations sur la nature des événements qui ont provoqué la formation des couvées sont probablement codées dans les lieux et la nature des frontières entre les couvées », déclarait John Cooley, un spécialiste des cigales de l'université du Connecticut. Si les raisons qui poussent les larves à rester si longtemps sous terre sont encore mystérieuses, leur arrivée à la surface est toujours accueillie avec une pointe d'émerveillement.

    Chronique : l'extrême en vidéo

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    Publiée toutes les deux semaines sur Futura-Sciences, la chronique L’extrême en vidéo décrypte des phénomènes naturels ou des exploits humains à couper le souffle. La nature déchaînée, mystérieuse ou étonnante, et les Hommes qui risquent leur vie pour l'explorer seront les thèmes de ces séquences spectaculaires que nous analyserons avec l'œil du scientifique.