Un volcan russe qui s’était effondré de 300 mètres en 1956 a presque retrouvé sa taille d’origine, grâce à une activité magmatique particulièrement intense. Un phénomène étudié pour la première fois par des scientifiques.


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    Nous sommes en 1956 dans la péninsule du Kamchatka, à l'extrême est de la Russie. Le 30 mars, à 17 h 11, le volcan Bezymianny considéré comme éteint et depuis plus de 1.000 ans, explose brutalement dans une violente éruption. Tout le flanc est pulvérisé, et près de 2,8 milliards de mètres cubes de roches volcaniques sont expulsées. Suite à cette éruption, semblable à celle du Mont Saint Hélène en 1980, le Bezymianny a perdu environ 300 mètres de hauteur avec l'ouverture d'une dépression en ferfer à cheval de 2,8 kilomètres de long et 700 mètres de profondeur. Depuis cette catastrophe (qui n'a toutefois fait aucune victime, la zone étant inhabitée), le volcan ne connaît aucun répit. Il recrache de la lave au rythme de 26.400 mètres cubes par jour et a quasiment retrouvé sa taille originelle, révèle une nouvelle étude publiée dans Communications Earth and Environment qui s'est penchée pour la première fois sur ce phénomène.

    Deux cheminées qui se rejoignent

    Le Bezymianny, qui mesurait 3.113 mètres avant l'éruption dévastatrice de 1956, a aujourd'hui pratiquement regagné sa hauteur d'origine. La période de reconstruction démarre avec deux dômes de lave issus de deux cheminéescheminées distinctes sur le flanc gauche espacées de 400 mètres. Vingt ans plus tard, les cheminées se sont rapprochées de 200 mètres et après 50 ans, elles ne forment plus qu'un seul et unique conduit pour former un stratocône avec un cratère. « Les résultats de nos modélisationsmodélisations numériquesnumériques montrent que les contraintes associées à la destruction et la reconstruction provoquent le déplacement des nouvelles cheminées éruptiveséruptives vers l'embouchure de l'effondrementeffondrement », expliquent les auteurs. Autrement dit, le magmamagma tend naturellement à se diriger vers le centre de la zone où se forme le nouveau dôme, aboutissant à un cratère unique. De plus, les coulées de lave agissent comme une « couverture », en empêchant l'effondrement des flancs et en stabilisant le nouvel édifice.

    Les phases de reconstruction du volcan. Durant la période 1956-1967, deux dômes de lave apparaissent sur le flanc gauche effondré (figure a). Ils se rapprochent progressivement (1967-1976, figure b) pour ne former plus qu’une cheminée unique (figure c, 1977-2006). Le stratocône a aujourd’hui pratiquement retrouvé sa taille d'origine (figure d). © <i>Alina V. Shevchenko et al, Communications Earth & Environment, 2020</i>
    Les phases de reconstruction du volcan. Durant la période 1956-1967, deux dômes de lave apparaissent sur le flanc gauche effondré (figure a). Ils se rapprochent progressivement (1967-1976, figure b) pour ne former plus qu’une cheminée unique (figure c, 1977-2006). Le stratocône a aujourd’hui pratiquement retrouvé sa taille d'origine (figure d). © Alina V. Shevchenko et al, Communications Earth & Environment, 2020

    Le Bezymianny n'est pas un cas isolé dans la région. Les volcans de la chaîne de Kuril-Kamchatka, situés sur une faillefaille de subductionsubduction où la plaque pacifique plonge sous la plaque sous la péninsule du Kamchatka, connaissent une activité très intense.

    Un processus qui prend normalement des milliers d’années

    Au cours des 7.000 dernières années, le volcan Klyuchevskoy a ainsi produit en moyenne un mètre cube de roches éruptées par seconde ! Un taux éruptif très élevé comparable à celui des volcans d'Hawaï (souvent considérés comme le système volcanique le plus actif au monde), écrit l’Institut de physique du Globe de Paris. D'autres volcans sont connus pour avoir vu un cônecône « repousser » après l'éruption originelle, comme le Mont Saint Helens (États-Unis), la Soufrière (Guadeloupe), le Santa Maria (Guatemala) ou encore Ritter Island, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il est cependant rare que le volcan reprenne sa forme et sa taille d'origine et peu de ces cas ont été documentés. « Dans la plupart des cas, ce processus dure des milliers d'années », écrivent les auteurs de l'étude. Il a ainsi fallu 4.000 ans au Colima, au Mexique, pour retrouver son dôme initial.

    Une nouvelle catastrophe imminente ?

    Mais jusqu'où le Bezymianny va-t-il encore grandir ? Le rythme de croissance s'est déjà fortement ralenti, passant de 56.000 m3/jour dans la première décennie de reconstruction à 17.000 m3/jour ces 30 dernières années. La lave a aussi tendance à être de moins en moins visqueuse, ce qui empêche de former une structure stable. Du coup, les auteurs craignent qu'un autre effondrement destructeur soit imminent. « Si l'activité actuelle se poursuit (les deux dernières éruptions se sont produites en 2019), entraînant une nouvelle accentuation de l'inclinaison des flancs, les pentes supérieures du volcan pourraient finalement s'effondrer partiellement, même dans un avenir proche », mettent en garde les scientifiques. Ce n'est peut-être pas le moment d'aller s'y balader.