L’éruption sans précédent du Kilauea, à Hawaï, en 2018, aurait été causée par les précipitations intenses tombées les mois précédents, d’après des chercheurs de l’université de Miami. La pluie se serait infiltrée dans la roche poreuse, créant une surpression qui aurait fracturé la roche entraînant le déferlement de la lave. Une explication plausible mais qui ne convainc pas tout le monde.


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    Le 3 mai 2018, le volcan Kilauea, sur l'île de Big Island à Hawaï, entre en éruption et projette des torrentstorrents de lave ininterrompus, formant un fleuve de 6 mètres d'épaisseur sur plusieurs dizaines de mètres de large. Plus de 2.000 personnes sont évacuées et il faudra attendre début août pour que le flot de lave commence enfin à baisser et que les secousses sismiques agitant le sommet ralentissent. Fin septembre 2018, la lave a recouvert 35,5 km² de terres et plus de 700 habitations ont été détruites. Le Kilauea vient de connaître la plus longue et la plus intense éruption de son histoire récente.

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    Record de pluie les mois précédant l’éruption

    Selon une étude parue le 22 avril dans la revue Nature, cette éruption majeure pourrait avoir été déclenchée par la pluie. Début 2018, l'archipel hawaïen connait en effet une intense période de précipitations. Durant le premier trimestre de l'année, 2,25 mètres d'eau s'abattent sur le Kīlauea, soit deux fois et demi la quantité normale de pluie sur cette période.

    Dans la journée du 14 au 15 avril, l'île de Kaua'i, au nord-est du volcan, bat même le record de pluie pour les États-Unis avec 1,26 m d'eau tombé en 24 heures. La pressionpression souterraine causée par l'infiltration dans la roche poreuse de toute cette eau additionnelle aurait provoqué la fracturation de la poche magmatique, aboutissant à l'explosion du volcan. « La pression dans le sous-sol du volcan a été multipliée par 10 dans les profondeurs de 1 à 3 kilomètres, pour atteindre son niveau le plus élevée en près de 50 ans », note Jamie Farquharson, volcanologuevolcanologue à l'université de Miami et principal auteur de l'étude.

    Entre mai et août 2018, un cratère du volcan Kilauea à Hawaï va déverser des millions de mètres cubes de lave dans le paysage. © USGS
    Entre mai et août 2018, un cratère du volcan Kilauea à Hawaï va déverser des millions de mètres cubes de lave dans le paysage. © USGS

    60 % des éruptions ont eu lieu pendant la saison des pluies

    Les chercheurs ont également étudié la chronologie des éruptions passées depuis 1790 et constaté que 60 % d'entre elles ont eu lieu pendant la saisonsaison des pluies (entre mars et août). Cette étude n'est pas la première à mettre en relation précipitationsprécipitations et éruptions volcaniqueséruptions volcaniques.

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    En 2009, des chercheurs de l’université de East Anglia (Royaume-Uni) s'étaient par exemple penchés sur les collines de la Soufrière à Montserrat et avaient constaté un pic d'activité sismique dans les 6 à 40 heures suivant des pluies intenses.

    L'idée que la pression exercée par l'eau s'accumulant dans les cavités rocheuses puisse former de nouveaux couloirs magmatiques n'a rien d'absurde ; c'est d'ailleurs le principe de base de la fracturation hydraulique, où des fluides sous pression sont injectés dans le sous-sol pour fracturer la roche et libérer le combustiblecombustible fossilefossile.

    Si la pluie peut déclencher une éruption alors pourquoi pas les marées ?

    Affirmer que la pluie est responsable de l'éruption du Kilauea est cependant loin de convaincre bon nombre de scientifiques qui jugent le modèle établi par les auteurs de Nature beaucoup trop simpliste.

    « Même si l'eau avait atteint la poche de magmamagma, la pression reste trop faible pour faire une différence, y compris pour un volcan prêt à entrer en éruption », explique par exemple Michael Manga, géoscientifique à l'université de California, au Smithsonian Magazine. « Les contraintes enregistrées sont plus faibles que celles causées par l'attraction gravitationnelle de la LuneLune. Si la pluie peut déclencher une éruption alors pourquoi pas les marées ? » s'interroge-t-il.

    « Cette étude contredit également les centaines de volcans dans le monde qui ont été saturés par la pluie tout au long de leur histoire sans que cela déclenche d'éruption », renchérit dans le New York Times Janine Krippner, volcanologue au Smithsonian Global Volcanism Program. Dès le 17 avril, les scientifiques présents sur le site avaient alerté sur une déformation du sol et lancé un avertissement selon lequel une nouvelle éruption pourrait se produire.

    Néanmoins, « la possibilité que des processus externes tels que le climatclimat ou la météométéo déclenchent des éruptions volcaniques rappelle que les volcans font partie d'un système terrestre dynamique. Nous commençons seulement à comprendre ces interactions », avoue Michael Manga dans un éditorial de Nature accompagnant l'article.